Trois personnes assises sur un canapé sur une photo en noir et blanc représentant la Littérature québécoise.

Stéphane Despatie, Les Mains libres, entrevue

Stéphane, ton CV est impressionnant. Directeur aux Écrits des Forges, journaliste, poète, triathlonien, parle-moi de ton parcours.

J’ai été très impliqué dans les arts toute ma vie, tant en gestion qu’en création, et le sport a presque toujours été très présent . Je fus entraîneur de ski et de triathlon, j’ai fait beaucoup de compétition, tous ces pôles se répondent et équilibrent la bébitte que je suis. Écrire des articles, approfondir un travail éditorial ou disséquer une manœuvre sportive pour l’enseigner ; ce n’est, au fond, pas si éloigné.

Il y a plusieurs maisons d’édition qui prennent la relève. La Peuplade, Le Quartanier, Mémoire d’encrier, ou la maison Les éditions Les Mains libres se situe-t-elle ?

Tu nommes des maisons bien établies qui font toutes un excellent travail en ayant pris naturellement des chemins bien différents. Notre type d’accompagnement, notre désir de travailler en équipe, comme notre volonté que nos auteurs se dépassent, feront en sorte que nos livres occuperont une place bien à eux. Maintenant, il faut donner au temps l’occasion de bien saisir ce qui nous distingue.

Dans les auteurs (autrices) que vous allez publier, il y a Stanley Péan, Henri Chassé, Francis Catalano, comment les as-tu recrutés ?

Comme nous nous refusons à toutes formes de maraudage, nous n’avons recruté personne . Les auteurs que tu nommes sont venus à nous de manière très organique, bien que la création de la maison ait été secrète. Tout a commencé quand Jean-Michel Girard nous a demandé notre opinion sur une BD en cours (qu’il signe avec Stanley) ; on a vu là autant un signe qu’une opportunité. Pour ce qui est de Francis et de Henri, j’avais déjà été leur éditeur ; ils nous ont proposé quelque chose dès qu’ils ont eu vent du projet.

As-tu l’intention d’encourager la relève, les nouveaux auteurs-trices ?

Nous cherchons la qualité avant tout, ensuite la singularité. Tant mieux si ces qualités proviennent d’auteurs inconnus (tout éditeur rêve de découvrir une perle), mais c’est aussi très bien si ça vient d’un auteur confirmé. Nous sommes intéressés par les textes et leur évolution. Notre rôle est de maintenir la littérature vivante, ça passe aussi par la diversité des âges.

Pourquoi, à ce moment-ci, ce projet d’envergure, Les Mains libres ? Il y a tellement de livres et d’auteurs ?

Il n’y a jamais trop de bons livres ou trop de bons auteurs. On a envie de bien travailler, en équipe avec les auteurs, pour faire émerger des livres forts qui leur ressemblent. On a aussi envie d’apporter le livre aux lecteurs. Cet aspect-là nous intéresse tout autant. Bien modestement, je crois qu’on va apporter quelque chose de bon au paysage.

Comment vois-tu le paysage littéraire en 2021 ? Personnellement, je trouve que l’on publie trop .

On répète ça dans toutes les sphères (en musique, en humour, etc.), et pourtant, on entend aussi que « ce sont toujours les mêmes comédiens », « toujours les mêmes chroniqueurs », etc. C’est, à mon avis, un faux débat qui sous-tend finalement « trop de livres, sauf les miens ». Publier un livre, c’est aussi y croire et s’en occuper au meilleur de ses moyens. Si plusieurs le font très bien, je pense qu’il y a aussi de la place pour ceux qui apportent quelque chose de valable à ce paysage que j’aime et respecte.

Stéphane, tu viens souvent sur ma page Facebook. Tu es un amateur de musique 
rock et de poésie. Est-ce qu’une chanson rock est un poème ? Je pense à Dylan et son prix Nobel.

Je me suis déjà étendu sur ce sujet dans un numéro de la revue Exit. Par définition, une chanson est une chanson et un poème, un poème. Ça ne fait pas appel à la musicalité de la même manière. Cependant, quand je pense à « Famous blue raincoat » de Cohen par exemple, c’est autant un poème qu’une chanson, ça se joue des genres comme certains livres, d’ailleurs, le font. Ensuite, il y a des chansons ayant une très forte connotation poétique. Ce ne sont pas à proprement parler des poèmes, mais ça ne me gêne cependant pas de dire que leurs auteurs (comme Desjardins ou Dylan) sont des poètes.

C’est audacieux de publier au Québec, il y a aussi Exit dont tu es le directeur littéraire, tu vas continuer également avec ce projet .

Je vais continuer aussi longtemps que possible, car j’ai Exit à cœur. Je suis un peu né avec cette revue d’ailleurs. Une revue comme Exit est essentielle, car elle fait constamment le pont entre les générations et n’appartient à aucun courant particulier ; elle a les mains libres (sans faire de jeu de mots).

Est-ce que les réseaux sociaux nuisent à l’émergence de la lecture (de l’écrit), les fake news. Cette polarisation qui nous empêche de penser par nous-mêmes, qu’en penses-tu ?

Je pense que les réseaux sociaux prennent trop de temps à plusieurs d’entre nous, et par conséquent, teintent le concept même de ce qu’est la lecture. Pour de jeunes cerveaux en construction et de jeunes cœurs n’ayant pas encore de carapace, la fréquentation excessive des réseaux peut probablement être terrible. Pour ma part, j’y vois surtout l’occasion de sortir de la chorale ; ayant des « amis » issus de communautés bien distinctes, ça me permet de lire des choses que je ne lirais pas d’emblée, d’avoir accès à des visions bien différentes des miennes. Comme il n’y a plus beaucoup de véritables critiques ou retombées dans les médias pour le livre, ça permet aussi d’être au courant de plusieurs parutions. Bref, j’y vois plus d’avantages que l’inverse.

Stéphane Despatie. Crédit photos: Patrick Bourque

Photo principale: Didier Minneci, Corinne Chevarier et Stéphane Despatie, crédits photos; Patrick Bourque.

Stéphane Despatie, Directeur Littéraire, Éditions Mains Libres Inc, 201A-4067 Boulevard St-Laurent, Montréal, Québec, H2W 1Y7 Internet : www.editionsmaislibres.com

Poésie Trois-RivièreJGA

Ricardo Langlois a été animateur, journaliste à la pige et chroniqueur pour Famillerock.com