Une photo poétique en noir et blanc d’une femme à lunettes.

Disparaître, Denise Desautels

L’art visuel et la poésie s’unissent dans le corps du poème. Les mots s’insinuent dans les onze tableaux composant le recueil de Sylvie Cotton. Corps du réel, corps des songes, corps des âmes. Une clarté lumineuse à l’époque des ardoises numériques.
L’expérience terrestre

Denise Desautels décrit de manière lyrique l’origine du poème, sa mythologie :

« La traversée sera lourde, au fond nos phrases le savent

Leur écho froissé sous la énième doublure

D’océan de cuir et toujours là l’accroc

Là ce quelque chose d’implacable s’impatiente. » (1)

Une aventure presque métaphysique, parce que la mort s’approche. La foudre tombe. L’autrice, âgée de 75 ans, possède une compréhension de l’expérience terrestre. « notre regard trop plein, dans notre cœur muet. » (2)

La mort approche

Chaque chapitre est illustré par un tableau et des citations : Élise Turcotte, Martine Audet, Mylène Bouchard et quelques autres. On aborde la fin de l’existence. Des songes lyriques. Des effusions.

« La mort.

Sous un globe de plexi ou de verre

Sous la transparence chirurgicale

De la vitre

Tant d’élégance dans ta paume

Et la pensée de tant d’âmes (…) » (3)

Comment vivre dans ce présent, avec cette pandémie ? Ce sont deux âmes sœurs qui communiquent. Je regarde cette image d’un crâne. C’est une œuvre d’art violente qui expose la vérité. L’art pour ne pas disparaître du monde. La peinture du réel.  « Vois. Ce que mes doigts en violet retiennent comme s’il fallait que tout meure toujours. » (4)

Avant la pure poussière

Son écriture exprime la douleur, la faute de vivre. « Nous avons un vaste paysage de plaintes, de ruines de châteaux forts ». (5) Au-delà de la chambre, cette «pure poussière ». (6)

S’affranchir d’un monstre dionysiaque.  L’art retient la pierre philosophale.  La tragédie de vivre, l’autocroyance dans un dépassement de soi.  « Surtout ne pas sous-estimer l’enfant qui dort. On ne sait jamais à quoi s’attendre. » (7)

À chaque page, je m’arrête. Je médite :

« Flotter. Nous sommes leur répertoire

D’archipels Lente peuplade de mélancoliques

Nos corps en croix. Sans surenchère. » (8)

Comme un empire

Métaphores, images, impressions, proses. Divers lieux. Suites lyriques. Art contemporain. Tout est construit comme un empire de musique contemporaine. Je me permets de citer Barthes : « La littérature est comme le phosphore, elle brille le plus au moment où elle tente de mourir. » (9) C’est un langage poétique qui n’appartient qu’à elle. Merveilleuse Denise, que de belles lumières consolatrices, courageuses dans un noir mélange de subtilité ! Votre voix, je l’entends encore au petit matin.

Notes

1. Denise Desautels, Disparaître.
2. Rilke, Élégies de Duino, Éditions Allia 2017, p. 52.
3. Denise Desautels, Disparaître, p. 43.
4. Idem. p. 60.
5. Rilke, Élégies de Duino, p. 58.
6. Denise Desautels, Disparaître, p. 71.
7. Idem. p. 97.
8. Idem. p. 110.
9. Roland Barthes, Le degré zéro de l’écriture.

Suivi de Nouveaux essais critiques. Éditions du Seuil 1972. p. 32.

Denise Desautels a publié plus de 40 recueils de poèmes. Récits et livres d’artistes. Elle est membre de l’Académie des lettres du Québec et de l’ordre du Canada.

Disparaître autour de 11 œuvres de Sylvie Cotton. Noroit. 2021.

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Ricardo Langlois a été animateur, journaliste à la pige et chroniqueur pour Famillerock.com