Un livre de poésie de 300 pages consacré à David Bowie.
Le suicide de Ziggy Stardust. Le dépassement de la condition humaine. Nous sommes humains, trop humains. Comment surmonter cet état ? L’œuvre de Bowie flirte de façon obsessionnelle avec ce dilemme.
Le poète atomique
Ziggy Stardust et les araignées de Mars, les nouveaux messies, Aladdin Sane à la recherche de son âme. On pourrait extraire ce poème intitulé Who Will Love Aladdin Sane or Artists?
Aladdin Sane pense à sa dernière toile
Aux pigments qu’il convoite
Près des horloges déréglées
Il attend qu’une chanson surgisse
Alors il danse avec lui-même
En s’époumonant
I dance my life away. (1 )
L’obsession de la solitude, de la mort. We are the dead (David Bowie). Il disserte sur la foudre de la star et ses impacts. Le poète atomique, Giguère, convoque des célébrités rock : Frank Zappa (p.116 ), Robert Zimmerman alias Bob Dylan (p. 119 ), Billy Idol ( p. 126 ), Nine Inch Nails (p. 176 ). La vie de David Bowie, le fantasme du surhomme est une catastrophe tragique qui aboutit au désir de la mort. (2 ). Le suicide de Ziggy est une libération, un fantasme. Le poète se sent aussi à la place de Nietzsche (d’une certaine manière ). Il démolit son image. Le poème Zéro est cinglant.
C’est si difficile
D’être soi-même
Je ne fais rien à l’improviste
Je m’accroche aux cendres
Enfouies en moi. (3 )
Dangerous mind est un autre bel exemple :
Tu m’as demandé mon amour
En échange je t’ai offert
Mon esprit torturé et dangereux. (4 )
Vivre est une illusion
C’est comme si le poète avait tout expérimenté. Il obéit à ses instances. À son imaginaire, il est le disciple de Ziggy. Il n’a pas la capacité à ressentir comme les hommes en général. Le plaisir ou la souffrance ? Nous sommes perdus d’avance. Peut-on s’aimer, se caresser, jouir, haïr, se battre pour la beauté de la vie ? L’auteur a une philosophie matérialiste, atomiste, athée. Il fonce droit devant. Il survit entre le bien et le mal. Il témoigne de la masculinité toxique. Il appartient à la réalité LGBTQ. Sa poésie instrumentalise le rejet qu’il a vécu dans son adolescence. C’est freudien comme idée.
La vie gay, la tyrannie du désir
La musique de Bowie traite du désir et de la nostalgie. Elle exprime surtout la nostalgie de l’amour. (5 ) Il prophétise, sans le savoir, la fin du monde. Toute souffrance est déclin ( Nietzsche ). Notre millénaire décadent et la socialité rebelle. Éros maniaque rencontre Éros sublime.
J’embrasse seulement
Où il faut quand le ciel
Où la mode l’exige
Je maintiens mon amour. (6 )
À partir de la page 233, il s’amuse avec les tabous et les références ( Gay life, tournage chez Bel Ami, Bitch, le prostitué de Being at home with Claude. Je tombe sur cet extrait :
Tu m’assassineras, je le sais
Mais pour le moment jouissons
De la chaleur de nos corps. (7 )
C’est porno, c’est la vie gay d’une certaine époque. Le village Gay des années 90. Chaque homme a une quantité négligeable dans un univers d’étoiles effondrées. L’expérience de la fragilité du poète gay et ses fantasmes. L’imagination et le désir se fusionnent constamment. Giguère est comme la musique de Bowie, il pense en solitaire, il est en retrait, autiste (mon idée). Depuis Stéphane (Étienne) Mallarmé avec l’écroulement de la transcendance, il faut chercher une raison de vivre, de trouver un absolu. L’angle de la sexualité est à l’infini partout dans cette anthologie poético- bowiedienne. Cela dit, cette somme poétique est fascinante par sa construction. Pourquoi écrire? Pour l’idéal gay, les vertèbres de mots, la chair contre la chair, La fête du sexe en érection entre le soleil et le magma. Où trouver le refuge? Giguère a choisi de vivre dans la pyramide des martyrs (8 ). L’auteur s’immole sur l’autel de Bowie. C’est beau comme un empire blanc dans le vide mitoyen de l’idéal… (9 )
Notes
Sabbath Bowie Led Zep – FamilleRock.Com
famillerock.com/dossiers/mes-5-premiers-albums
Pour en savoir plus sur Aladdin Sane, je vous recommande mon top 5 de mon adolescence.
Né en 1984 en Beauce, Nicholas Giguère a obtenu un doctorat en études françaises à l’Université de Sherbrooke, où il est chargé de cours. Il a publié trois livres. Freak Out in a Moonage Daydream est son premier livre au Quartanier.
Nicholas Giguère, Freak out in a Moonage Daydream, Le Quartanier, 2021.