Dans la vie, il chante sous le nom de Tire le Coyote. C’est un auteur-compositeur-interprète qui bouleverse par sa voix unique. Une voix d’ange, d’une grande pureté. Que se cache-t-il derrière cet homme à la barbe touffue ? Je nomme le pays de l’enfance. À travers une exploration intime, il fouille dans sa mémoire.
« Moi, l’enfant
Toi le phare brisé
À l’insondable notion de joie
Tu rimes l’éphémère qui me façonne » (p. 11)
Aucun artifice. Ici, une fusion renaissante, humaniste. La condition première. Qui suis-je ?
« Je renais chaque jour à l’intérieur
D’un coffret de sûreté
Sans combinaison commune. » (p. 27)
Mettre fin à la tragédie de vivre. Allumer une allumette ? S’ouvrir vers un monde meilleur, en construction. Célébrer la vie. Aucun égocentrisme. Un devoir pour celui qui rend hommage à son père. Il y a aussi son engagement dans le temps. Le destin d’un sentiment. Ce premier recueil ouvre plusieurs portes (sentiment, trajet d’une affection). La fragilité du désir se lit entre les lignes.
L’équilibre des époques
Dans cette deuxième partie, cette citation de Joséphine Bacon : « je vais au bout de la nuit, Pour trouver la meilleure version de moi. » Je me suis rappelé quelle importance les mots avaient pour elle : « Cette nuit je cherche des mots, Des mots qui sonnent musique, Des mots qui peignent couleur, Des mots qui hurlent silence » (1) J’avais retranscrit ce texte dans un carnet. Lors d’une rencontre chez le médecin, je l’avais par hasard croisée. Je lui avais dit à quel point sa poésie si simple était pour moi un trésor d’enfant. Cela me ramène à Pinette et à la simplicité de son émerveillement pour ce qui nous entoure et qui, en même temps, nous fuit.
« Tout me rappelle
Qu’un bourgeon porte une feuille morte
La vie un jour futur
En moins
La perte suggère toujours
Une époque » (p. 58)
Il dira au journal Le Devoir quelque chose de stupéfiant. Un geste de résistance.
« Je pense que j’ai plus de respect pour les poètes. C’est un geste de courage extrême d’écrire un recueil de poésie .» (2) J’ai pensé à Leonard Cohen, le musicien et poète, le chercheur de Lumière. Et ça fonctionne pour Pinette. Il a réussi un coup de maître ! Son recueil de poésie s’est retrouvé parmi les meilleurs vendeurs de livres au Québec. Être Tire le Coyote, avoir une renommée artistique, c’est une instance, un art savant ou simplement une fusion art et poésie. La libre disposition d’être Soi. Se mettre à l’abri des images. Il n’y a pas de concept à vouloir exprimer ce qui est Soi (la sculpture du Soi).
Le droit à l’oubli
Son recueil La mémoire est une corde se divise en trois parties. Dans « Le droit à l’oubli », il y a cette citation de Jacques Prévert : « Il faudrait essayer d’être heureux, ne serait-ce que pour donner ». J’ai retrouvé dans « Soleil de nuit » (3) quelque chose de beau (une filiation) : « C’est soleil de nuit, lune de jour, étoiles de l’après-midi, battements de cœur avant l’amour ».
On retrouve un peu cet imaginaire de bonheur, d’intimité. Lisez :
« L’éternité renouvelée
En un clin d’œil
Dans la tour
D’un château de sable » (p. 90)
Oh ! Que je voudrais être dans sa tête pour écrire si joliment, si intimement dans un temps de fête. Pouvoir me perdre à le lire et le relire avec « le cœur entaillé » (p. 92). Une fleur dans la mémoire qui s’ouvre. À contre temps, une époque de souvenirs. L’Appel à une vie mystérieuse. C’est un maitre pour moi et je m’agenouille devant tant de beauté.
Notes
Joséphine Bacon, Un thé dans la toundra, Mémoire d’encrier. 2013.
Benoit Pinette, calfeutre ses failles, Le Devoir, 6 février 2021.
Jacques Prévert, Soleil de nuit, Folio, livre de poche.
Benoit Pinette, La mémoire est une corde de bois d’allumage, La Peuplade 2021.