Une peinture de chevaliers à cheval avec des drapeaux, avec en toile de fond un majestueux château.

À l’ombre du château. [Conte] (Texte no. 19)

Le lendemain, juste avant le départ de Nékolia, Philippe déploya l’étendard de la guerre. Bartholomé, dont la culture était vraiment très générale, reçut le mandat d’ajouter à son enseignement les techniques de guerre grecques et romaines.

Alors que, dans tout Vivalorium, des tentes militaires aux motifs multicolores s’étaient mises à pousser comme des champignons, le mariage eut lieu privément à la chapelle du château. Après la cérémonie, Albéric alla bénir la chambre nuptiale, accompagné de toute la maisonnée. L’étole au cou, après avoir aspergé méticuleusement les lieux, il tourna autour du lit en disant : « Bénissez vous-même ce lit nuptial, mon Dieu, afin que ces chrétiens reposent dans votre paix et vieillissent dans votre amour. Que votre céleste main soit sur eux et fasse descendre du Ciel un ange qui les gardera tous les jours de leur vie. » En s’adressant aux mariés, restés agenouillés près du lit, il dit enfin : « Soyez en paix, Dieu est avec vous ». La petite délégation se rendit alors joyeusement dans la grande salle pour festoyer. Une servante déshabilla la mariée et se retira dans le corridor pour attendre le drap taché de sang qui allait provoquer la jubilation générale.

Entre deux formations, Philippe se joignait à Fiabbie qui, -avec quelques chevaliers, ducs, comtes et gentilshommes-, échafaudait un plan d’attaque et mettait en place une chaîne de commandement. La plus grosse partie des forces allait être formée par la cavalerie, environ huit mille soldats aguerris, et le reste, par l’infanterie, comptant deux mille fantassins professionnels auxquels des dizaines de milliers de miliciens allaient se joindre, en particulier le long de la route menant à Tréblinor. La majorité des soldats étaient des serfs et des paysans appartenant soit à l’armée régulière d’un seigneur, soit à l’une des nombreuses milices régionales. L’infanterie allait partir en premier, non seulement à cause de sa lenteur, mais aussi pour remplir des missions de reconnaissance. Leur commandant, le Chevalier Hambault, son écuyer, quatre éclaireurs ainsi que six jeunes messagers, allaient être les seuls à cheval. Dès le départ, quarante-cinq bœufs allaient tirer d’anciens engins de guerre de Charles, que Fiabbie avait cachés et méticuleusement entretenus, ainsi que des vivres, des tentes, des outils et des pigeons.

Malgré son impopularité, Ribot, grâce à sa fortune et à celle de ses complices, avait réuni une armée de six mille cavaliers et de deux mille fantassins. À défaut de pouvoir se fier aux milices du peuple, il avait en plus acheté les services de mercenaires de toute provenance. Il ignorait que, en représailles d’avoir vandalisé brutalement un village, une horde de neuf cent sbires d’origine nordique avait été presque décimée à force d’escarmouches et d’embuscades, perpétrées durant plusieurs jours par des soldats en route vers Vivalorium.

Chaque jour, paré de son costume militaire, le dauphin allait encourager le nombre grandissant de soldats qui s’assemblaient aux alentours du château. Bien qu’il fût l’héritier de la Couronne, quelque chose dans sa manière d’être amenait les gens à se sentir proches de lui. Conscient de son bon naturel, c’est donc sans craindre de mousser sa vanité que Fiabbie lui dit : « Philippe, tu as appris les nobles règles. Tu t’es bien entraîné. Tu as appris à monter à cheval, à manier les armes, à lutter et à chasser. Tu as aussi étudié la philosophie et les arts. Le temps est venu de devenir chevalier, afin de pouvoir revêtir l’armure dorée de ton père. » Le soir venu, conformément aux instructions, Philippe prit un bain purificateur, mit une tunique blanche et se rendit à la chapelle pour sa « veillée des armes », cette fameuse nuit de méditation précédant l’adoubement d’un chevalier.

Le lendemain matin, il se confessa, communia et écouta la messe en compagnie de toute la maisonnée. À la fin de la célébration, Fiabbie lui demanda d’aller porter son épée au pied de l’autel. Après que celle-ci eût été bénie, il la prit et demanda à Philippe de s’agenouiller. Il lui posa alors la question rituelle : « Pour quelle raison désires-tu entrer dans la chevalerie ? Si c’était pour la fortune ou la gloire personnelle, tu n’en serais pas digne. » La main sur l’évangile, le jeune homme prononça alors la formule consacrée : « Je veux observer les commandements de Dieu et protéger l’Église. Je veux défendre les faibles. Je désire protéger le royaume et à ne jamais fuir devant l’ennemi. Je remplirai mes devoirs féodaux, à condition qu’ils ne soient pas contraires à la loi divine. Je ne mentirai jamais et je serai fidèle à ma parole. Je serai libéral et généreux. Je serai toujours le champion du droit et du bien contre l’injustice et le mal. »

Le châtelain donna alors au postulant trois petits coups du plat de son épée sur son épaule gauche, en disant simultanément : « Au nom de Dieu, de Saint Michel et de Saint Georges » ; et il conclut : « Je te fais chevalier. Sois vaillant, loyal et généreux ». Sur ce, l’assemblée se rendit dans la cour.À suivre.

Robert Clavet, PhD    LaMetropole.Com

Nous vous donnons rendez-vous la semaine prochaine pour la suite de ce conte.

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