Le premier festival classique hivernal célèbre Beethoven

Un chef d’orchestre en costume-cravate dirige un orchestre lors d’un festival classique d’hiver. Un chef d’orchestre en costume-cravate dirige un orchestre lors d’un festival classique d’hiver.
Du 31 janvier au 2 février, l’Orchestre Symphonique de Laval (OSL) offre une longue fin de semaine conviviale et festive pour célébrer les 250 ans de Ludwig van Beethoven.

Les incontournables 3e, 5e, 6e, 7e et 9versions concerto pour piano et version symphonique, même avec chœur, c’est un véritable éblouissement. Au cœur de l’hiver, en avant la musique !

Un festival en hiver

D’où est venue cette belle idée de créer un festival de musique classique en plein hiver ?

« Nous voulions justement créer un festival d’hiver, justement, explique Alain Trudel, chef de l’OSL depuis bientôt 15 ans. Il y a des festivals tout l’été, et juste après les Fêtes, on est un peu moroses, fauchés, et on a besoin de se réchauffer le cœur et l’âme autant que le corps. La grande musique est là pour ça. Et puis c’est un clin d’œil à la Classique hivernale de hockey ! »

Trois jours complets de concerts exceptionnels, avec parfois deux concerts par jour, avec l’OSL bien sûr, mais aussi avec le pianiste Charles Richard-Hamelin (qui interprète les concertos pour piano) ainsi que le Chœur de Laval et les solistes Lyne Fortin, Renée Lapointe, Antoine Bélanger et Alexandre Sylvestre (pour l’Hymne à la joie qui clora en apothéose le festival le 2 février).

C’est déjà exceptionnel d’offrir un marathon musical aussi intense et concentré, mais ce n’est pourtant pas tout : « Nous avons pensé ce festival pour tous, précise Alain Trudel, avec des activités pour toute la famille, des causeries, des contes pour les jeunes, des rencontres en bibliothèque, et même Beethoven en personne !… à la patinoire. Nous voulons célébrer l’art et la musique, mais que ce soit abordable pour tous, avec une passe de week-end et même des rabais dans les hôtels pour permettre de dormir sur place éventuellement, et de découvrir toute la région alentour.

« C’est notre premier festival, dit Alain Trudel. Nous recommencerons tous les mois de janvier désormais, nos trois prochaines saisons sont programmées. Mais commencer en célébrant les 250 ans de Beethoven, j’avoue que c’est un hasard extraordinaire ! »

Démocratiser la musique classique

Depuis presque 35 ans qu’existe l’OSL, il a atteint un niveau d’excellence reconnu et remarqué de tous et d’abord de son public lavallois de prédilection. « Nous recherchons l’excellence bien sûr, dit le chef, mais au profit de qui ? Au profit de la communauté. Le public de Laval est d’abord celui de l’OSL. Il apprécie précisément la simplicité d’approche qu’affiche l’Orchestre au travers de son excellence. L’OSL prend la musique très au sérieux, mais ne se prend pas pour autant au sérieux. »

Winston McQuade, artiste visuel et communicateur de longue date, président du Conseil d’administration de l’OSL depuis un an, abonde dans le même sens : « Ce premier Festival hivernal représente une continuité pour l’Orchestre. Il constituera une pierre blanche dans la logique de l’histoire de l’orchestre par rapport à l’éducation du public et la démocratisation de la grande musique. C’est pourquoi nous voulons un bel évènement populaire et festif, ouvert à tous. Nous voulons prouver que c’est possible avec la musique classique aussi. » Et il ajoute : « Il existe un problème de renouvellement du public de la musique classique, alors il ne faut pas rater le coche pour éduquer la nouvelle génération. L’OSL fait très bien ce job. Nous venons d’ailleurs d’engager un nouveau DG jeune et énergique qui va aller dans ce sens. »

Pour lui qui connaît très bien la musique classique et le milieu montréalais de celle-ci, quelles sont les caractéristiques de l’OSL ? « Alain Trudel est un gars de communauté, répond Winston McQuade, il a insufflé cet esprit à l’Orchestre qui s’est ainsi rapproché des gens et des jeunes. J’aime la vigueur de cet Orchestre, sa dynamique vive. C’est ce qui explique la belle fréquentation du public de Laval qui se traduit par un succès financier. L’OSL est sorti des difficultés financières il y a 2 ans, et maintenant nous allons de l’avant. »

Beethoven et la musique de l’âme

La première édition du Festival classique hivernal de Laval propose donc une rencontre totale, une immersion complète dans la musique du grand Ludwig. Que représente Beethoven pour Alain Trudel ? « Avec Beethoven, dit-il sans hésiter, pas d’intermédiaire, la musique circule de son âme à votre âme, direct. » N’est-ce pas vrai de tous les grands compositeurs ? « Il est profondément le plus humain des compositeurs, insiste Trudel, Bach est divin, Mozart aussi bien sûr, Tchaïkovsky combine une mélodie après l’autre, mais Beethoven est profondément le plus humain des compositeurs. Vous savez qu’avec sa musique vous allez vivre une expérience humaine avec toute la gamme des grandes émotions humaines, tous les extrêmes des émotions humaines. Pas besoin de comprendre, ça vient vous chercher directement, et tout ça avec un minimum de moyens, quelques notes inoubliables, bouleversantes, jamais larmoyantes, mais bouleversantes. »

Si proche de l’humanité, Beethoven, et pourtant une vie tragique, marquée entre autres par son lourd handicap : « Oui, confirme Alain Trudel, il était comme enfermé en lui-même à cause de sa surdité. Au fond, il entendait juste sa voix, et c’est comme si sa voix était la voix humaine au complet qu’elle traduisait tous les états de l’humain. Il avait coupé les pattes de son piano pour entendre par le sol, car il n’entendait plus les sons aériens. »

La musique de Beethoven est donc marquée par ce tellurisme qui est aussi une intériorité forte, profonde et bouleversante : « Pour ce Festival j’ai choisi les symphonies les plus connues bien sûr, la Pastorale, l’Héroïque, l’Hymne à la Joie et la Symphonie du Destin, la fameuse 5e, mais aussi des symphonies un peu moins connues, comme la 3e que j’aime beaucoup, et des concertos pour piano plus intimes. J’ai choisi les symphonies qui selon moi parlent le plus de l’humain, à la mémoire d’un idéal humain. »

Et Winston Mc Quade de conclure : « Ce qui distingue Beethoven, c’est sa pulsion de création. Il écrivait à une époque de grands changements et il innovait, il a inventé une nouvelle façon d’écrire de la musique. Sourd, il voulait aller vers les gens. Il est comme une éponge d’émotions avec un destin tragique, sa musique est comme un bouleversement de plaques tectoniques, et ça vient taper dans tes profondeurs. »

Eh bien ça promet… De quoi réchauffer l’hiver, pas à peu près !

1ER FESTIVAL CLASSIQUE HIVERNAL, HOMMAGE À BEETHOVEN. www.festivalclassiquehivernal.com

Mains LibresPoésie Trois-Rivière

Parisienne devenue Montréalaise en 1999, Aline Apostolska est journaliste culturelle ( Radio-Canada, La Presse… ) et romancière, passionnée par la découverte des autres et de l’ailleurs (Crédit photo: Martin Moreira). http://www.alineapostolska.com