R. Lalonde, J. Harnois. Tu me rappelles un souffle

Robert Lalonde, un homme plus âgé, souriant devant un tableau en noir et blanc. Robert Lalonde, un homme plus âgé, souriant devant un tableau en noir et blanc.
Robert Lalonde, Jonathan Harnois : Tu me rappelles un souffle.  Par Ricardo Langlois
Écrire des lettres à un ami. Je lai fait souvent. Trouver un confident, un mentor. À travers les mots, on est séduit par la grandeur d’âme de notre ami invisible. Je me souviens dun ami en France. Je publiais des poèmes sur son site. Des états d’âme sur le Québec. Jai aussi correspondu avec un moine de lAbbaye de Saint-Benoît-duLac. Cette envie d’écrire. La douceur de vivre me vient des livres et de l’écriture. Jai choisi la lenteur. Le sourire de Bouddha. La parole rebelle du Christ. La sauvagerie de Rimbaud. Écrire une lettre (un courriel) cest ouvrir une fenêtre sur un ciel libre.
Le feu doux dune complicité

Cette correspondance entre deux auteurs : Robert Lalonde (écrivain et homme de théâtre) et Jonathan Harnois (jeune auteur et parolier), cest lhéritage de deux mondes. On cherche à se redéfinir, à trouver les mots justes pour mieux vaincre ce sentiment de vulnérabilité. Lallure du livre nous transmet ladmiration, linsaisissable que la quintessence irradie. Comment fabriquet-on une identité?

Jonathan Harnois

« Pour moi les mots ne sont pas des instruments, ce sont des témoins qui connaissent mieux que moi ma propre histoire. Ils sont seuls capables de me ramener dans le sous-bois enchanté que jamais je naurais du quitter, petit Poucet étourdi que je fus() Déboussolé buissonnier, jai marché, je marche toujours sur une route sans détour. »  RL p. 37.

« Je touche du bout de mon stylo, ma petite part dun gâteau de gloire qui na pas si bon goût. Pourtant jai tant cherché. Jai tant travaillé, tant couru, tant donné tout ce que jai pu. Jen ai bichonné, des fictions fades. Jen ai pomponné, des romans sans couleur. Jen ai gonflé dans le vide, des ballons crevés de poèmes. » JH p. 43

Il a neigé ce matin tout doucement (nous sommes le 17 mai). Je pense à mon entrevue avec Francis Catalano avec qui jai des échanges fabuleux. Je termine laudition de quelques vinyles avant de replonger dans ces confidences. Le monde est fait pour aboutir dans un livre (Mallarmé). Jai envie de reprendre les mots de Dominique Fortier : « des livres où il y a autant de blancs que de mots, et plus de lumière que tout le reste. » (1 )

« Le destin des humains qui lhabitaient me semblait terrorisant de platitude, sanglant dennui. Je tentais, tant bien que mal, de métaboliser le spectacle du monde, mais tout en moi criait le refus de menrôler dans cette vie. » (JH p. 62

Être philosophe, poète amoureux

Une jeune voix monte dans le ciel, mêlée à une autre, lointaine et douce, tu taccroches à leurs mots. Une voix comme un cerf-volant. Comme une chanson ésotériquejuste un peu rocailleuse. Je vous ouvre mon cœur à vous deux. Je marche à vos côtés :

« Il ne faut pas arrêter de chercher le nerf furieux de vivre. Éveil par la nature, salut par les animaux, la rivière et le ciel, et par tous ces autres miroirs vivant que nous offre le réel, pour se voir mieux, tel que nous pourrions, devrions être, libérés de la passion du confort et des autres slogans sinistres qui nous aliènent ()

Je sais que tu naimes pas te présenter en sage, mais sache quil me fait grand bien, et honneur, de côtoyer ton intelligence ces temps-ci. » JH p, 107

Ton écriture memporte

Robert Lalonde répond avec un brin de sagesse à Jonathan. « Je relis tes lettres avec bonheur. Ton écriture memporte, témoignant de ce besoin damour et dune attention nécessaire.» p. 120 ) Cest très beau. Jai pensé à ce très beau passage dans « Iotékha. » (2)

« Chacun a son âme inclonable, faite de tout et de rien, inimitable, irréfutable, et qui nest pas à chacun seulement, mais aussi aux autres , au ciel, aux oiseaux, à l’été, au désespoir. » 

Les écrivains et les poètes se mettent ensemble pour faire effondrer les murs de la chambre. L’écriture est remarquable. Une pluie de lumière tombe sur les clairvoyants de ce monde. Jaccueille votre écriture en retenant mon souffle. Cest si beau.

LE CULTUREL 2.0 avec Winston McQuade : Conversation avec les écrivains Robert Lalonde et Jonathan Harnois qui ont embrassé un projet commun d’écriture : la correspondance. « Tu me rappelles un souffle » une relation épistolaire qui s’étend en toute complicité entre deux hommes sur quatre saisons… C’est beau à mourir !

Notes

1.Dominique Fortier, « Quand viendra laube », Alto 2022.

2. Robert Lalonde, « Iotékha »,  Boréal,Compact 2009.

Auteur prolifique de romans, Robert Lalonde est un homme de théâtre reconnu qui se produit régulièrement sur scène. Il est membre de lAcadémie des Lettres du Québec.

Écrivain et parolier de chansons, Jonathan Harnois a été finaliste pour son premier roman « Je voudrais me déposer la tête »finaliste au prix Anne-Hébert.

Photo principale :  Robert Lalonde

Poésie Trois-RivièreLe Pois Penché

Ricardo Langlois a été animateur, journaliste à la pige et chroniqueur pour Famillerock.com