Harmonies à quatre + un à la salle Bourgie

Un collage de photos de personnes aux expressions faciales différentes affiché dans la salle Bourgie. Un collage de photos de personnes aux expressions faciales différentes affiché dans la salle Bourgie.
Clavecin en concert entame la nouvelle année avec un quatuor vocal et un pianoforte réunis pour le concert Harmonies à quatre + un. Franz Joseph Haydn à la fin de sa vie et Franz Schubert ont laissé de magnifiques quatuors vocaux avec accompagnement de piano à l’usage des amateurs de talent désireux d’occuper leurs soirées musicales.

Ils ont puisé chez les plus importants poètes du temps des textes qui, non sans une subtile dimension moralisante, évoquent les âges de la vie, l’amour, la solitude, les charmes et les rigueurs de la nature ou la puissance et la bonté du Créateur. Aline Kutan, soprano, Annamaria Popescu, mezzo-soprano, Antonio Figueroa, ténor, Marc Boucher, baryton seront les voix de ce concert accompagnées par Luc Beauséjour au pianoforte de la salle Bourgie (fabriqué d’après des instruments viennois des années 1830) qui complète le programme par une Sonate de Haydn et une Fantaisie de Mozart.

Le 7 février 2023 à 19 h 30 – Salle Bourgie du Musée des beaux-arts de Montréal
Programme

Joseph Haydn
Die Harmonie in der Ehe, Hob. XXXc :2
Der Greis, Hob. XXVc :5
Wider den Übermut, Hob. XXVc :7
Abendlied zu Gott, Hob. XXVc :9
Sonate pour pianoforte n o 12 en la majeur, Hob. XVI : 12

Franz Schubert
Die Geselligkeit, Lebenslust, D. 609
Begräbnisslied, D. 168
Osterlied, D.168a
Gott der Weltschöpfer, D. 986

Wolfgang Amadeus Mozart
Fantaisie en ré mineur, K. 397

Franz Schubert
Gott im Ungewitter, D.985
Des Tages Weihe, D. 763
Hymne an den Unendlichen, D. 232
Der Tanz, D. 826

HARMONIE À QUATRE… + UN

 » Intimement liée à un essor sans précédent de la poésie de langue allemande, appuyé sans délai par les meilleurs compositeurs, les pays germaniques cultivent dès le second XVIIIe siècle une musique vocale de chambre nouvelle, le lied (chant) pour voix et piano, dont ils feront un genre majeur. Parallèlement, les ensembles vocaux qui en dérivent, duos, trios et quatuors avec piano, à l’instar des madrigaux de la Renaissance, réunissent musiciens, mélomanes et amateurs de talent désireux d’occuper leurs soirées musicales et littéraires. Sont mis en musique les plus importants poètes du temps dans des textes qui, non sans dimension moralisante, évoquent les âges de la vie, l’amour, la solitude, les charmes et les rigueurs de la nature ou la puissance et la bonté du Créateur.

Franz Joseph Haydn, tableau de Thomas Hardy, 1792.  Franz Joseph Haydn s’adonne au quatuor vocal en fin de carrière; Georg August Griesinger, son premier biographe, rapporte qu’entre 1796 et 1799 il « avait en train une collection de 20 lieder sérieux et légers à trois et quatre voix [sur des poèmes] de Gellert, Ramler et autres. Il en a terminé treize, qu’il m’a montrés, me faisant remarquer qu’il ne s’agissait pas de lieder comme on en avait déjà des masses, mais de trios et quatuors vocaux avec accompagnement de pianoforte tels qu’on n’en possédait que très peu ». Haydn n’acheva cependant que quatre trios et neuf quatuors, peinant à trouver des textes idoines, car, disait-il, « la plupart des poètes n’écrivent pas de façon musicale »… Quoi qu’il en soit, Griesinger témoigne qu’ils « ont été composés con amore en des heures heureuses, pour lui- même ».

Leurs dimensions modestes ne doivent pas les faire sous-estimer : en effet, de l’avis de Marc Vignal, le quatuor Abendlied zu Gott Hob (Chant du soir à Dieu), sur un texte de Christian Fürchtegott Gellert, est une « page d’une indicible grandeur, atteignant tant sur le plan musical que spirituel le niveau des dernières Messes, de La Création et des Saisons ». Le quatuor Der Greis (Le Vieillard), sur des paroles de Johann Wilhelm Ludwig Gleim, traite du vieil âge avec émotion et laisse place à l’espérance – Haydn en avait fait inscrire les premières notes sur sa dernière carte de visite. Le Wider den Übermut (Contre l’orgueil), paroles de Gellert, nous enjoint à fuir la présomption, puisque nous tenons tout de Dieu. Enfin, le quatuor Die Harmonie in der Ehe (L’harmonie dans le mariage), sur un poème de Johann Nikolaus Götz, décrit, non sans ironie, un bonheur conjugal très convenu (domaine où Haydn était plutôt mal loti) où le mari fait ce qu’il veut, sa femme se contentant de le suivre !

Du vivant même de Franz Schubert, le terme de « schubertiade » désignait ces assemblées qui, à Vienne et aux alentours, réunissaient autour du piano, le plus souvent tenu par le compositeur, des groupes d’amis avides de poésie et de musique. On y entendait des poèmes récités et surtout les œuvres pour piano et les lieder les plus récents du maître, exécutés par les meilleures voix. À côté de ces derniers, Schubert a composé pour ces soirées amicales des duos, des trios et surtout des quatuors vocaux pour voix de femmes, voix d’hommes ou ensembles mixtes, auxquels ils portera, et longtemps, beaucoup de soin : « Après 1815, la formule du quatuor vocal va déboucher sur un avenir radieux et trouver des prolongements jusqu’au terme de la vie du musicien », constate Brigitte Massin.

De l’année 1815 date le couple formé par le Begräbnisslied (Chant d’enterrement) D. 168 et l’Osterlied (Chant de Pâques) Jesus Christus unser Heiland D.168a, sur des paroles de Friedrich Gottlieb Klopstock. Prévus pour le temps pascal, le premier « est une longue et sérieuse réflexion sur la mort » et le second, sorte de « choral de victoire », chante la résurrection, comme quoi la piété ne se confinait pas à l’époque à l’espace des églises. Le majestueux Hymne an den Unendlichen (Hymne à l’Infini),  Une schubertiade en 1821, gravure de Leopold Kupelwieser D. 232, peut-être de 1816, « a déjà l’allure d’une petite cantate », avec une partie de piano très personnelle. Il sera publié comme Opus 112 no 3 par Josef Czerny un an après la mort de Schubert. Le Gott im Ungewitter (Dieu dans la tempête) D. 985 et le Gott der Weltschöpfer (Dieu, le Créateur du monde) D. 986, tous deux sur des poèmes de Johann Peter Uz, forment un diptyque dans ce même Opus 112, mais on ne connaît pas avec certitude leurs années de composition. Le premier, en deux sections « dans un style pompeux et solennel », comporte une montée dramatique et un fugato. Le second « est d’une démarche plus homophonique, comme il se doit pour un hymne de cet ordre ».

Peut-être prévu pour une célébration quelconque, Die Geselligkeit ou Lebenslust (Joie de vivre) D. 609, sur un texte anonyme, date de 1818; tout à fait bonhomme, il se déroule en quelques strophes « bien enlevées ». En 1822, la baronne Barbara von Geymüller commande à Schubert un hymne d’anniversaire à l’occasion de la guérison d’un ami malade. Il sera publié en 1841 par Diabelli avec de nouvelles paroles, Des Tages Weihe (Consécration du jour) D. 763. D’abord mené par la voix de basse, il se termine « sur l’affirmation très paisible de la reconnaissance ». Signé Columban Schnitzer, le texte de Der Tanz (La danse) D. 826, daté de 1828, relate comment, non sans humour, un père met sa fille en garde contre sa passion des bals et de la danse, « ruineuse pour la santé ». « Dans une démarche d’ensemble volontairement simple », Schubert l’a illustré de façon directe dans un rythme ternaire bien troussé.

Bien que sa contribution au genre n’ait pas marqué l’histoire autant que le feront ses symphonies et ses quatuors à cordes, Joseph Haydn a pratiqué la sonate pour clavier sa vie durant, des « divertimentos » pour clavecin de ses débuts de carrière aux grandes Sonates pour piano de sa maturité. Ni la chronologie ni l’attribution à Haydn des toutes premières ne font cependant l’unanimité, leurs manuscrits et leurs publications n’apportant pas d’informations totalement fiables. La Sonate no 12 en la majeur, Hob. XVI.12, a été, semble-t-il, attribuée à tort à Haydn – elle paraîtra à Londres en 1789, en compagnie de quatre autres, avec une partie de violon ajoutée et sous la signature d’Ignaz Pleyel… Mais, quel que soit son auteur, l’œuvre est charmante, avec son Andante qui coule avec tendresse en aimables triolets, son Menuetto affirmé, interrompu par un Trio en la mineur en notes décalées, et son Allegro molto final, d’un rythme ternaire souriant et plein d’entrain.

La « fantaisie » en musique a connu de nombreuses définitions au cours des âges. Au XVIIIe siècle, elle épouse chez les Allemands du Nord les idéaux de l’Empfindsamkeit (sensibilité) et du Sturm und Drang (tempête et passion), qu’on considère comme les premières manifestations du Romantisme à venir et qui conviennent mieux au clavicorde et au nouveau pianoforte qu’au clavecin. Plus réflexive, avec des allures d’improvisation, proche de la confession, elle doit montrer le « génie » de son auteur, comme pris sur le vif. Cette intensité expressive, Wolfgang Amadeus Mozart l’a faite sienne à plusieurs reprises. Comme l’écrit Gérard Denizeau : « Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, principalement du fait de l’action de Mozart, la fantaisie pour piano devient un avatar libre de la sonate, favorable à l’expression des passions et humeurs. » En fait foi la poignante et contrastée Fantaisie K. 397, en ré mineur, composée à Vienne en 1782; elle représente « le type même de l’improvisation mozartienne, avec le pathétisme violent de son début […] et ses effets de récitatifs », selon Jean et Brigitte Massin. Laissée inachevée, son court finale fut complété par August Müller avant sa publication en 1804. »  ( © François Filiatrault, 2023)

Le 7 février 2023 à 19 h 30 – Salle Bourgie du Musée des beaux-arts de Montréal

Billets : https://lepointdevente.com/billets/fhj230207001
Régulier : 50 $. Aîné (65 ans et plus) : 44 $. Étudiant (25 ans et moins) : 35 $

Photo principale :  Luc Beauséjour,  piano forte, Aline Kutan, soprano, Annamaria Popescu, mezzo-soprano, Antonio Figueroa, ténor, Marc Boucher, baryton.

 

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