Un groupe de chronomètres sur fond bleu dégageant une ambiance cinématographique.

Festival international du Film d’Histoire de Montréal

Le 4 juin dernier était inaugurée la deuxième édition du Festival International du Film d’Histoire de Montréal (FIFHM).


Ce festival a été
créé par Messieurs Richard D. Lavoie et Mathieu Trépanier et Mesdames Éliane Bélec et Annabel Loyola. Inspirés par la multitude des célébrations historiques de 2017-2018 (375anniversaire de la ville de Montréal, 100anniversaire de la fin de la Première Guerre mondiale), ces historiens et cinéastes ont œuvré pour mettre en place un événement qui rallierait leurs deux plus grandes passions, le cinéma et l’Histoire, et permettrait un échange de ces passions avec la communauté, dans un but d’enrichissement éducatif, ludique, informatif et artistique. Depuis jeudi, il est possible, sur la plate-forme web Vimeo pour un paiement de 20 $, de visionner de chez soi trente films autant documentaires que de fiction, d’animation, ou mélangeant ces genres, ayant tous en commun un rapport important à l’histoire, autant récente que lointaine.

Toutes ces expressions visent à mieux faire comprendre les enjeux sociaux, politiques et historiques actuels et d’antan, d’ici et d’ailleurs, l’Histoire étant, bien sûr, un fil entremêlé, mais conducteur de chaque agent socioculturel. La plate-forme, très facile d’utilisation,, est un moyen très ingénieux de contourner le présent phénomène de pandémie ; on regrettera une plus grande difficulté du dialogue, par l’impossibilité de communiquer en direct avec les organisateurs et les participants du festival, mais ce dialogue devra se faire autrement. En outre, des prix étaient normalement attribués au meilleur long métrage et meilleur court métrage, mais nous n’avons pas pu retrouver d’informations pour savoir si ces prix seront toujours remis, et comment (il y a pourtant un jury, donc il est à croire que cela aura lieu). Les films de la sélection de cette année couvrent un immense spectre humain, géographique et historique, avec des sous-catégories telles que « histoires de guerres », « histoires d’ici », « histoires de femmes », « mémoires d’eau », « patrimoine immatériel », « mémoires des villes », et des cinéastes originaires de France, d’Écosse et du Japon. Tous les films sont projetés en français ou avec sous-titres français. Parmi cette très vaste sélection, voici les critiques et résumés de trois de ces films.

« You are at the bottom of my mind », min, Catriona Black, 2018 

Catriona Black est une réalisatrice, journaliste et cinéaste d’animation d’origine écossaise. Ce film raconte un événement tragique étant survenu en Écosse 100 ans auparavant. En 1918, après la Grande Guerre, un navire ramenant à son bord plus de deux cents hommes et marins ayant survécu à la Première Guerre vers l’île de Lewis échoua sur les grands rochers submergés près de cet endroit appelés les « bêtes de Holm ». 201 hommes périrent cette nuit-là. Le nom du bateau était le Iolaire, le yacht de Sa Majesté, et cet incident malheureux fait encore partie de la mémoire collective des gens des communautés avoisinantes de Lewis et Harris. Mme Black avait eu le mandat de faire un film pour commémorer les 100 ans de l’événement, et plongea profondément la recherche afin d’espérer que son film lève le voile sur cet incident tragique et puisse peut-être aider à guérir la mémoire des gens qui y ont indirectement ou directement assisté. Le film est un film d’animation assez court, de cinq minutes, réalisé par moyen de tablette graphique avec des palettes de couleurs de style aquarelles souvent très minimalistes, et un trait qui fait penser à l’utilisation d’un charbon de bois. Ces images animées sont surexposées sur des textures qui proviennent de photographies des lieux où a eu lieu l’incident, de la mer vue sous l’eau, des plages de sable, des maisons des habitants, des lettres que les témoins et victimes avaient écrites, des paysages environnants.

La musique de Sarah-Jane Summers, principalement au violon, est très intense, émotionnelle et puissante, et se module tout à fait à chaque passage raconté, devenant aussi houleux que la tempête lorsque celle-ci est décrite, aussi mystérieuse que les bas-fonds marins quand le récit s’y plonge. Les palettes de couleurs sont simples ; bleu, noir, blanc et gris pour la mer dans la nuit, vert, noir et bleu pour les fonds marins, beige pour le sable, un blanc brisé pour le papier à lettres. La simplicité des images accentue la force du récit raconté ; des extraits d’archives de témoins de l’événement, ou des lectures de passages écrits par ces témoins sont les seuls mots entendus, en plus de la narration d’un poème de l’auteur écossais IainCrichton-Smith qui parle de la perte d’un être cher par la métaphore d’une noyade. Un film très mémorable et puissant, très émouvant et juste, qui j’espère remplira la mission que sa réalisatrice lui a donné. Note : 5/5

« The London Monster », 22 min, Dennis Mohr, 2020

Le film commence par la définition du dictionnaire du mot « monstre » qui est décrit comme : quelque chose qui sort de l’ordre commun de la nature. Ce film raconte l’histoire curieuse du « monstre de Londres », un récit qui fut l’objet de grandes passions à Londres à la fin du 18e siècle. Cet homme monstrueux aurait agressé et attaqué une trentaine de jeunes femmes vers 1788, et il fut longtemps avant d’être retrouvé. Ses méthodes consistaient à suivre les jeunes femmes le soir dans les rues de Londres puis les attaquer avec une matraque ou planter des morceaux de fer pointus fixés à ses genoux dans leurs fesses. Il fut finalement découvert, identifié, arrêté et jeté en prison, mais son arrestation et inculpation demeura suspecte. Un de ses avocats souleva des points importants, notamment que la plaignante et son avocat étaient en relation intime l’un avec l’autre, et que la description du monstre telle qu’elle avait été faite ne correspondait pas tout à fait à celle de l’accusé.

En outre, l’accusé, RhynwickWilliams, rejeta toute culpabilité et écrivit des lettres émouvantes comme quoi sa vie était ruinée ; il apparaissait également fort sympathique et courtois aux autres détenus de la prison. Néanmoins, les attaques du monstre cessèrent après son arrestation et ce qui un jour avait fait les pages de tous les journaux disparut tranquillement de la mémoire des gens. Le récit est ponctué d’interviews avec Jan Bondeson, un écrivain suédois devenu expert de l’histoire, qui vient apporter des détails et des précisions sur l’affaire. L’histoire est fort intrigante et curieuse, et bien racontée, montée avec des dessins d’époque, des unes de journaux d’époque, et des plans des lieux dans le Londres moderne où les actions se sont déroulées. On peut également trouver écho à ce qui se produit souvent ces temps-ci, à savoir des sortes de jeu de chasse aux sorcières où chaque nouveau coupable est répudié en public pour finalement être oublié rapidement. 4/5

« Espère de même pour toi », 95 min, Arnaud de Mezamat, 2019

À mi-chemin entre documentaire et essai, « Espère de même pour toi » est un « re-racontage » du livre « Europeana. Une brève histoire du XXe siècle » de l’auteur tchèque Patrick Ourednik. À travers des images d’archives, et d’autres tournées pour le film, l’histoire est celle du XXe siècle, la plus récente des hommes, des erreurs et des grands accomplissements du siècle dernier. Le point d’ancrage est celui du point de vue d’une civilisation du futur, plus avancée que la nôtre et assez éloignée dans le temps pour avoir complètement oublié tout ce qui a trait au 20esiècle, qui apprendrait et regarderait les événements importants de cette époque avec un regard distant. La Première Guerre, la Deuxième Guerre, la bombe atomique, la libération des mœurs, les avancées de la technologie, le communisme, le terrorisme, etc. L’histoire est surtout celle du 20e siècle jusqu’aux années 1970, avec peu ou pas d’incursion dans les dernières années, sinon le « bug » de l’an 2000 et l’internet. Le sujet est familier, et plaira à ceux qui n’ont pas déjà entendu ces faits et points de vue des millions de fois auparavant, ou ceux qui se plaisent à se les reraconter. Sinon, rien de très nouveau ; nous savons que l’homme au 20e siècle a été capable des pires excès et de commettre les pires méfaits, et que le futur qu’il s’est créé à cause de cela est fort glauque ; nous savons tout cela puisque nous vivons dedans à présent. 3/5

Le festival se termine le 14 juin prochain. Pour 20 $ et à partir de la plate-forme Vimeo dont le lien se retrouve sur le site du FIFHM (www.fifhm.com), 30 films sur des sujets extrêmement divers s’offrent à notre spectacle. Je n’ai abordé qu’un dixième de cette étendue dans cet article ; on serait fous de passer à côté d’une telle aubaine ! Bonne projection !Lancelot Dumontet-Riel,  collaboration spéciale

Collaboration spéciale, Lancelot Dumontet-Riel

 

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