Wen Wei Wang : Dialoguer pour Devenir

Wen Wei Wang se produit avec une femme sur scène dans une pièce sombre. Wen Wei Wang se produit avec une femme sur scène dans une pièce sombre.

Du 20 au 23 mars, l’Agora de la Danse a présenté Dialogue du chorégraphe Wen Wei Wang.

Une pièce subtile et forte pour cinq danseurs dont on reçoit l’impact par ondes successives au travers de la scénographie claire obscure à dominante noire striée de luminosités ( conception des lumières James Proudfoot ), la musicalité captivante ( signée Stefan Seslija ), le vocabulaire chorégraphique sophistiqué, complexe, élaboré avec minutie et délivré par les interprètes masculins singuliers, souples, sensuels et puissants à la fois, tous venus d’origines ethniques différentes : Justin Calvadores, Dario Dinuzzi, Ralph Escamillan, Andrew Haydock, Arash Khakpour.

La signature si singulière de Wen Wei Wang, libre, poétique, magnétique et chorégraphiquement exigeante, opère une nouvelle fois dans cette nouvelle création, laissant le spectateur empreint d’images persistantes, un peu mélancoliques mais pleines de beauté et d’une réflexion qui s’impose. Une réflexion sur l’autre, son altérité, sa différence, voire sa désarçonnante incongruité, son inconformité d’origines, de culture, de langues, d’orientation sexuelle. L’autre tel qu’il est, comme un miroir de notre propre identité, incongrue elle aussi, et dont l’unicité seule induit, peut-être, la possibilité d’un dialogue avec l’unicité d’autrui.

Un thème terriblement actuel mais surtout si éternellement humain puisque l’humanité depuis toujours a évolué exclusivement grâce à ce dialogue des différences, même lorsque le dialogue vire au parfait malentendu sinon au dialogue de sourds. Il faut beaucoup de force pour s’affirmer et beaucoup d’affirmation pour accueillir ce et ceux que l’on ne connait pas encore, beaucoup d’ouverture et d’enchantements, beaucoup de désir aussi, pour savoir que ce dialogue, qui est aussi une perte de soi, est toujours un gain, un enrichissement. Dans ce type de dialogue, qui perd gagne toujours en richesse.

Dans une mise en scène inattendue et troublante, à fleur de peau, de David O’Shea, Wen Wei Wang parle de tout ceci avec une palette gestuelle marquante. Lui aussi est un migrant qui en 1991 a choisi d’entreprendre un dialogue avec le Canada, le Québec, grâce au langage universel de la danse. La danse, le corps traversé par des cacophonies contraires mais illuminatrices, terrain de rencontre, de franchissements et de territorialités où l’autre nous rejoint, nous reconnait, nous envahit ou bien que nous abandonnons, avec indifférence et étrangeté. Le corps qui permet de comprendre par-delà les mots, mais qui nous laisse aussi parfois si seul, si incompris.

Danseur professionnel en Chine, Wen Wei Wang a immigré au Canada sans parler ni l’une ni l’autre des langues, pour devenir danseur chez Judith Marcuse puis au Ballet British Columbia. Devenu chorégraphe, il a créé des pièces fortes qui lui ont valu des prix internationaux ainsi que des créations et des tournées internationales jusque dans son pays natal. Il est aujourd’hui artiste associé au Centre National des Arts d’Ottawa. Un parcours riche à découvrir https://agoradanse.com/evenement/dialogue/

En 2013, l’Agora de la danse présentait déjà 7th Sense, Septième Sens, où Wen Wei Wang évoquait déjà son parcours de créateur issu de l’immigration. L’atroce expression « issu de l’immigration », horrible en plus d’être inexacte. Chacun humain est issu de sa mère, et après il n’y a que des dialogues nécessaires, obligés, réussis, impossibles etcet donc aussi, comme le dit le chorégraphe des batailles, voire des guerres, voire des atrocités, mais toujours du dialogue, le meilleur et le pire du dia logos, étymologiquement «langage formé à partir de deux parties».

C’est pertinent de rappeler que la pièce Dialogue, créée en 2017, est actuellement en tournée. Qu’elle tisse donc sans cesse de nouvelles conversations partout où elle passe. Nous avons eu la chance, et le plaisir, de la voir à Montréal, dans le magnifique édifice du Wilder où loge l’Espace danse, à L’Agora de la Danse.

Agora : place publique où sont mises en relation les différences des citoyens…  La saison de l’Agora de la danse continue, avec des créations très attendues.

https://agoradanse.com/evenement/

Poésie Trois-RivièreLe Pois Penché

Parisienne devenue Montréalaise en 1999, Aline Apostolska est journaliste culturelle ( Radio-Canada, La Presse… ) et romancière, passionnée par la découverte des autres et de l’ailleurs (Crédit photo: Martin Moreira). http://www.alineapostolska.com