Je t’écris au milieu d’un bel orage au TNM. Par Dominique Paupardin
La pièce Je t’écris au milieu d’un bel orage est présentée au Théâtre du Nouveau Monde du 17 janvier jusqu’au 11 février 2023 à Montréal. Supplémentaires du 12 au 19 février 2023. Elle met en vedette Anne Dorval dans le rôle de Maria Casarès, et Steve Gagnon dans celui d’Albert Camus, selon une adaptation de Dany Boudreault. Mise en scène Maxime Carbonneau.
D’abord, il y a le livre Correspondances, 1944-1959 (Gallimard) où l’on retrouve les sublimes lettres d’amour échangées entre la comédienne Maria Casarès et l’écrivain Albert Camus pendant plus de quinze années. Des échanges épistolaires qui parlent d’amour passionnel et de désir, mais aussi de théâtre et d’écriture. Ils racontent les tumultes politiques de l’après-guerre, la frénésie intellectuelle de Saint-Germain-des-Prés, les angoisses créatrices et les soucis du quotidien et de l’éloignement.
À l’été 2020, l’acteur et auteur Dany Boudreaut s’est plongé dans cette correspondance entre l’actrice espagnole et l’auteur engagé, récipiendaire du prix Nobel de littérature en 1957. « (…) en plein vertige existentiel, les lettres de Camus et Casarès — celle de qui j’ai découvert la plume brillante — ont été mon salut », explique-t–il dans le programme de la soirée.
À l’aide d’extraits de huit cent soixante-cinq lettres, de documents d’archives et d’émission de radio, il a minutieusement créé une pièce de théâtre inspirante qui célèbre cette intelligence amoureuse. Dans un décor minimaliste imaginé par le metteur en scène Maxime Carbonneau — une chambre à coucher, un lit qui représente tous les lits où les deux amants ont eu des relations intimes (ils ont même couché ensemble dans le lit conjugal de Camus, qui n’avait décidément pas froid aux yeux —, il est question de l’amour réciproque, mais aussi des attentes, des séparations, du manque et de l’absence. Et du travail. Chacun trouvait dans l’autre une source d’inspiration.
Camus était marié et père de deux enfants, Maria voulait vivre en femme libre et se consacrer à sa carrière d’actrice. De la Seconde Guerre mondiale jusqu’à la guerre d’Algérie, jusqu’à la mort de Camus en 1960 dans un accident de voiture, leur amour n’a pourtant jamais perdu de son intensité. « Ah, mon cher amour, je t’aime, je t’aime », n’a de cesse de répéter Maria incarnée par la comédienne Anne Dorval, parfaite, intense, digne, sensuelle et pourtant vêtue d’habits sobres. « Parfois je m’inquiétais, je ne me suis jamais fondu à ce point en un être… toi disparue comment vivrais-je ? » assure Camus, personnifié par Steve Gagnon, cérébral et tourmenté à souhait.
Cette pièce dure deux heures sans entracte et réclame toute la concentration des spectateurs.trices ainsi qu’une grande qualité d’écoute.