Un symbole atomique sur fond bleu représentant la Philosophie spirituelle.

Introduction à la philosophie spirituelle. (Texte no. 14)

Nous avons déjà vu que toutes les particules ont un spin, c’est-à-dire une énergie découlant de leur rotation sur elles-mêmes. Ajoutons à ce propos que le phénomène des champs magnétiques s’explique par le spin des atomes. Plus il y a d’atomes dont les spins sont parallèles, plus le champ magnétique est intense. Tout comme son énergie, la direction du spin fait partie de la mesure. Encore ici, on ne peut vérifier qu’une direction à la fois. Ainsi, pour mesurer le spin d’un proton, on le fait passer entre deux aimants parallèles, disons placés horizontalement, et on mesure la déviation résultante, ce qui donne l’intensité de la composante horizontale. Puis, on fait la même chose avec deux aimants placés verticalement. Ces déviations sont toujours +1 ou -1 en unité de h. Pour ce qui est des photons, ils tournent sur eux-mêmes à la vitesse de la lumière en produisant une énergie qui vaut précisément h fois leur fréquence. L’orientation du spin du photon va dans la direction dans laquelle l’onde « vibre », pour ainsi dire. Tous les objets matériels peuvent être classés en deux catégories : les fermions, qui ont un spin demi-entier (h/2), et les bosons, qui ont un spin entier (h). Comme le spin du photon donne toujours +h ou -h, il s’agit donc d’un boson. Pour leur part, les électrons et les protons sont des fermions, parce que leur spin est un multiple d’h/2. Les électrons forment des sphères plus ou moins concentriques autour des atomes et sont chargés électriquement. Si l’on tente de rapprocher deux atomes, leurs sphères vont se repousser; c’est la force électromagnétique. Cette dernière est beaucoup plus puissante que les champs magnétiques, comme ceux des courants électriques ou des aimants. Elle contribue par exemple à nous empêcher de passer à travers un plancher malgré la gravitation qui tire vers cette énorme boule de matière qu’est la Terre (les électrons des atomes de nos pieds étant repoussés par ceux des atomes du plancher). Notons enfin que les électrons, en particulier la couche la plus près du noyau de l’atome, peuvent prendre des formes complexes appelées des orbitales. Ce phénomène peut ajouter à la valeur quantique du spin. Il s’agit, pour ainsi dire, d’une partie du spin que les électrons acquièrent en tournant autour du noyau selon une trajectoire complexe.

Tout comme les électrons qui tournent autour, les noyaux des atomes de cuivre des fils électriques sont composés de fermions. Dans le courant électrique, les électrons tendent sans cesse à éviter les autres fermions et vont ainsi se cogner sur les atomes de cuivre ou de tout autre métal conducteur, ce qui crée une résistance. C’est pourquoi les fils s’échauffent et une partie de l’énergie est perdue. Toutefois, dans certains métaux, à très basse température (comme à -243°C), les électrons sont intriqués deux par deux (les paires de Cooper) et parviennent à passer sans rencontrer de résistance ; c’est la supraconduction. Dans les paires de Cooper, les spins sont antiparallèles (l’un des électrons a un spin égal à +1/2 h et l’autre à -1/2 h), si bien que le spin total est nul. Dans cette configuration, ils forment ce qu’on appelle un boson composite, constitué de deux fermions qui, étant intriqués, ont la même fonction d’onde. Comme leur spin total est nul, l’énergie totale des deux électrons est inférieure à l’addition de leur valeur habituelle, de telle manière que ceux-ci arrivent à passer en bousculant très peu les atomes du métal. Comme ils forment un boson composite, plus stable que les fermions ordinaires, ils peuvent traverser les atomes sans perturber leur délicat arrangement et, de ce fait, sans ralentir. Enfin, étant donné que toute énergie est toujours un multiple entier de (h) et que les atomes du métal à -243°C n’enlèvent pas aux électrons une quantité d’énergie au moins égale à (h), les électrons passent sans perte d’énergie. Cependant, il est pratiquement impossible d’obtenir largement des températures suffisamment basses pour permettre la supraconduction à grande échelle.

On peut représenter un champ d’électrons chargés électriquement comme des petites flèches allant dans tous les sens, comme un oursin stylisé. L’électron se déplaçant à peu près au 2/3 de la vitesse de la lumière, le champ électrique, conformément à la théorie de la relativité restreinte, s’aplatit dans le sens du déplacement et devient ovoïde. Il acquiert alors une seconde composante : un champ magnétique comparable à celui engendré par le spin des électrons des atomes d’un aimant. C’est le champ magnétique qui permet aux électro-aimants et aux moteurs électriques de fonctionner. Étant donné que les électrons n’ont pas de positions précises, leur déplacement autour d’un noyau ne créé généralement pas un champ magnétique, car les spins alternativement positifs et négatifs finissent par s’annuler. Il faut des atomes dotés d’un nombre impair d’électrons, de manière à ce que le dernier ne puisse pas s’apparier à un autre, et provoquer ainsi un « moment magnétique du spin ». Les matériaux faits avec des « atomes impairs » ne sont pas non plus tous magnétiques, car, dans la plupart des cas, les atomes sont orientés au hasard. Mais, dans les matériaux dits ferromagnétiques, les atomes sont majoritairement orientés dans la même direction. Le fer est l’un de ces matériaux, mais, étant donné qu’il possède 26 protons et 26 électrons (un nombre pair), il ne devrait pas être magnétique. En effet, dans un morceau de fer naturel, les spins agissent comme de très petits aimants, mais étant donné qu’ils pointent au hasard dans des directions différentes, le champ magnétique est nul. Toutefois, soumis à l’effet d’un puissant aimant, ils s’alignent dans la direction opposée du champ. De plus, le fer est doté d’une structure cristalline (arrangement d’atomes selon des motifs réguliers et répétitifs) et, dans ce type de structure, les électrons des couches atomiques les plus externes sont « libres ». Les domaines dans lesquels les spins sont déjà orientés dans un même sens forcent, pour ainsi dire, les « électrons libres » voisins à adopter la même orientation. À l’aide d’un fort champ magnétique, on peut donc forcer les spins à pointer majoritairement dans la même direction et transformer un morceau de fer en aimant.

En particulier dans l’univers quantique et en cosmologie, la physique connaît désormais une crise de l’objectivité à propos de la conception même de l’étendue et de la gravité. Par exemple, depuis les années 2010, on parle de la « dynamique des formes » ou de la « cosmologie des formes ». Selon cette théorie inspirée par le relationnisme de Leibniz, l’espace-temps n’aurait pas de substance (n’aurait pas « d’en dessous » matériel identifiable), mais serait une relation formelle accompagnée peut-être d’un « fluide ». Dans un article paru en 2015, Tim Koslowski, de l’Université nationale autonome du Mexique, décrit la « dynamique des formes » selon une conception classique de la gravité (avec les masses et l’étendue, mais sans l’espace-temps et la géométrie d’Einstein), tout en tenant compte de la mécanique quantique. Du point de vue phénoménologique [du grec phainómenon (ce qui apparaît comme contenus de conscience et expériences vécues) et lógos (étude, discours)], le monde classique est celui qui nous permet d’être en relation entre nous et avec le cosmos. Alors que le monde quantique est « étranger » au monde étendu tel qu’il nous apparaît, la relativité générale utilise une description plus classique pour la géométrie et aussi pour la matière. La géométrie de Koslowski cherche à décrire comment une énigmatique matière fluctuante se comporte dans le cosmos tel que décrit par la « dynamique des formes ». Comme celle-ci coïncide localement avec l’image spatiotemporelle utilisée en relativité générale, elle se trouve à intégrer des éléments de la relativité d’Einstein dans une théorie qui tente d’introduire la matière quantique dans l’étendue des formes, avec comme résultat d’envisager l’émergence, à partir de fluctuations, d’un champ quantifié local présentant une invariance. Autrement dit, ces fluctuations, qui peuvent être décrites selon plusieurs points de vue spécifiques, présenteraient un champ quantifiable et une symétrie permettant de constater une équivalence quant aux prédictions sur son évolution. Cela signifie une sorte de rencontre du « classique » et du « quantique ». En définitive, Koslowski s’interroge sur la nature de la géométrie spatiotemporelle (de l’étendue dont nous faisons l’expérience et avons conscience), en l’associant à l’étrange physique quantique.

Les trous noirs sont un autre exemple de nouveauté en physique. Il s’agit d’une surface sphérique délimitant une région de l’espace-temps (que l’algorithme de la Dre Katie Bouman a incidemment permis d’avoir une première image en 2017) décrite comme une concentration de masse-énergie qui s’est effondrée gravitationnellement sous sa propre force d’attraction et qui est devenue si compacte que même les photons ne peuvent s’en soustraire, d’où sa « noirceur ». Certains astrophysiciens ont pensé qu’un traitement quantique de l’espace-temps et de la matière à l’intérieur d’un trou noir ferait voir celui-ci comme un point de densité infinie avec une courbure de l’espace-temps également infinie. Cela aurait signifié que toute l’information contenue dans les objets tombant dans un trou noir (comme celle d’une étoile se transformant en trou noir) aurait été définitivement détruite ou, pour le moins, « non efficiente ». Stephen Hawking (1942-2018), en se plaçant du point de vue quantique, considère plutôt que si un trou noir possède une entropie (une dégradation de l’énergie), il devrait posséder une température et avoir un rayonnement. Il prédit que, lorsque des trous noirs atteindront une température plus grande que le rayonnement fossile (quelques millionièmes de degrés au-dessus du zéro absolu), ils vont alors rayonner davantage d’énergie qu’ils n’en absorberont. La perte de masse des trous noirs pourrait alors devenir supérieure à la force de la gravitation et ne pourrait plus contenir la matière. Celle-ci, après avoir été pour ainsi dire recyclée, retournerait alors à l’espace avec une nouvelle identité en neutrinos, rayons X et photons. Le rayonnement des « trous noirs » continuerait ainsi sans cesse à exister dans un Univers en perpétuelle expansion. Et, peut-être, faudrait-il alors recadrer l’idée d’un Big Bang avec celle de Big Bang multiples. À ce jour, l’hypothèse de Hawking n’a pas été prouvée. Toutefois, des scientifiques ont déjà établi par des moyens indirects que la matière happée par un trou noir est chauffée à des températures considérables avant d’être « engloutie » ; et cela, en émettant une quantité importante de rayons X. Le physicien néerlandais Erik Verlinde remet en question l’idée même que nous nous sommes toujours fait de la gravité. Il propose que celle-ci ne soit pas une force au fondement du tout, mais plutôt un phénomène émergent, tout comme la température est un phénomène émergent qui découle du mouvement des particules. En d’autres termes, la gravité ne serait qu’un effet secondaire et non la cause de ce qui se passe dans l’Univers. Plusieurs physiciens en quête d’une « théorie du grand tout » révisent leur position et ne traitent plus la gravité comme une interaction de forces élémentaires. Il est envisageable que la masse puisse résulter d’un processus entropique réversible lent produisant la gravité comme phénomène émergent et qu’un processus inverse finisse par produire l’un des multiples Big Bang, dans un Univers en perpétuelle expansion.

Robert Clavet    LaMetropole.Com

JGAMains Libres

Docteur en philosophie. Il a enseigné dans plusieurs universités et cégeps du Québec. En plus d’être conférencier, il a notamment publié un ouvrage sur la pensée de Nicolas Berdiaeff, un essai intitulé « Pour une philosophie spirituelle occidentale », ainsi que deux ouvrages didactiques.