Je dirais : un roman initiatique. Trouver sa voie dans un ancrage. Comment traverser le monde dans l’inégalité des mondes, vous savez, les disparités sociales ? Défendre son territoire. Une topographie (redéfinir l’identité). Kristina Gauthier-Landry, la poétesse, la femme, l’enfant :
« J’ai trouvé une autre enfant
l’œil vert bille
elle invente des lapins à l’abri
on se chuchote
veux-tu être mon amie » (p. 31)
Ce livre me parle. Je me suis souvenu de mon petit village (Contrecœur), mon enfance, la campagne : « la liste de tous les bonheurs disponibles » (p. 33), « pourquoi je rôdaille nostalgique où vous gisez pelée jusqu’au noyau de l’être » (1), « Sa voix qui me résonne dans ma tête, dans mon cœur », « Apprendre à être heureux en lisant le TV Hebdo » (p. 56). Comment exister avec quels moyens ? La théorie de l’amour ? Comment s’épanouir ? Je m’assois avec votre livre au bord du fleuve et je relis ceci : « c’est vrai des fois je me suicide, mais ça ne dure jamais ». (p. 59) Tout à coup, j’ai eu peur pour vous. Comment fait-on pour apprivoiser les petites et moyennes splendeurs de la vie ? Ce moment de détresse. Rien n’est acquis.
Une forme de consolation
Nous avons des idéaux dès l’enfance. Souvent, nous côtoyons nos propres fantômes. L’égalité, la dignité, les décrets, les lois. Vos petits poèmes m’apportent une forme de consolation. Je m’arrête sur ce passage capital (pour moi).
« J’avance prudemment dans ma colère
la mémoire brandie
comme un bâton
une éternité
qu’on n’y était venus
nous évitons cet endroit
n’aimons pas son odeur » (p 70)
Ces petits poèmes s’installent en moi. Une immense toile sur mon cœur. Vos poèmes possèdent une vitalité insoupçonnée. Comment vivre avec les valeurs de notre époque ? Nos origines semblent disparaître dans la société du spectacle. Vos poèmes me font respirer les grands espaces… Encore ici :
Bientôt, la marée monte
entre nous
le rêve impossible
de rentrer à pied. (p. 97)
Votre poésie ressemble à un empire avec ses temps mélancoliques, nihilistes, mais surtout cette volonté de vous appartenir. Être soi. Faire le vide. Espérer le sourire de Bouddha. Une autre hypothèse en vous lisant : « quand l’Amour demande où ?».(2) Pour terminer, avant de fermer la lumière : «toutes les beautés nous hurlent torrentielles». (p. 114) Comme disait Novalis : “Ne me quittez jamais le cœur !”
Notes
Originaire de Natashquan, Kristina Gauthier-Landry a quitté sa Côte-Nord natale en 2004. Elle a remporté le prix Nouvelles Voix 2018 et le prix Geneviève–Amyot 2019.
Kristina Gauthier-Landry, Et arrivés au bout nous prendrons racine, La Peuplade poésie, 2020.