Une photo en noir et blanc d'un homme en uniforme militaire publiée par Maison d'édition.

Les éditions du Mont Royal – la discrétion efficace

Il œuvre. Dans tous les sens du terme. Il défend l’environnement, la langue, la culture, le droit, la vérité, l’Histoire.

C’est un juriste, un traducteur, un agent littéraire, un activiste qui, à certaine époque de sa passionnante existence, se rendait jusqu’en Afrique pour délivrer des prisonniers politiques. C’est un auteur, un érudit, un essayiste. Les pamphlets Eau Secours et Voter vrai, c’est lui. Il est partout sans qu’on le voie vraiment, une sorte de Batman ou de Robin des Bois, mais cela va changer… Pierre-Louis Trudeau a récemment lancé sa maison d’édition. Les éditions du Mont Royal, c’est lui.

Là encore, l’homme ne circulera pas dans les chemins empruntés par l’équivalent de Big Pharma dans la distribution du livre. Il adopte plutôt la démarche d’un apothicaire, ou encore celle d’un homéopathe. Petites doses, bien dosées. Or il ne faut pas sous-estimer le pouvoir de la valériane ou de la passiflore. Parfois, devant ces fleurs étranges absorbées en infusion, même le Valium bat en retraite. Tout comme la feuille de coca n’a pas besoin d’être enfarinée pour faire effet.

Un premier titre lance cette maison d’édition atypique, et non le moindre : La république assassinée. Couverture en noir et blanc, sous-titre éclairant : Daniel Johnson. L’essai évoque une glaçante rafale de kalachnikov alors que tous pensent que la guerre est enfin terminée. L’auteur, Pierre Scheider, un des membres fondateurs du FLQ, enquête depuis des lustres sur l’infiltration policière des mouvements populaires. En l’occurrence sur le projet du vingtième Premier ministre du Québec, deux ans au pouvoir seulement, très peu pour mettre en place la république du Québec. Le projet n’a jamais vu le jour. Le journaliste lève le voile et surtout le doute sur la véritable fin de Daniel Johnson, mort subitement… Inutile d’en dire davantage. On peut se procurer ce livre-choc, comme on dit jusqu’à la lie de nos jours, dans le réseau que Pierre-Louis Trudeau a décidé de privilégier : les librairies indépendantes.

Mais pourquoi donc? Parce que Trudeau est lui-même un indépendant, un tireur d’élite, un cow-boy solitaire qui va au bout de ses batailles. Ainsi, parce qu’il réfléchit, observe, constate, il sait que les grands réseaux de distribution – cette dictature – décident de ce qui sera sur les tablettes ou non, autrement dit de ce que les gens liront. Les distributeurs se comportent à l’identique des médias dits mainstream : ce qu’on lit dans les journaux, ce qu’on entend à la télévision, on se doit de l’admettre, est grassement nourri par les publicités que ces médias diffusent, façon gavage d’oie. Ainsi ce ne sont plus des journaux, des stations, des distributeurs, mais bien des organes. Pierre-Louis Trudeau ne mange pas de ce pain-là.

Si on apprend dans La République assassinée, que « Paul Desmarais se vante d’avoir convaincu Johnson d’accomplir un recul stratégique pour rétablir la confiance des milieux d’affaires anglo-américains à l’égard du Québec », mais encore que la CIA connaissait parfaitement les activités du FLQ depuis le jour 1, c’est que les éditions du Mont Royal n’édulcorent pas les textes qu’elles impriment, ne les formatent pas, mais les présentent tels quels; le lecteur en fera ce qu’il voudra. Au moins aura-t-il le choix. Mais ce n’est pas tout, bien entendu. Aux éditions du Mont Royal, on croit toujours à l’Histoire, avec un grand H, comme le mot se doit d’être écrit. Ce ne serait pas le genre de Pierre-Louis Trudeau de republier Mark Twain en changeant le vocabulaire du grand écrivain pour satisfaire la censure d’aujourd’hui, appelée wokisme.

Le second ouvrage à paraître dans cette maison d’édition à suivre de près est Alfred, premier député noir à l’Assemblée nationale du Québec. Un devoir de mémoire, certes, mais aussi une volonté de relater le passé, pour ne pas l’oublier. Paul Morissette, collaborateur et ami du politicien, rappelle le parcours de Jean Alfred, ce dérangeant député de Papineau qui, en chambre, par certains de ses collègues, fut régulièrement traité de Criss de Nèg. Ce même Nèg qui a donné, étant donné ses extraordinaires accomplissements, son nom à un pont, à une rue, celui que l’Histoire bienveillante a nommé le « père de l’hôpital de Gatineau ».

Avec ces titres, on voit où se situent les éditions du Mont royal et Pierre-Louis Trudeau. Il ne faudrait pas réduire le spectre non plus et affirmer que la maison fera uniquement dans des publications indépendantistes. Trudeau est ouvert d’esprit, il accueille la pensée tous azimuts, si elle se tient. Ainsi a-t-il toute une programmation éditoriale devant lui, littéraire, polémique, sociale. Pour décrire son orientation, il refuse le mot pompeux et pédant de mission. Il préfère celui de pertinence. Or la pertinence, c’est au fil des jours qu’elle se cueille, quand on a les yeux grands ouverts et le cerveau allumé.

Les éditions du Mont Royal n’ont certainement pas fini d’étonner. Elles donneront aux authentiques lecteurs l’occasion de découvrir davantage les librairies indépendantes, mais également virtuelles. Tous les ouvrages du nouvel éditeur, ainsi que les nombreux titres qu’il souhaite mettre en lumière, se trouvent également en ligne sur le site des éditions du Mont Royal. La discrétion efficace. En effet.

Web : https://editionsmontroyal.com/

Photo principale :  Couverture du livre : La république assassinée de Daniel Johnson.

 

Mains LibresLe Pois Penché

Auteur de romans, d’essais et de biographies, Marie Desjardins, née à Montréal, vient de faire paraître AMBASSADOR HOTEL, aux éditions du CRAM. Elle a enseigné la littérature à l’Université McGill et publié de nombreux portraits dans des magazines.