Un homme en chemise bleue réfléchit, la main posée sur son menton, plongé dans la Littérature québécoise.

Robert Lalonde, La reconstruction du paradis

Le 26 décembre 2018, l’écrivain et comédien Robert Lalonde et sa conjointe ont tout perdu à la suite d’un incendie dévastateur. La maison de campagne qu’il habitait depuis 40 ans s’est envolée en fumée ainsi que les 4,000 livres qu’elle abritait. Il découlera de cet événement un livre qui ressemble à une démarche thérapeutique.
Il pense à Walt Whitman

Imaginez l’écrivain qui se promène parmi les décombres, les souvenirs de sa vie. De vieilles paperasses. Le rêve après le cauchemar. Il s’interroge après la tragédie.  « Quelle maison ? Où suis-je ? Quel jour se lève ? De quel chef-d’œuvre au juste jamais écrit, ai-je rêvé ? » (p. 19)  Il écrit. Il médite. Les armes secrètes de l’écriture. Apprendre du manque et du silence du désert. On vit. On meurt. À quoi rêve-t-on ? C’est nous qui écrivons. Sans finl’auteur est un lecteur en recherche constante de lumière. Il écrit : «Le miroir et le calendrier sont les incendies les plus pervers de l’histoire de l’humanité. » (p 30)

Il pense au poète Walt Whitman, comme une bête sauvage emprisonnée dans sa mémoire. Il traduit :

« Let that which stood in front of

You go behind…

Laisse ce qui parfois se dresse sur

Ton chemin filer derrière toi… »  (p. 59)

Il se souvient

Il a des vertiges entre hier et maintenant. Il se souvient d’un passage encerclé de Giono. « Il va avoir soixante-treize ans ? » L’apprentissage du poète, c’est une vie de souvenirs de lecture. Son obsession pour Whitman est une fenêtre d’amour, d’espoir, de clairvoyance. « Toujours l’âme assoiffée » (p. 69)

C’est un peintre de l’art romanesque. Un livre peut être aussi large que le ciel. C’est Christian Bobin qui disait cela. Il marche dans les fragments des écritures qui sont en lui. « L’enjeu est immense. Seule la poésie demeure. Mallarmé disait qu’il fallait distinguer l’œuvre, l’âme et le corps. » (1)

Tout se déploie dans cette reconstruction du paradis. Il y a quelque chose de merveilleux quand il parle des « Nourritures terrestres d’André Gide ». Le fruit défendu d’une certaine époque. Les phrases toxiques. Le livre qui révolutionne pour l’auteur adolescent. Lalonde devient le jeune Nathanael et c’est bouleversant. Cette phrase qui tue : « Ceuxlà qui disent et qui disent, de jouir de ces attentes nocturnes d’on ne sait quel amour. » (p. 129) L’amour interdit, vous savez? Aimez les hommes comme si c’était un péché mortel.

À lire aussi

Robert Lalonde est un écrivain unique. Je viens de relire Iotékha (paru en 2009).  « Il me faut apprendre à manier, manipuler l’œil de Dieu, à le tourner vers le cœur qui bat, vers les cellules qui rêvent, apprendre à le braquer vers le réel passionnant, à stopper, figer l’image… »  (p. 103) Il y a des aller-retour sur le monde de manière intériorisé. Les livres, le théâtre, l’enseignement, la nature, l’auteur analyse tout dans ses nombreux livres. Son passé d’enfant seul aussi. Lisez «Le petit aigle à tête blanche», à la fois un roman immense et un essai philosophique.

Je conclus en soulignant à quel point Robert Lalonde est un écrivain d’une grande importance pour le Québec. Ses écrits méritent à tout prix d’être réédités. Toute son oeuvre afin d’enrichir le patrimoine de la littérature québécoise.

Notes

1— D’après une relecture de Mallarmé dans Mallarmé et la parole de l’imam de Cynthia Fleury Folio essai 2020.
2— Robert Lalonde, Iotékha, Boréal Compact 2009.

Robert Lalonde, La reconstruction du paradis. Boréal 2021.

JGALas Olas

Ricardo Langlois a été animateur, journaliste à la pige et chroniqueur pour Famillerock.com