Une peinture de conte représentant un homme agenouillé devant un homme avec une épée.

À l’ombre du château. [Conte] (Texte no. 20)

Le châtelain donna alors au postulant trois petits coups du plat de son épée sur son épaule gauche, en disant simultanément : « Au nom de Dieu, de Saint Michel et de Saint Georges » ; et il conclut : « Je te fais chevalier. Sois vaillant, loyal et généreux ». Sur ce, l’assemblée se rendit dans la cour.

Avec l’aide de deux jeunes pages, le dauphin revêtit alors sa cotte de maille et sa cuirasse dorée formée de doubles mailles que ni lance ni javelot ne pouvaient transpercer. On ajusta ses brassards et on le chaussa de souliers de fer avec des éperons d’or. On suspendit à son col un bouclier avec un motif de fleur de lys entre deux lionceaux. On le coiffa d’un casque avec perles et pierres précieuses, et lui remit finalement une lance en frêne. Le nouveau chevalier monta habilement sur son cheval et partit au galop en renversant de sa lance une série de mannequins, comme il s’était exercé à le faire. Le lendemain, Philippe put accueillir les nouveaux soldats avec sa belle armure. Parmi ceux-ci, se trouvaient quelques centaines d’hommes de la région de Tréblinor. À n’en pas croire leurs yeux, plusieurs crurent reconnaître Ésiom lorsque celui-ci retira son casque. Certains demeurèrent sceptiques, d’autres se vantèrent d’avoir toujours perçu quelque chose de spécial chez leur jeune mendiant, mais aucun ne remit sa complète allégeance en question.

Philippe fit parvenir ce message à son ancien employeur : « Cher Anthelme, de grands changements se préparent. Nous allons bientôt avoir besoin de vous. Nous espérons que le moyen de communication mis en place par Agnès est toujours effectif. Je vais vous expédier un autre message sous peu. Par la grâce de Dieu, je suis Philippe, fils du roi Charles, héritier de la Couronne. » Anthelme n’en revenait pas que son ancien employé fut le dauphin, mais l’espoir d’un retour d’Agnès avait résolument envahi son cœur.

Le matin du départ de l’infanterie, Philippe déclara : « De l’amour de Dieu envers ceux qui ont trahi mon père et appauvri le peuple, je ne peux l’ignorer. Mais le temps est venu pour les usurpateurs de cesser leurs infamies. En tant que futur roi, je vous promets un avenir meilleur. Pour cela, comme l’a souhaité mon père, je dois reprendre la bague sceau à Ribot. Nous allons faire ce qui est possible pour épargner le sang, mais nous ne ménagerons rien pour la victoire. Sous l’égide de saint Polycarpe, le Chevalier Hambault va vous conduire à la victoire, par la grâce de Dieu. » Après la bénédiction d’Albéric, la colonne se mit en marche. En tête, tout de noir vêtu, le chevalier commandant avait fière allure. Il connaissait sa mission : se rendre à proximité de Tréblinor et de Mordevor en évitant d’engager le combat, reconnaître les lieux, espionner l’ennemi, livrer un message important à Anthelme et cacher les engins de guerre. Le voyage devait durer environ dix jours. La cavalerie allait partir une semaine plus tard, Philippe en tête.

Au sixième jour, Hambault informa les stratèges que neuf mille miliciens et quinze charrettes s’étaient déjà ajoutés au convoi. Par ailleurs, les avant-postes avaient observé que le principal des forces ennemies était rassemblé non pas à Tréblinor, mais à la forteresse de Mordevor. Même si celle-ci n’avait été au départ qu’une grande maison seigneuriale jouxtée d’une tour en bois entourée d’une palissade, à la fois donjon et tour de guet, elle était maintenant dotée d’une grande muraille de trois mètres d’épaisseur et de dix mètres de hauteur, ainsi que d’une grande porte renforcée de ferrures. À l’intérieur, une deuxième muraille était séparée de la première par un fossé rempli d’eau et surmonté de passerelles amovibles, au cas où la grande porte ne résisterait pas. Cependant, bien que les tours des châteaux fussent désormais en pierres, Ribot avait conservé la structure d’origine en bois.

Advint le jour du départ de la cavalerie. Philippe jeta un dernier regard à Adélaïde qui, le cœur sur les lèvres, lui fit un signe d’adieu. Avec nostalgie, Fiabbie, devenu trop âgé, regarda la colonne s’éloigner. Conformément aux ordres, Hambault avait fait parvenir ce message : « Cher Anthelme, veuillez instamment demander à Agnès de nous indiquer où se trouve la bague sceau du roi. Demandez-lui aussi d’identifier une porte secondaire qu’elle devra débarrer juste après que la tour du donjon aura été enflammée. Je suis Philippe, par la grâce de Dieu, héritier de la Couronne. » Le surlendemain, à Tréblinor, en longeant la forêt du nord, Philippe entrevit avec émotion la cabane de son enfance. À chaque détour, des gens acclamaient leur libérateur.

La stratégie consistait à donner l’illusion d’attaquer le château de Tréblinor, mais en se préparant plutôt à assaillir la forteresse de Mordevor. La réponse d’Agnès arriva promptement : Ribot portait toujours la bague sceau à son annulaire gauche ; par ailleurs, une porte de la tour nord, décrite avec un luxe de détails, allait être ouverte lorsque la tour du donjon allait être incendiée. À suivre.

Robert Clavet, PhD    LaMetropole.Com

Nous vous donnons rendez-vous la semaine prochaine pour la suite de ce conte.

Mains LibresPoésie Trois-Rivière

Docteur en philosophie. Il a enseigné dans plusieurs universités et cégeps du Québec. En plus d’être conférencier, il a notamment publié un ouvrage sur la pensée de Nicolas Berdiaeff, un essai intitulé « Pour une philosophie spirituelle occidentale », ainsi que deux ouvrages didactiques.