Patrice Desbiens, Fa que. Par Ricardo Langlois
Un livre comme un petit trésor. On l’ouvre, on va à la page que l’on veut. Desbiens joue de la batterie. Il a son costume de poète échevelé, tape sur des cymbales dorées, magnifie tout, le quotidien, rêve la nuit. La lumière se faufile doucement. C’est un chaman qui peint les hauts et les bas.
Do, ré, mi Fa que…
Dès les premières lignes : « je suis né de la fesse cachée de la lune des tentacules de lumière m’ont déposé » (p.7). C’est écrit pour la jeunesse. C’est écrit comme Prévert. Les images se bousculent et réveillent la maison de Boucherville. Je fais un test et je lis ceci à maman :
« Comme un chien
Pas de médaille
Je hurle ma mélodie
Déchaînée
Dans le blizzard
Brûlant de neige et de
Sang » (p. 11 )
Elle me dit que c’est de la poésie qui ressemble au chaos de la Vie. Maman, tu m’étonnes? Et puis, celui-ci :
« Je sens ma langue
Comme un menhir
Dans le silence
Je deviens pierre
Et pierre devient
Poème » (p. 24 )
Aucun bruit de fond, te souviens-tu maman, quand le père Gédéon disait : Ça fa que? Oh oui, il racontait des histoires sur le vrai monde. Le lendemain, je demande à ma mère, son poème préféré, juste par curiosité. «Sel Vinaigre » (2e partie )
« Un poète passe
Sous l’arbre
Avec sa pluie
Et ses poèmes
Et
Les oiseaux
Se mettent
À
Chanter » (p. 27 )
La langue enfant sauvage et vraie
Maman aime quand je lui lis: Lamartine, Nelligan, Victor Hugo et Prévert. La grande poésie française qu’elle a tant aimée durant ses études. Jacques Prévert a une belle expression : « la langue enfant sauvage et vraie » (1 )
Patrice Desbiens c’est un jour confié à moi. Les soirées dans les bars ont eu raison de sa santé. Je l’ai vu aussi à « L’échange » avec une cassette vidéo de science-fiction. Desbiens est rock and roll, drôle et affectueux.
Il aime les crépuscules, les femmes et Verlaine le souffre-douleur de Rimbaud. Et en fait allusion à sa manière à la page 49. Il parle aussi du libraire Richard, une librairie de vieux livres sur la rue Ontario, juste en dessous de Denis Vanier. Le monde est petit.
On va tous mourir
C’est mon poème préféré :
« Sachant que nous allons tous mourir
De toute façon
Je ne peux m’empêcher
De fixer tandis qu’un
Sourire fou
Me grimpe la jambe » (p. 54 )
Il aime les pauvres, la musique ( jouer du drum pour les Grateful Dead, p. 58 ). Si vous le permettez, monsieur Desbiens, je voudrais vous dire que j’ai aimé particulièrement « Les abats du jour » (2 ) sur « Le rêve des arbres »et « L’art de disparaître ». Vous êtes un ami pour moi. Romance, la tendresse, le « fleuve de l’amour» (Prévert ), l’enfance, la liberté.
Ainsi va la vie. Ainsi va le grand jeune poète.
Notes
Patrice Desbiens, « Fa que », Les éditions Mains Libres 2023.
Dans les années 1970 et 1980, Desbiens vit dans la précarité; il travaille à temps partiel, erre dans les cafés et les bars à la recherche d’inspiration, fait de la musique et de la poésie.
En 1988, invité au Salon du livre de Québec, il s’installe dans cette ville, afin de pouvoir vivre dans sa langue. Il s’établira plus tard à Montréal en 1991, où il vit toujours. Il est membre de l’Union des écrivaines et des écrivains québécois.
Auteur très prolifique, il a fait paraître près d’une vingtaine de recueils de poésie depuis 1974.
Il reçoit le Prix Champlain en 1997 pour « Un pépin de pomme sur un poêle à bois » et le Prix de poésie Terrasses Saint-Sulpice-Estuaire pour son recueil « La Fissure de la fiction » en mai 1998.
En 2008, il remporte le prix du Salon du livre du Grand Sudbury, récompense décernée aux auteurs dont la production est demeurée soutenue au fil des années et dont la popularité de l’œuvre auprès du lectorat ne fait que s’accroître avec le temps.
Parmi ses plus récentes œuvres, mentionnons « Pour de vrai « et « Les abats du jour », parus respectivement en 2011 et 2013 aux éditions L’Oie de Cravan, ainsi que «Vallée des cicatrices », publié chez le même éditeur en 2015.