Simon Leduc : L’évasion d’Arthur ou la commune d’Hochelaga

Simon Leduc, vêtu d'une chemise rose, regarde la caméra. Simon Leduc, vêtu d'une chemise rose, regarde la caméra.
J’avais besoin d’exprimer comment j’ai vécu ces années dans Hochelaga-Maisonneuve.

Comment j’ai survécu parmi les “junkies” grâce à de jeunes « bands », dont La descente du coude, The Saintes-Catherines, des explorations musicales, sans oublier Le cri du cœur de Jacques Prévert.  En 2019, Simon Leduc est devenu pour plusieurs un écrivain quasi mythique.

Il s’agit d’un ghetto ? Sans doute.  Je me suis attaché à ce jeune Arthur, diagnostiqué TDAH, devenu mon guide dans cet univers magique. Simon connaît sur le bout des doigts tous les codes : langages, transgressions et plaies de l’enfance. Le roman porte sur une génération « destroy » arborant un t-shirt déchiré avec une tête de mort (imaginons la scène).

Les jeunes d’Hochelaga ont leur vie, leur monde, leurs espoirs, leurs désillusions avec de la musique  » fucking cool ». (p. 159)  Souvenirs de mes dix années passées dans le Faubourg à mlasse. Parce qu’il faut accepter cet enfant contre les aléas du hasard. On consomme quoi ? Redbulls, somnifères, pilules. On vit au jour le jour. Télétoon la nuit. Foirer avec Barbe Bleue. Vendre des pilules pour les pauvres ou vendre le rêve, c’est peut-être mieux. (p. 193)

L’auteur se projette dans le travail exploratoire d’une jeunesse rebelle. Sans repères. On s’amourache. On s’enflamme. La folie féconde et déborde d’émotions. Ma gang de câlisse, ma gang de sacrament, les crisses de sacrament, les yeux à terre, les osties de tabarnak, les entrailles nouées (…) maudites pilules à marde. (p229) La mère, travailleuse sociale épuisée et le père marginal, contre la médicalisation, n’arriveront pas à apaiser leur enfant compulsif. Bien sûr, il y a ce petit royaume, une école désaffectée où il fera la rencontre de Choukri. Seul l’itinérant schizophrène semble comprendre le pauvre Arthur. Il vend des pilules et se fait intimider.

Au niveau narratif, l’auteur se permet une grande liberté avec un déluge de mots imprégnés du vocabulaire des jeunes qui fait grincer des dents exprimant une dénonciation d’un système en désarroi. Nous avions normalisé le dopage parce que la société était malade. (p. 237)

Ce roman constitue un essai philosophique sur l’échec des parents qui ne comprennent plus leurs enfants. Ne vous en faites pas, les jeunes bums sont un mystère absolu. Mais un filet de lumière pourrait se poindre, comme une toune de Loco Locass, ou un speed durant l’été des Indiens. (p. 244)  Extra lucide, Simon Leduc, un ancien artiste punk, émerveille, transcende, tel un explorateur de l’âme dans un territoire mal calfeutré c’est le grand royaume des ombres qui règnent sur rien.

1. En introduction, j’ai pensé au poème Cri du cœur de Jacques Prévert : La voix d’un chagrin tout neuf, la voix d’un pauvre fugitif/La voix d’un oiseau mort de froid sur le pavé d’la rue de la Joie.
2. L’auteur, chanteur pendant plus de dix ans avec La descente du Coude, cite de nombreux musiciens : Grim Skunk, Marilyn Manson, ACDC, The Clash, The Who, Atari TeenageRiot, Pink Floyd (Ummagumma).
3. Simon Leduc, L’évasion d’Arthur ou la commune d’Hochelaga, Le Quartanier, 2019. Finaliste au prix Littéraire des collégiens 2020.
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Ricardo Langlois a été animateur, journaliste à la pige et chroniqueur pour Famillerock.com