Une œuvre d'art de Jaber Lufti représentant un groupe de personnes ornées de bleu et de blanc, mettant en valeur le mélange homogène des frontières au sein de la peinture.

Jaber Lufti : quand l’art abolit les frontières…

Joanne Gagnier, collaboration spéciale, LaMetropole.Com

J’étais, jeudi dernier, bien heureuse d’avoir été invitée au vernissage de l’exposition « Bébés dragons » de Jaber Lutfi par son agent, Pierre-Marc DesJardins. L’aperçu que j’avais eu de ses oeuvres était si intrigant… Loin d’être déçue de ce que j’y ai découvert, j’y ai, de plus, fait la rencontre d’un artiste d’une grande générosité, comme en témoignent ses oeuvres, et aussi ouvert sur le monde réel que sur son imaginaire. Ce qui n’est pas peu dire. Les angles sous lesquels aborder ses oeuvres sont multiples : ce que je propose ici est le résultat de ma lecture; puisse-t-elle vous donner envie de découvrir ce que j’appellerais « Le monde selon Lutfi ».

Invitation à traverser la frontière du réel…

Dans la pénombre se tient tout un univers qui demande à être découvert : celui de Jaber Lutfi.

« Portique de l’icône » – 2014 – Jaber Lutfi

 C’est en regardant par ce qui semble être le trou d’une serrure (photo ci-haut) qu’il nous y invite, dirait-on, et j’ai d’ailleurs eu l’impression de voir son visage souriant sur cette toile….

Extrait de « Portique de l’icône » – 2014 – Jaber Lutfi

Une fois entrée dans son monde, j’ai été séduite par la richesse des détails autant que par leur délicatesse. J’aurais pu me sentir en manque de couleurs, moi qui les aime tant, mais ce qu’il faut voir, c’est que chacun des personnages représentés, et il y en a beaucoup, est coloré non pas tant par la couleur que teinté de sa personnalité unique, revêtu de sa propre identité, caractérisée davantage par les formes. Les têtes sont couronnées, que ce soit de chapeaux, de coiffes ou de coiffures singulières tout comme de couronnes en tant que telles. Parfois, elles portent des cornes, voire des antennes. Et puis, il y a ceux, nombreux, qui portent des masques. Certains les retirent devant nous, comme on peut le voir sur « Les fiancées du port II ». Et il arrive que derrière un masque se cache un voile… (quatrième personnage à partir de la gauche).

À la découverte d’un Nouveau monde…

Pareil à l’état dans lequel on se retrouve au sortir d’un rêve complexe dont il ne nous reste que des parcelles prêtes à s’évaporer dès qu’on y touche, on sent, en présence des oeuvres de Jaber, qu’il a dû élaborer tout un système d’évocations pour nous témoigner de ce qu’il rencontre dans cet autre espace-temps où tout se confond et se côtoie, passant du divin à l’humain, en perpétuelle métamorphose. Par le biais de récits fragmentés, de bribes de réalité disposées de-ci, de-là, d’un foisonnement de révélations, l’artiste nous dévoile sa vision du monde, résultat de visites autant dans les profondeurs marines que sur la terre habitée de créatures étranges ou dans le ciel traversé par des bestioles volantes.

Question de réel…

 Bien que l’on croit être en présence de personnages que l’on regarde, en réalité, ne sont-ce pas plutôt eux qui nous observent? Ils sont tous là, au rendez-vous, collés, serrés les uns contre les autres comme s’ils étaient des spectateurs qui attendent que la représentation commence… Qui regarde qui dans cette grande histoire de Lutfi ? Cela dépend de quel côté de la frontière on se trouve… Chez Jaber, il n’y a plus de frontières : il se promène allègrement dans tous les espaces-temps.

« La tentation de Saint-Antoine » – 2008 – Jaber Lutfi

 Proposition de l’artiste pour transgresser la dernière frontière !

Lors d’une brève allocution, le soir du vernissage, souhaitant briser la frontière qui sépare les créateurs des acheteurs en reconnaissant leur implication dans le monde de l’art, Jaber proposait qu’ils soient également signataires d’elles au verso, de concert avec l’artiste, parce que ce sont eux qui la font « advenir culturellement», nous a-t-il dit. Eux qui décident « laquelle de toutes ces oeuvres qui se font dans la solitude va apparaître dans le public ». Bravo ! Rendons à César ce qui appartient à César !

Jaber Lutfi lors du vernissage de l’exposition « Bébés dragons »

 Quand le dragon rencontre la sorcière…

Je dois dire que le « Dragon » a réveillé la sorcière en moi! D’ailleurs, étonnée, surprise qu’il n’y ait pas de sorcières dans l’univers de Jaber, je lui en ai réclamé, ne serait-ce qu’une, qui serait de la dimension du Dragon! Je crois qu’il a aimé l’idée… il y avait déjà songé, m’a-t-il dit… alors… histoire à suivre…

Jaber Lufti : quand l’art abolit les frontières…

Galerie Tommy Zen – 1452, rue Sherbrooke Ouest à Montréal. 

Joanne Gagnier

Critique culturelle chez Créations JoG

https://www.facebook.com/JoanneGagnier.JoG/

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