Stéfanie Tremblay, Musique 

La littérature québécoise décrit une fille assise sur un lit avec une guitare électrique bleue. La littérature québécoise décrit une fille assise sur un lit avec une guitare électrique bleue.
Stéfanie Tremblay a grandi avec le punk rock, les ruelles et les têtes de mort. À Jonquière, le pays de Voivod, comment résister à la musique rock ? Quoiqu’il en soit, chers lecteurs et lectrices, je vous propose une belle époque. Orphée sur la planète errante. Le cœur d’une poète dans les noces exubérantes des années 90. 
Les garçons magiques 

J’ai tout revu à la lecture de ce recueil. Les yeux maquillés, l’UQAM avec le chanteur des Breastfeeders dans mon cours, l’X, le temple des punks et des rockers qui se courtisaient dans les toilettes. J’étais là avec mes Doc Marteens. 

Les stars que j’admire sont mortes avec le temps

Avec leur maquillage et ressuscitées, quelques jours après,

Une guitare dans les mains. (p.27)

Je me suis souvenu des fanzines de l’époque (1). Les prostitué(es) sur l’acide. En l’an 2000, nous survivions. L’auteure se rappelle du Polliwog 96, premier festival punk. Pendant ce temps, j’allais au café Chaos. J’y étais en permanence. C’était mon château fort. Je surveillais les garçons magiques (2) et j’organisais des concerts de métal et de punk. Nous étions romantiques. Nous étions purs entre nous avec une incurable blessure (Bataille). Tu as tellement bien compris ce que nous étions. 

Que pouvons-nous faire d’autre que s’expirer Qu’habiter un trou 

Chercher le mosh pit 

Un fjord 

Le chlore 

Circle Jerks 

Circle pitt 

Les fosettes de Michael Pitt. (p.36) 

Je m’ennuie de Frank Laliberté

Nous étions d’éternels ados. Dionysos caché quelque part. Les oiseaux de nuit qui débarquent chez moi comme dans un moulin à vent. Nous explorons la profonde, la sublime nuit. J’ai accueilli de nombreux étudiants fauchés. Sur mon chemin, un poète que tu connais bien, Frank Laliberté. Tu m’as dit que tu le connaissais sur Messenger. Je t’ai expédié une photo de la couverture Des monstres, des sales et des habitués (3) je te cite cet extrait :

J’implore le destin de me donner une bière 

Sans fin pour oublier mon errance 

Pétrifié dans l’incohérence 

Je pleure mon urine 

Comme une vache donne son lait 

Imparfait du certain. (p.24) 

A chacun de tes poèmes, je me vois. Une partition inventée. Préludes, passions, variations, bruits et orchestrations. Partition poétique brute :

Entre la puberté et Musique Plus 

Entre la merde et le sang 

J’entre en file d’attente aux toilettes 

Chimiques ou meurent les tampax et 

Les enfants. (p.52) 

Mille ans avant Facebook 

Tu parviens par ton regard féminin à me rappeler quelques-unes des plus belles pages de nos vies. Tu arrives à tout intégrer sans mal dans une sorte de royaume révolutionnaire. Pas de Facebook, pas de cell, la vie à l’état pur. Je sortais de l’UQAM en rampant jusqu’au Café Chaos. Je parle à mes futurs amants (des étudiants qui jouent de la guitare par oreille). Je pense à cet extrait : 

Salut a toi rock star de quartier 

Comment fait-on maintenant 

Pour effacer ton autographe tatoué 

Sur nos poitrines ? Avec nos larmes ? (p.95) 

L’endroit où se trouve ton âme 

À quatre heures du matin, j’ai pensé à Carole David. Elle évoque le dragon. 

Tu aurais aimé être lead guitare, crash métal,

Ambiance de garage. (4) 

Il y a une violence sonore, un esprit adolescent, une catharsis. Un délire dionysien. Un destin dur comme fer. Une balle perdue dans l’histoire. Condamné sans cesse à la musique (une quête de vérité). Tu te rappelles des VHS de vidéoclips de rock (p.78). Je jubile et je pleure quand je lis : 

Et je prie pour que nos images 

Soient cendre et musique et rien 

D’autre que du savon, un souvenir

Qui pétille dans le feu de joie. (p.109) 

Enjoy le passé. La rage de vivre avec nos Doc Marteens montantes. L’entropie partout. Ton livre pulvérise la sphère poétique. Je l’ai lu et relu.

Notes 

  1. Les fanzines. Rien à déclarer dirigé par Nelson (1 $), Le pape est un ours (Gratuit),  La mauvaise herbe (fanzine anarchiste), Trinité (de 2000 à 2006 , je suis le fondateur). 
  2. Jean-Paul Daoust, Les garçons magiques. Un clin d’œil au premier livre de poésie queer au Québec.
  3.  Frank Laliberté, Des monstres, des sales et des habitués. Les intouchables. 2002. 
  4. Carole David, Terroristes d’amour suivi de L’endroit où se trouve ton âme. Les Herbes Rouges. Réédition 2003. 

Stéfanie Tremblay prend des milliers de photographies de la scène punk de Jonquière. 25 ans plus tard, devenue artiste visuelle et autrice. Musique est son premier livre. Un regard féminin sur une histoire adolescente nord-américaine. Elle travaille aussi aux Éditions La Peuplade. 

Stéfanie Tremblay, Musique. La Peuplade poésie 2022. Le livre est accompagné d’une vingtaine de photos de l’autrice.

Mains LibresLe Pois Penché

Ricardo Langlois a été animateur, journaliste à la pige et chroniqueur pour Famillerock.com