La couverture de « Ravissement à Perpétuité » de Jonathan Charette dépeint une scène captivante.

Jonathan Charette : ravissement à perpétuité

Qui ne rêve pas de vivre le ravissement à perpétuité ? Être toujours dans la joie (le défi de notre temps). La Voie selon Bouddha. Jonathan Charette est bien centré, possédant une force centripète. Une œuvre unique. Un conte inventé, impressionniste. Il s’épuisera à mille mondes.

La force percutante des images enroulées dans une tenue de cérémonie, comme Kendrick Lamar dans sa robe papale, je dessine les avenues en l’air avec un sceptre et vendange les notes dans ma gorge pour permettre aux chants de filer vers le haut, (p 26) le corps, la voix, les frémissements du poète. Tout est là, la voix est envoûtante, elle captive. Non seulement il rend hommage au célèbre rappeur Kendrick Lamar, mais il distribue les larmes aux descendants de Robert Mapplethorpe, le premier amant de la chanteuse et poétesse Patti Smith.

Le regard de Charette rappelle les intentions, la subtilité d’un monde invisible pour le commun des mortels. Ce champ je courais seul à 4 ans, malgré mes difformités, les sermons diffusés par les haut-parleurs, ma mémoire tricotée il y a peu (p 51). Comment trouver l’éclat d’une voix (si souterraine), la blessure dans la beauté, quelque chose d’inexplicable sans perdre toute Lumière?  L’urgence des mots. Le dépouillement de l’âme. Chercher la Lumière dans la maison du néant, le dérèglement à la manière de Rimbaud.

Après le Bing Bang, le chaos, quel est notre rapport au monde ? En réintroduisant le temps et le mystère au cœur de l’être. Le désordre du monde ? Du poète ? J’assermente une fleur qui ferme la cavité et assure la survie à l’arrache (p 61). Une forme de connaissance. Un chant pour l’homme (seul animal à se contempler). Le seul aussi qui sache créer. Je relie les visages d’apocalypse en un recueil et le vends à un apostat soucieux de connaître l’histoire de la respiration, les profits serviront à repeindre l’intérieur de ton thorax (p 63.)  Le chaos ou simplement une certaine conception sacrificielle. Comment ne pas penser à Schiller?  Dans l’idéal heureux de ses rêves superbes, libre encore d’inquiétudes, l’espérance l’emportait aux cieux… Aucun obstacle à ses voyages intérieurs : il niche dans un volcan en activité où dérive le cercueil de John Keats.

Avant même que Jonathan Charette reçoive le prix Émile Nelligan, je connaissais et j’étais un fidèle admirateur de sa poésie. La poésie du jeune récipiendaire ressemble à la vie. Un chemin de traverse. D’où vient la vie, le secret de la vie ? Est-ce que la réalité serait une conspiration ? (p 19)

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1— Jonathan Charette est né en 1982. Il a obtenu un Baccalauréat en études littéraires de l’UQAM. Il a trois recueils à son actif. Il a reçu le prix Émile-Nelligan 2018 consacré à un poète de 35 ans et moins.
2— Charette aime le rap. Il fait référence à Tupac et a Kendrick Lamar (considéré comme le nouveau roi du hip-hop). Son troisième album To Pimpa Butterfly (2015) incorpore des éléments de jazz, de funk et de Spoken Word.

Jonathan Charette, Ravissement à perpétuité, Éditions du Noroît 2018.

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