Un tableau capturant l’histoire d’un groupe d’enfants debout devant un bâtiment, inspirant un sentiment de guérison.

Guérir de son histoire

Oui Danielle Perrault, psychologue – une découverte.

Dans l’éventail du domaine de la psyché, entre les travaux les plus abscons et les publications les plus pauvres, l’auteur de Guérir de son histoire (récits cliniques) occupe une place unique : la sienne – sa lecture, sa façon de penser, de percevoir. C’est l’évidence même dont elle traite, et pourtant… L’histoire de chacun qui explique tout est souvent ce qui est considéré en dernier par les intervenants, soignants, professionnels, etc. Dans le chaos du système dit de santé (que Danielle Perrault critique avec beaucoup d’acuité), on balaye souvent l’essentiel au profit d’une médication éhontée et prétentieuse. « Ces gens, écrit-elle avec justesse, devraient pouvoir nous faire part de leurs connaissances sans nous asséner leurs solutions comme des massues. »

Dans cet essai qui tient du récit, du conte, du journal intime, du cahier de notes, Danielle Perrault propose, comme autant de métaphores, diverses histoires sur l’histoire de chacun. Ses analyses, toutes empreintes de bon sens, de sensibilité, de bienveillance – des descriptions respectueuses et aimantes – montrent au lecteur que, dans une vie, le tout premier des traumas induit les autres. Ainsi, rebrousser chemin dans les souvenirs permet-il de dénouer l’écheveau. D’où vient le TDAH? D’une cause très simple dans bien des cas. Pourquoi les peurs, les cauchemars ? Une raison banale peut lever le voile sur cela également. Comment régler un trouble de la constipation, la migraine, le sentiment d’insécurité? Quel que soit le problème, il n’y a pas de mystère. Parler signifie élucider.

La grande vogue du transgénérationnel en psychanalyse est l’une des grandes voies pour comprendre des problèmes récurrents. Les angoisses sont ancrées dans la psyché tout comme les traits de caractère ou les dispositions physiologiques. « Une blessure psychique nécessite autant de soins qu’une blessure physique », affirme Danielle Perrault. C’est une évidence, cela semble banal, mais, en effet, le retour sur le plus lointain passé fait souvent la lumière, par exemple, sur une condition physique troublante qui n’est qu’une séquelle d’un trauma de l’âme. L’idée est de lutter contre ce que la psychologue appelle les «métastases psychiques ».

Les thèmes de la psychose, de l’intuition, du paranormal, de la déficience profonde, du somnambulisme, entre autres, sont tous traités dans cet essai avec clarté et simplicité. Danielle Perrault a l’art de démêler. Sa déconstruction est limpide. Les solutions émergent d’elles-mêmes. Les problématiques les plus complexes s’évanouissent.

Le petit livre évoquant un recueil de contes ne saurait être comparé à la somme des réflexions d’un Jung ou d’une Dolto (que Perrault lit et aime), mais il constitue un outil indubitablement utile pour se rafraîchir la mémoire et remettre les pendules à l’heure. Si les parents l’avaient sur leur table de chevet, bien des enfants auraient la joie de ne pas tomber dans les affres de la Ritaline et autant de personnes souffrantes y trouveraient un apaisement. Avec calme, Danielle Perrault écoute et propose. Elle a compris cette leçon fondamentale que tous les pratiquants de la santé devraient appliquer : elle respecte l’histoire qu’elle entend et souhaite profondément aider.

Le parcours de Danielle Perrault est atypique, et elle le relate avec humilité dans cet essai. Le terrain, bien davantage que la théorie, lui aura appris comment fonctionne non pas un cerveau, mais un être… Elle consulte en privé, mais elle a œuvré dans des lieux très durs – des asiles dans lesquels, à une époque, on entassait tous ceux étiquetés comme étant hors norme. Des personnes accablées de chagrin, par exemple, étaient parquées chez les fous. Danielle Perrault, elle-même aux prises avec ses propres blessures, a appris à vibrer à celles des autres et à réfléchir à la façon de percer l’armure d’un être écorché.

Il sera enfin très intéressant de découvrir dans les pages de Guérir de son histoire, certains passages qui relèvent de la biographie. Ainsi, une description savoureuse de l’écrivain médecin Jacques Ferron, encensé, et qui, grâce aux mots de cette psychologue qui n’a pas froid aux yeux, révèle un aspect bien occulté (entendre navrant) de sa personnalité… Tout comme Danielle Perrault sait reconnaître les mérites. Ainsi, elle rappelle que le psychiatre Denis Lazure aura remarquablement fait avancer sa discipline en humanisant les milieux carcéraux des malades mentaux.

Bref, l’essai mérite d’être lu, et pourquoi pas dans les écoles et les hôpitaux? Ce qui est simple est-il si difficile?

Perrault Danielle, Guérir de son histoire, récits cliniques, préface de Michel Lemay, Éditions Les Nouveaux contes de Perrault, 2018, 181 pages.    

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