Photo en noir et blanc capturant la grâce exquise d’un groupe de danseurs de ballet.

Création artistique et covid-19

Nature contre culture, c’est certes la propédeutique de la réflexion philosophique. Organique, ce virus menace gravement la santé de la création artistique et du milieu culturel. 

La création artistique au temps de la covid-19… Ça pourrait être un titre de roman, ou de film, de tableau, de pièce de théâtre, voire de chorégraphie… si tant est qu’un créateur aie vraiment le cœur à transposer cette pandémie en œuvre d’art. Le rôle de l’art n’est pas de réagir à chaud en direct sur un évènement (ça, c’est le rôle du journalisme, en l’occurrence des médias et des réseaux sociaux…), et l’histoire de l’art prouve que lors de drames mondiaux d’une telle ampleur, la majorité des créateurs est redevenue des « gens ordinaires », forcément inquiets, voire pétrifiés, soudain disciplinés et solidaires, occupés à survivre et peut-être à digérer et analyser pour un jour, plus ou moins lointain, avec le recul indispensable à la création artistique, parvenir à induire une forme de dépassement, de guérison collective, en remaniant la représentation du réel. Ils n’en sont pas là. Le public non plus, privé des œuvres et des manifestations artistiques sans lesquelles la vie n’est plus tout à fait la vraie vie. Les artistes et leurs publics, tous inquiets les uns pour les autres… Car on le sait, le domaine de la culture a été l’un des plus violemment touchés par ce virus couronné, ce roi au territoire sans limites, aveugle et insensible, de fait inhumain.

Réagir à chaud, c’est donc obligatoire. Les artistes, mais également toute la chaîne des innombrables emplois liés à la création artistique, l’ensemble de l’industrie culturelle et artistique qui représentent des centaines de milliers d’emplois. Le secteur de la culture au Canada au Québec (comme ailleurs sur la planète) s’est trouvé gravement menacé par la pandémie, mais continue de l’être par les mesures de prévention qui prévalent (puisque partout l’on nous rappelle qu’il faudra, et pour longtemps dit-on, apprendre à vivre avec lui, le roi inhumain…).

Pleinement humaine, à en crever ?

L’ensemble du milieu culturel et artistique est donc sous respirateur artificiel, menacé de ne jamais se remettre tout à fait de cette période. Normal penserons-nous, car contrairement au virus, la culture, elle, est affaire pleinement, totalement humaine. C’est même là sa définition et sa raison d’être : lier des humains avec des humains, à travers des créations qui sont destinées justement à parler de l’humain, et à mettre en présence les uns avec les autres ici, ailleurs, tout le temps. Sans barrières ni distanciation physiques. La culture constitue un visage essentiel de l’identité, et de l’existence même d’un pays, d’une nation. Voir le milieu à ce point menacé, ses acteurs violemment touchés, précarisés et déstabilisés, eux déjà si souvent sur le fil du rasoir est douloureux. Bien sûr, pas plus douloureux et intolérable que ça ne l’est dans d’autres milieux eux aussi dévastés (santé, tourisme, restauration…), mais pas moins non plus. Le milieu culturel est toujours le parent pauvre de la société, faut-il qu’il soit stigmatisé une fois de plus ?

Des institutions fortes, consciencieuses, solidaires

Au fil des décennies, le Canada et le Québec se sont néanmoins dotés d’institutions culturelles fortes, consciencieuses, audacieuses, solidaires. On peut les critiquer et vouloir qu’elles fassent mieux, et c’est bien notre devoir de citoyens de le faire (mais quand on se compare, on se console…) Ces institutions existent et fonctionnent, indispensables à des dizaines de créateurs et à tout l’ensemble du milieu culturel, indispensables, donc, à leurs publics d’un bout à l’autre de la province, et du pays.

Ces décideurs institutionnels ont sans doute fait des insomnies durant les mois passés. Ils ont travaillé encore plus, enchaînant sans doute les réunions sur internet, explorant des voies et des solutions, réinventant le système. Si les créateurs sont résilients et adaptables, les équipes institutionnelles ont dû l’être aussi. Elles ont agi. Comment ? Quelles ont été leurs priorités, leurs actions, les mesures prises pour tenter d’éviter un total naufrage ? Et s’il fut certes vital de choisir la santé contre l’économie, comment le monde culturel et artistique va-t-il survivre, et recouvrer, et continuer ? Autrement ? Autrement comment ?

Alors comme ça, nous n’irons plus jamais au cinéma, dans un salon du livre, un musée ou dans une vraie salle de spectacle voir un vrai spectacle vivant, et donc éphémère, et rouspéter parce que notre voisin mange un bonbon bruyamment ? Sur ce plan-là, je prie pour que le fameux monde d’après dont on nous rebat les oreilles redevienne comme le monde d’avant, un monde en 3D et non plus seulement en 2D digital… C’est formidable que nous ayons eu recours au digital durant cette pandémie, c’est même sans prix, mais le monde artistique est sans doute celui qui pourrait en être le plus vite dénaturé. Et tant pis si disant cela, je parle au nom des dinosaures auxquelles j’appartiens !

Les équipes du Conseil des Arts du Canada tout autant que celle du Conseil des arts et des lettres du Québec ont largement réfléchi à toutes ces questions et ont réaménagé leurs programmes existants, mais créé aussi des plans d’urgence inédits et taillés sur mesure, le plus possible. Prenez vous aussi le temps de les détailler, et peut-être d’y avoir recours.

Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ) : https://www.calq.gouv.qc.ca/aide-financiere/coronavirus/info/plan-de-relance-mesures/

Conseil des Arts du Canada : https://conseildesarts.ca/information-covid-19

Crédit photo : Martin Moreira

JGALe Pois Penché

Parisienne devenue Montréalaise en 1999, Aline Apostolska est journaliste culturelle ( Radio-Canada, La Presse… ) et romancière, passionnée par la découverte des autres et de l’ailleurs (Crédit photo: Martin Moreira). http://www.alineapostolska.com