Chantal Ringuet, Forêt en chambre

Femme tenant un bouquet de fleurs dans un cimetière, évoquant des éléments de la Littérature. Femme tenant un bouquet de fleurs dans un cimetière, évoquant des éléments de la Littérature.
Chantal Ringuet fait appel à la nature. Un exode arborescent m’habite. C’est vieux comme l’enfance. Cette rosée, ces arbres, cette forêt qui m’habite. J’ai dix ans, je construis une cabane dans le bois. On embrasse la terre. Sans comprendre, la pureté de se coucher dans les bois. Tous les fantasmes se bousculent. Les anges m’accompagnent. Les grillons et les étoiles. Une forêt dans une chambre. Une dystopie ?
Le chant des arbres

La forêt te dessine

Une chambre

Sur la pointe des pieds

Le soir s’avance jusqu’à la porte

Les arbres te tiennent la main. (P. 34)

Je rêve devant tant d’impressions. Dans l’espace-temps, chaque détail brille d’une présence indiscutable. Des transpositions qui se multiplient. La forêt est un refuge. Un lyrisme romantique et écologique se dessine. Des souvenirs. Des rêves. Des bruissements. Tu collectionnes les bruissements — les senteurs capiteuses — Acabias des sables –  figuiers de Barbarie — érables d’Amérique — dans tes rêves — cette feuille qui n’en finit pas — de tomber. (P. 50)

Contemplation

Tout est contemplation. Nous sommes dans la forêt. Bientôt, la nuit emportera dans ses chambres secrètes : des joies, des larmes, des souvenirs, des moments d’extase. En lisant Madame Ringuet, nous nous transportons dans les sentiers étroits d’un univers secret. Je me suis rappelé l’époque où j’ai vécu loin du monde à Mirabel en pleine forêt. Pas d’eau, chauffage au bois, vivre dans la constellation de dame nature. J’ai appris beaucoup à voir la vie couler doucement. Vivre dans la lenteur de l’âme et du corps. Écouter le vent?  La vie est si bavarde. (Gilles Vigneault)

Je résiste

Aux insectes

Aux champignons

Aux ordures

Même à la montagne

Même à la rivière

Je résiste à la puissance

De l’eau qui déferle en

Cascades

À son timbre sonore

Qui effraie les bêtes

Et meurtrie les oiseaux. (P. 98)

Défaire le paysage

Il y a tant à dire, à méditer. La mémoire du récepteur comme quelque chose de plus aérien, de plus quintessencié, de plus durable. Du visible à l’invisible… l’ordre de la vie se poursuit. (1) Cette vie éphémère. Elle parle des chemins de nulle part, de l’abîme intérieur. (P.108). Je pense à Hélène Dorion :

Tout un siècle à défaire le paysage

Mon chant soulève la poussière

De spectacles morts

Dans la maison noire des mots. (2)

Le verdict tombe. L’autrice capitule. Nous vivons dans la fascination de l’attente. Il fut un temps où le silence était un ange de beauté. La nuit tombe. Je sors regarder les étoiles. Je suis en état de grâce. Ce livre m’apaise. Une prière de réconciliation est inscrite noir sur blanc. Et, soudain, on plonge dans les étreintes. Le corps est pulsion amoureuse, transfiguration sur des corps en union. Une nouvelle posture : et si l’âme et le Corps pouvaient confondre l’Aimant et l’Aimé. La poétesse exprime tous ses sens.

L’arbre façonne

L’espace

De nos étreintes

Rocaille fauve

Je t’offre

Une parole cousue

Main. (P. 115)

J’ai tellement appris. J’ai tellement médité. Pour Héraclite, le monde ne voit rien. Pendant ce temps, les dieux sont présents à leur manière. Je partirai avec votre livre jusqu’au fleuve à quelques pas de chez moi. Il y a tant de poèmes très beaux.

Notes
  1. Francois Cheng, Cinq méditations sur la beauté.  Livre de poche, 2021. P. 39.
  2. Hélène Dorion, Mes forêts, Éditions Bruno Doucey. 2021. P.64.

Chantal Ringuet est une écrivaine et traductrice littéraire vivant à Montréal. En plus de sa pratique d’écriture, elle traduit certaines voix singulières de la littérature mondiale et de l’art moderne (dont Marc Chagall et Rachel Korn), tout en jetant quelques éclats de lumière sur l’œuvre de Leonard Cohen. Le yiddish est sa galaxie.

Chantal Ringuet, Forêt en chambre  Noroït, 2022.

Accompagné de photographies de Marc-André Foisy.

Mains LibresLe Pois Penché

Ricardo Langlois a été animateur, journaliste à la pige et chroniqueur pour Famillerock.com