Mélanie Noël, Debout dans vos absences

Mélanie Noël, Debout dans vos absences. Par Ricardo Langlois

Une journée d’errance. J’ai marché dans la banlieue endormie. Je pense au livre de Mélanie Noël. Son livre ressemble à un fleuve avec des bras d’enfants. C’est une prière sur l’existence ordinaire (et fabuleuse) d’une femme. Blessure d’amour? Court le monde, tu es immortelle et tu brûles de tous les feux. J’ai marché et je me suis couché « dans vos absences »…

Écrire pour survivre

Elle fait référence à de magnifiques livres. « Je me demande ce que tu as lu juste après nous. L’éducation sentimentale? Capitale de la douleur? Pas le monde s’effondre j’espère? La vie est ailleurs, sûrement ». (p. 30 ) Elle cherche sa place dans le monde, dans cette vie, dans une histoire d’amour. Nous sommes en 2007. Une correspondance par courriel. Mon vœu pour toi serait : beaucoup de voyages, de poésies et de musique. À travers son monde, il y a l’histoire des tortues. « Elle rêve de recycler l’éternité » (p. 41 ).

Avec la narratrice, je marche entre les arbres et le ciel. Il y a une quête profonde : d’aimer et d’être aimé. Elle cherche son chemin, sa distinction, les yeux rivés, un chemin tronçonné par la peur. En même temps, elle se projette. C’est incroyablement libérateur. Renoncer à s’orienter d’une certaine manière. J’ai pensé à Hélène Dorion, la grande écrivaine : « Un livre sur un livre n’en éclaire jamais que les contours. L’auteur ne donne aucune clé, ne possède aucune réponse ». (1 )

Un bel hommage à Romain Gary

J’aimerais citer un beau passage de Romain Gary (2 ) :

« Avec l’amour maternel, la vie nous fait

À l’aube, une promesse qu’elle ne tient jamais.

Chaque fois qu’une femme vous prend dans ses bras

Et vous serre sur son cœur, ce ne sont plus que des

Condoléances. » (p. 83 )

Elle fait un parallèle entre la mère aimante de Romain Gary et l’Autre qui grandit de manière transparente aux yeux d’une mère brisée? L’amour d’une mère c’est ce qui est le plus précieux au monde. Je disais souvent à ma mère que la vie est une illusion, que j’ai besoin de musique pour respirer. La littérature est arrivée par la poésie. Je cherche à ma manière à apprivoiser le temps. Pour Mélanie Noël, c’est l’appel du Moi et de l’Autre. Peut-être et je souligne : l’acceptation inconditionnelle de l’absence de certitude. Vivre chaque jour avec ses choix : « Nick Cave en boucle ou lire L’écume des jours. » (p. 89 )

Regarder les étoiles sous un autre angle. Existe-t-il un lien entre le monde des tortues et le comportement humain.

« J’étais triste quand tu m’as raconté que les tortues

De mer étaient solitaires et qu’elles socialisaient seulement

Le temps de l’accouplement. » (p. 102 )

Elle revient sur Charles Bukowski. J’avais terminé « Contes de la folie ordinaire et j’avais soif de son écriture sans enjolivement ». Un monde sale avec des morts inutiles. La laideur du monde, ça fait aussi partie de notre réalité. À travers l’écriture de l’autrice, je cherche bien malgré moi, la parole plurielle (Blanchot ). J’avance patiemment dans la forêt d’échos de la pensée.

Un beau moment que je souligne ici : « Oui, on vit en virgule. Dans un contemporain qui sera ancien temps demain. Un ramassis de futurs disparus. Et personne ne s’en soucie. Sinon, peu s’en révoltent. Alors, les gens tombent sous terre. » (p. 147 ) Écrire est un rituel. L’écriture sur soi tout en repoussant dans les marges les images du passé. « Il y a la floraison des aspects terrifiants du cœur. » (3 )

Votre livre est magnifique :

« Je leur ai écrit en poèmes que j’étais là. J’ai construit des quais pour les atteindre. J’ai dévié ma trajectoire pour me mettre sur leur chemin. » (p.157 ) Il est 2 heures du matin, je m’endors avec votre livre plein de tendresse. Couché dans vos absences .

Note

1. Hélène Dorion, « Jour de sable », Druide 2018.

2. Romain Gary, « La promesse de l’aube », 1960. Ce livre est inspiré de sa relation avec sa mère Mina Owczynska.

3. Patti Smith, « La mer de corail », Édition Souple 2013.

Je me suis inspiré de « L’entretien infini » de Maurice Blanchot pour le dernier paragraphe.

Mélanie Noël a été comptable agréée jusqu’à la fin de la vingtaine. Elle a été journaliste à « La Tribune » de Sherbrooke de 2005 à 2022. Elle a collaboré avec de nombreux artistes québécois. En 2022, elle publie « Inséparables distances », son premier recueil aux Écrits des Forges.