Guillaume Bourque, Robbie reste. Par Ricardo Langlois
Robbie est mort. Un accident de moto. S’est-il suicidé? C’est en dessous du tapis qu’il y a des secrets. Ça ne va pas bien pour Harold, son meilleur ami, lui qui est séparé, il va vivre dans le shack de la mère de Robbie dans Les Laurentides. Comment guérir? La vie est injuste.
Souvenirs d’enfance
Le schack, le guetto aux souvenirs de jeunesse. Parce qu’il faut revenir à l’époque où tout était beau où tout était possible. Le rêve, c’est l’architecture du désir. Avant de devenir trop adulte, on finit toujours par taire ses grandes vérités.
« Le schack était le repaire de ma jeunesse. C’était là que Robbie et moi, nous nous prenions pour Guns N’Roses devant le miroir, à dix ans. Lui avec une brosse à cheveux en guise de micro, moi avec une raquette de tennis comme guitare. C’est dans le schack que nous avons bandé devant notre premier Playboy. » (p. 12 )
Robbie à 25 ans, rêvait de devenir un humoriste intellectuel comme Bill Hicks. Harold veut tout savoir sur son ami qui s’est suicidé. Et c’est normal? Il fera ses propres recherches. Il commence une vraie saga. D’abord en fouillant dans son téléphone intelligent. Netflix, Instagram, les « like » sur Facebook. Lui qui avait résisté au cellulaire jusqu’en 2016.
Et Robbie, cet envieux personnage qui devait être le meilleur en tout autant dans les sports qu’avec les filles. Il a même eu droit à une ovation à la polyvalente en jouant la « Trilogy Suite Op 5 »de Malmsteen. Il était le top dans tout. Les deux amis sont aux études. Harold a même publié un recueil de poésie (p. 24 ). Même si nous sommes en 2019, le schack est le bunker de tous les souvenirs.
La musique est un personnage
On plonge dans la musique rock d’une certaine époque. Gentle Giant, Manowar, Fates Warning, Crimson Glory, Queensryche avec « Operation Mindcrime ». J’ai aimé ces musiques qui font partie aussi de ma vie. (1) Robbie n’en finit plus de chercher dans des historiques sur son cell, des souvenirs qui ont nourri la vie de son meilleur ami. Il fume du pot et boit de la bière comme dans la chanson de Charlebois. Faire le deuil de son ami est devenu son passe-temps. Il prend une pause pour écouter « Leonard Cohen ». Comment survivre à une telle tragédie? Il cite un poème de « Regards et jeux dans l’espace ».
Le romancier Mistral est encore vivant
Voici la partie la plus intéressante du roman. Il est chargé de cours au Cégep. Vingt ans plus tard, on étudie des livres de Dany Laferrière et Nicole Brossard. C’est Christian Mistral qui m’intéresse. (2 )
« Mistral avait propulsé l’autofiction à l’américaine dans les lettres québécoises. Vamp et Vautour avaient propulsé l’autofiction à l’américaine dans les lettres québécoises. »
Mistral, « le batteur de femmes »…
« J’aurais aimé dire qu’il fallait distinguer l’œuvre de l’écrivain, mais l’œuvre de Mistral, c’était Mistral ». (p. 69)
Il repense à « Dehors Novembre » des Colocs ou au film « American Beauty ». Ce bon temps qui défile dans ma tête, j’organisais des spectacles au café Chaos pour 5$. Nous avons tous des souvenirs de la fin de cette décennie. Nous sommes dans un monde de désirs, cela ne pardonne pas. Le Corps et l’Âme se consument. Les souvenirs restent malgré tout.
Avoir 40 ans
Les mots sont comme de l’eau. L’eau de source, l’eau de vie, celle qui coule, celle qui dit. Les mots ne devraient servir qu’à l’essentiel, à dire ce que l’on doit faire d’essentiel : rêver, apprendre, attendre. Ne devrait sortir de nous que ce qui est lumière en nous. Guillaume Bourque met en scène une mémoire inventive. Quelques souvenirs entre lesquels, il fait bon de s’y retrouver avec insouciance, sans demi-mesure.
Note
1. Ses musiques qui font partie de ma vie. J’ai été journaliste pour le journal Pop Rock durant les années 80. J’ai aimé particulièrement « Gentle Giant et Queensryche ».
2. Christian Mistral a écrit à 23 ans, Vamp, un livre magistral sur la jeunesse des années 80. Vous pouvez consulter mon article.