Guillaume Asselin, Frondes

Une photo en noir et blanc d’un homme barbu, capturant l’essence de la Littérature. Une photo en noir et blanc d’un homme barbu, capturant l’essence de la Littérature.
Guillaume Asselin, Frondes.  Par Ricardo Langlois
Je me suis fixé des buts à la fin de 2022 : tout relire l’œuvre de Christian Bobin et travailler sur mon sixième livre. Pendant ce temps, les livres s’accumulent sur ma table de travail. Des livres de poésie et un essai lumineux de Claude Paradis sur les grands poètes Québécois. Je viens de découvrir Guillaume Asselin. En quatrième de couverture : « Il faut aimer nos blessures les portes qu’elles ouvrent au plus noir de nous. ».  C’est très beau.  Des citations de Martine Audet et René Char donnent le ton à certains chapitres.
L’épreuve ontologique

Lire Guillaume Asselin, c’est l’épreuve ontologique dans les strates du poème. Il y a aussi l’épreuve hermétique. Qu’est-ce qui définit une œuvre par rapport à une autre? Pour l’auteur, c’est combattre et lutter. Le niveau occulte dans l’exploration poétique du monde. 

«  J’ai voulu connaître

L’emploi de la lumière avant l’espace,

Le nombre des os a tremblé 

Sous un seul cri de joie,

Ce qu’il est possible de construire

Avec la fourrure d’un psaume. » (p. 49 )

« Cette fourrure d’un psaume ». J’aime cette expression. En fait, je suis jaloux du travail poétique. Le sens des mots. L’espace mystique des mots. Un beau découpage.

Tout réécrire

Le poète refait le monde. Il est Rimbaud en lui-même.

« Revivre l’histoire du monde

Avec son ventre, son opéra

Ses yeux dehors, sa langue en rafale

De jouir ébloui. »

Comment ne pas penser à Arthur Rimbaud dans une bibliothèque à Charleville. Il écrivait ceci :

« Ta mémoire et tes sens ne seront que ta nourriture de ton

impulsion créatrice

Quand au monde, quand tu sortiras, que sera-t-il devenu.» (1 )

L’imagination du poète, c’est d’écrire avant le déluge. Les jeux baroques du langage. Cette approche unique de séparer ou de questionner sans (toutefois) écarté le mythe surréaliste. « Alors j’ai vu des merveilles, des bouts de vie commune, des fleurs, des pluies, des robes, des mots d’enfants et  leurs jeux devenir poèmes sous mes yeux. » (p. 62 )

Les ténèbres du Verbe

J’aime quand vous citez René Char. J’aime quand lui évoque « les ténèbres du verbe qui engourdissent »  (2 ) ou quand il dit qu’il ne participe pas à l’agonie féerique. Dans cette configuration aux chronos délavés (Michel Onfray) qui triomphent sur les écrans de notre modernité, votre écriture est une écriture de résistance. Vous êtes comme un peintre silencieux avec la délicatesse du verbe.

Je vais citer abondamment parce que c’est sublime.

« Comment faire radeau de batailles perdues

Comme nous, comme vous

Comment survivre au fracas des caresses

Qui calent au fond des corps?

Aux détresses, aux misères, je n’ai que

Le pouvoir de faire des réponses de pauvre

Je n’espère jamais qu’une petite suite de

Gestes simples

Des dons de peu pour d’autres que moi. » (p. 68 )

J’ai tellement aimé ce livre. L’expérience ontologique de l’auteur. La lumière rouge flashe. C’est réussi.

Notes
  1. Arthur Rimbaud, « Poésies, Illuminations, Vingt Ans. »
  1. 237   NRF Gallimard.
  2. René Char, « Fureur et Mystère » p. 107  NRF Gallimard.

         Guillaume Asselin a publié « Bunkers : l’archipel de la peur », un essai paru chez Nota Bene en 2020.

         Guillaume Asselin, « Frondes »  Les éditions Les mains libres 2022.

Mains LibresLe Pois Penché

Ricardo Langlois a été animateur, journaliste à la pige et chroniqueur pour Famillerock.com