Le président Barack Obama s'exprime lors d'une conférence avec espoir et détermination pour l'avenir.

Remplacer la peur par l’espoir

Barack Obama a contredit nombre de positions de son successeur sans jamais le nommer. 

L’ex-président américain Barack Obama s’est adressé à une foule d’environ 6000 personnes au Palais des congrès. Une heure, douze minutes et quelque trente secondes de discours puis d’entrevue et pourtant, le nom de l’actuel occupant de la Maison-Blanche n’a pas été prononcé une seule fois par son très prestigieux et très adulé prédécesseur. Ni par son intervieweuse, d’ailleurs.

Pourtant, l’ombre de celui-dont-il-semble-qu’il-fallait-taire-le-nom n’a cessé de hanter l’événement jusque dans ses moindres recoins. Un peu comme un fantôme de Poudlard.
Barack Obama, 44e président des États-Unis, était donc à Montréal mardi soir pour livrer ses propos et confidences sur l’état du monde dans le cadre de la série de conférences des leaders internationaux de la Chambre de commerce. Sa sortie publique a servi à passer en revue les grandes questions qui se posent à la conscience de notre époque, les enjeux fondamentaux de notre temps : changements climatiques, transformations technologiques, avenir du travail, mutation de l’État-providence, sort des réfugiés, lutte contre le terrorisme, collaboration internationale, etc. Tout a été évoqué et au pas de charge.

Chaque fois, immanquablement, l’ex-président a pris le contre-pied des politiques défendues par son successeur sans jamais le mentionner. Chaque fois, Barack Obama s’est présenté comme ce qu’il était (ou pensait incarner) quand il dirigeait les États-Unis et ce qu’il souhaite être maintenant qu’il dirige la fondation qui porte son nom : un anti-trumpien convaincu, qui prône l’ouverture des frontières, l’interconnexion du monde et des gens, et la protection des plus faibles contre les trop puissants.

Après avoir livré son discours, Barack Obama a répondu aux questions de Sophie Brochu.

Le leader charismatique a résumé le dilemme fondamental en parlant d’un choix entre l’espoir et la peur. L’espoir s’arrime selon lui au monde de paix, de prospérité et d’entraide créé après les deux conflits mondiaux et la première moitié du terrible XXe siècle. La peur pousse plutôt vers le repli sur soi, l’isolationnisme, le nationalisme extrême, la xénophobie.

« Nous devons remplacer la peur par l’espoir », a martelé celui dont le célèbre slogan électoral disait « Yes We Can ! ». « C’est la vision dont nous avons besoin. […] Je dis souvent aux jeunes “Si vous aviez à choisir de renaître n’importe quand dans l’histoire, vous choisiriez maintenant”. C’est une époque extraordinaire, mais trop souvent tenue pour acquise. »

Il a ensuite détaillé ce principe d’espérance autour de points précis. Et chaque fois, le contraste devenait évident avec les options du républicain Donald Trump :

Égalité. « Nous devons nous assurer que les succès de l’économie profitent à tous et pas seulement à quelques-uns », dit l’ex-président en insistant sur le fait que le capitalisme et les droits de la personne, avançant en cordée, avaient bénéficié à l’humanité. « Mais il faut reconnaître qu’une économie de plus en plus inégalitaire met en danger l’équilibre de l’ordre mondial », ajoute-t-il en critiquant l’accumulation croissante de richesse pour le seul 1 % du haut de la pyramide sociale.

CLIMAT

Il souligne que de nombreux États américains vont continuer à travailler contre les changements climatiques malgré le retrait des États-Unis de l’Accord de Paris sur le climat. L’espoir est là. Il affirme qu’une économie plus verte crée des emplois et des bons, alors qu’une propagande hostile insiste davantage sur les pertes d’emplois dans certains secteurs désuets.

ÉDUCATION

Barack Obama, lui-même diplômé de grandes universités américaines, insiste sur ce point : l’éducation est la clé du développement de qualité. Il demande aussi de mieux payer les enseignants.

IMPLICATION

Il redit l’importance de s’impliquer activement dans le monde pour le transformer. La Fondation Obama appuie précisément l’action citoyenne, par exemple pour favoriser le développement de leaders communautaires.

ACCUEIL

L’ex-président défend la nécessité d’accueillir des réfugiés et des immigrants « tout en restant fidèles à nos traditions démocratiques ». Il cite alors New York, Chicago et Montréal comme cités modèles.

OH ! MONTRÉAL !

L’honorable et généreux invité a insisté à quelques reprises sur les leçons positives à tirer du Canada et en particulier de Montréal, où il se trouvait pour la première fois. Il a souhaité un « bon anniversaire », en français, à « une ville extraordinaire, de classe mondiale ».

« Note liberté, notre qualité de vie, en Occident, aux États-Unis et au Canada font l’envie du monde. À tel point que des gens sont prêts à traverser à pied des déserts, à traverser des mers dans l’espoir que leurs enfants puissent bénéficier des avantages que nous tenons pour acquis.»

Environ 6000 personnes remplissaient une très grande salle du Palais des congrès. Le premier ministre Couillard y était, mais pas Justin Trudeau, avec lequel M. Obama devait souper hier soir.

L’assemblée gagnée d’avance (les billets se revendaient des centaines de dollars), sur son trente-six, un peu comme pour un gala artistique, a réservé quelques ovations à l’orateur admiré. La première, à son arrivée sur la tribune, a duré près d’une minute. Les plus fortes ont certainement été pour les prises de position en faveur de l’Accord de Paris sur le climat.

Barack Obama est reconnu comme tribun exceptionnel, et il a été fidèle à sa très enviable réputation. Il possède ces qualités « spécifiquement extra-quotidiennes qui ne sont pas accessibles à tous », dont appelait Max Weber à propos du chef charismatique. Il fascine par sa présence et son éloquence. Il suscite l’adhésion par son assurance et son ascendance exceptionnelle.

D’entrée de jeu, mardi soir, il a séduit la foule en disant qu’il était très heureux d’être à Montréal parce qu’« il y a beaucoup de Michelle ici », une référence au prénom francophone de sa femme.

En fin de course, son hôtesse Sophie Brochu l’a interrogé sur la possibilité qu’une des Obama, sa femme ou une de ses deux filles, lui succède en politique. Il a répété que Michelle Obama « n’était pas intéressée », mais que l’on pouvait juger un pays et le monde à la manière dont y sont traitées les femmes.

« Si on donnait le pouvoir aux femmes dans tous les pays pendant deux ans, le monde serait profondément transformé », a-t-il affirmé. Et toujours sans citer celui-dont-il-faut-taire-le-nom.

Texte: Stéphane Baillargeon

LEDEVOIR

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