Écrivain humaniste, philosophe et aussi médecin depuis 1978, Jean Désy décide, à l’âge de 36 ans, de retourner aux études afin d’obtenir un doctorat en littérature québécoise, puis une maîtrise en philosophie.
La poésie demeure une anomalie, une douleur, un cri jeté à la face de l’univers. L’auteur va même jusqu’à tracer un parallèle avec Rimbaud. Il a quitté la poésie pour partir en exil dans le malheur. « Peut-être pour réintégrer le monde des petits mystères de la vie » (1) « Comprendre l’essentiel, l’idée de passer par la souffrance. J’ai pensé à cette sagesse aussi dédaignée que le chaos. » (2)
Méditation sur la mort
« Non je ne mourrai pas » est une méditation sur la mort. Dans son conte-poème, il y a une réflexion métaphysique profonde.
« Mon amour mon fol amour
Mon Dieu bon, mais si absent
Toi dont je ne connais vraiment rien
Ne faisant que pressentir ta présence
Du bas de mon dos jusqu’à mon front
Dieu que j’aime parfois prier » (p. 31)
Le récit est bouleversant. Au pays des Inuits, le poète coureur des bois est blessé. Il profite de ce temps pour méditer sur la vie, la mort et l’amour. À travers la souffrance physique, il y a l’Esprit qui parle à son esprit. Il est mis à l’épreuve tout au long de ses réflexions. À travers la souffrance physique, il y a l’âme et la rédemption. Dieu existe. Il est le Verbe. Mais, Désy a toujours été un nomade dans sa vision du monde. Il a la foi. Son bouclier de l’Absolu.
« À ma foi plus qu’à ma survie
À une parole hautement sacrée
Qui propose d’offrir sa vie
Au lieu d’usurper celle de l’Autre » (p 51)
Et ici, le plaidoyer est fulgurant :
« Parce que si ma foi en l’Âme cosmique
Transcende mon délire du néant
Il me faudra trouver ma niche
Dans un paradis ou apparemment
Certains êtres bénis pour l’éternité
Rêvassent (…) » (p 54)
Les chambres des ténèbres
Comment dire Dieu aux autres sans le déformer ? Sans le réduire à un sujet poétique ? Est-ce possible d’être en communion avec Dieu au-delà du symbolisme ? Son histoire (son conte) est la démonstration d’une expérience, d’un combat intérieur entre les chambres des ténèbres et des malheurs de l’humanité. J’ai pensé à « La quête de la joie » de Patrice De La Tour Du Pin (3).
« Écoute, c’est un cri de bête agonisante
Il doit être entendu par tant d’autres que toi
Tous ceux qui ne sont pas apprivoisés, qui sentent encore l’âcre
Parfum des marais et des bois » (p 87)
Merci la vie !
Désy, le poète humaniste, use de sa lanterne pour chercher Dieu dans l’obscurité malgré l’annonce de sa mort par Nietzsche dans « Le Gai Savoir ». Le 21e siècle vit son étiolement. Malgré le froid, la tristesse, le taux de suicide alarmant chez les Inuits, le poète se tient debout. La révolution s’effectue à partir de Soi (la somme des expériences). Il remercie la vie :
« Merci la vie dont je salue l’omnipotence
Aux creux de mon ravin perdu
Amalgamé à travers la terre et aux eaux
Aux feux des volcans et des cieux » (p 91)
J’ai pensé au corps du poète, épuisé par des années de solitude mentale. En lisant, Désy, je me suis remis à méditer, à prier. Le soleil était orangé et je serrais ce petit livre contre mon cœur.
Notes
- Jean Désy, Âme, foi et poésie essai XYZ, 2007
- Arthur Rimbaud, Poésies. Une saison en enfer Illuminations,
Citation dans Vies NRF 2014.
- Patrice de La Tour Du Pin, La Quête de joie suivie de Petite Somme de poésie NRF 2002.
Jean Désy, Non je ne mourrai pas Mémoire d’encrier 2020.