L’Ukraine gagnera-t-elle?

Pendant le conflit en cours en Ukraine, un puissant missile est lancé depuis un véhicule militaire. Pendant le conflit en cours en Ukraine, un puissant missile est lancé depuis un véhicule militaire.

L’Ukraine gagnera-t-elle?

Par Bernard Gauthier

Ce qui devait être une guerre de quelques jours pour prendre le contrôle de Kiev le 24 février 2022 en est rendu à près d’un an maintenant.

Après avoir pris le contrôle de la Crimée en 2014, Vladimir Poutine croyait en faire tout autant en 2022 surtout que l’ex-président américain, Barack Obama, n’avait pas cru bon agir. Pourtant, c’était une ligne rouge que les Russes venaient de franchir. Et Poutine ne se doutait pas que l’Occident et les Ukrainiens allaient réagir autrement cette fois-ci.

Dès le matin du 24 février, les habitants du nord de l’Ukraine ont démontré une forte résistance. Pas question de fuir le pays. Les Russes croyant venir libérer des citoyens sous l’emprise des néonazis ne comprenaient plus. Le Kremlin leur a menti. Les soldats, mal équipés, en manque de nourriture, qui font fi de tous les règlements du traité de la Convention de Genève, ont ensuite dirigé leurs chars vers des villes avoisinantes de Kiev. Là, ils ont pillé, saccagé, violé, tué des femmes, enfants et personnes âgées à Irpin, Bucha et Hostomel. Des crimes de guerre sans précédent. Comme si ce n’était pas suffisant, les soldats de l’Armée russe ont mis le feu à plusieurs bâtiments. Mais non, dit le ministre des Affaires étrangères russes, Sergueï Lavrov, «c’est une mise en scène des Occidentaux.» Quel mépris à l’endroit des civils qui n’ont rien demandé aux Russes, qui ne représentaient aucune menace, qui voulaient continuer de vivre dans un pays qui respecte les droits et libertés de chacun.

Les Européens se rendent compte de la gravité de la situation. Les services secrets américains avaient pourtant prévenu les 27 pays de l’Union européenne que 100000 soldats étaient stationnés à la frontière Biélorusse prêts à envahir l’Ukraine. Personne ne le croyait. Et Poutine avait donné l’assurance qu’il ne s’agissait que d’exercices et qu’il n’était pas question de traverser ses troupes en Ukraine. Autre mensonge du chef du Kremlin et de son président. Face à la détermination des Ukrainiens, Poutine recule ses troupes. Il se concentre alors dans le sud-est du pays, le Donbass, qui regroupe les régions du Donetsk et Lougansk. Les combats se déroulent férocement depuis lors. Les Occidentaux accordent leur appui aux Ukrainiens en leur fournissant des lance-missiles Javelin, de l’aide médicale, du soutien logistique, mais pas d’armements lourds jusqu’à tout dernièrement.

Malgré tout, ce n’est pas assez. Les villes de Sievierodonetsk, Marioupol, Borodyanka, Kherson, Kharkiv et j’en passe sont entièrement détruites. La ville portuaire d’Odessa et les alentours de la centrale nucléaire de Zaporijjia ont aussi été visés. De nombreux missiles sont lancés en direction des quatre coins du pays dont Kiev et Lviv, près de la frontière polonaise.

Le 16 novembre 2022, la planète retient son souffle. Un missile tombe dans le petit village polonais Przewodow à la frontière ukrainienne. La peur d’une troisième guerre mondiale refait surface. Est-ce un missile lancé délibérément en sol polonais ? Si tel avait été le cas, l’OTAN aurait riposté en vertu de l’article 5 de sa Charte. Que dit cet article ? L’article 5 stipule que si un pays de l’OTAN est victime d’une attaque armée, chaque membre de l’Alliance considérera cet acte de violence comme une attaque armée dirigée contre l’ensemble des membres et prendra les mesures qu’il jugera nécessaires pour venir en aide au pays attaqué.

On ne connaîtra jamais les vrais résultats de l’enquête. La Russie nie tout en bloc et l’Ukraine dit avoir abattu un missile russe dans l’ouest du pays. En conclusion, Varsovie croit qu’il s’agit d’un accident plutôt qu’un acte délibéré. Depuis quelques mois, l’aide financière des pays occidentaux s’accentue. Les États-Unis sont au premier rang avec 42 G$, suivi de l’Union européenne, du Royaume-Uni, de l’Allemagne, du Canada et de la Pologne. La France arrive au huitième rang.

Les Ukrainiens ont un urgent besoin de chars lourds. Depuis des mois, Volodymyr Zelensky en réclame pour être en mesure de percer les lignes de front russes. Du côté occidental, on semble bien avoir reçu le message. La France est le premier pays à promettre l’envoi de chars légers AMX-10RC. Le hic est que les chars arriveront en mars et qu’il faut prévoir une période de formation pour les soldats ukrainiens. Du côté américain, Joe Biden a aussi promis en décembre l’envoi de missiles Patriot pour intercepter des missiles de croisière, des missiles balistiques de courte portée et des avions de chasse.

Pour ce qui est de l’Allemagne, la décision entourant l’envoi de chars Leopard 2 en Ukraine sera prise la semaine prochaine. Ce char d’assaut qui pèse une cinquantaine de tonnes est reconnu mondialement pour sa mobilité, sa puissance de feu et sa protection contre des attaques. Encore là, faut-il prendre le temps de former les troupes ukrainiennes à ce nouvel engin pendant que les Russes intensifient leurs attaques. Malheureusement, l’Occident et tout particulièrement les Européens ont mis trop de temps à réagir pour repousser l’agresseur avec les armes essentielles. L’armée régulière de Poutine compte 180 000 hommes. À cela, faut-il ajouter la mobilisation de 300 000 personnes en septembre. Et les services secrets ukrainiens croient que le Kremlin se prépare à mobiliser 500 000 recrues supplémentaires. C’est près d’un million de soldats sur le terrain, alors que l’Ukraine dispose de 250 000 militaires et 900 000 réservistes qui ne sont pas tous sur les lignes de front.

Actuellement, les combats sont sanglants à Soledar, une municipalité de 17 000 habitants reconnue pour sa plus grande mine de sel au monde. La milice privée Wagner affirme avoir le contrôle entier de l’endroit, ce que démentent les Ukrainiens.

Ma conclusion est que l’Ukraine gagnera cette bataille dans le Donbass, mais réussira-t-elle à reprendre le territoire de la Crimée? Je ne sais pas. Ce dont je suis certain est dès que les Ukrainiens auront reçu les missiles Patriot et les chars de combat, ils seront en mesure de repousser l’ennemi à l’intérieur de sa frontière. Ce qui m’inquiète d’autre part, je vois mal Poutine perdre la guerre. Que fera-t-il? C’est toute la question. Joe Biden l’a bien averti. S’il utilise l’arme nucléaire, l’OTAN détruira entièrement sa flotte militaire en un rien de temps. Les prochains mois seront déterminants pour éviter toute escalade.

Bernard Gauthier

Crédits photos : Yahoo finance, Tribune de Genève, NBC, DW, l’Observateur, Reuters, AFP.

Le Pois PenchéMains Libres

Journaliste en radio, télévision et dans plusieurs médias écrits depuis plus de 35 ans, Bernard Gauthier a été rédacteur en chef émérite au Magazine Circuit Industriel (MCI) après avoir occupé les fonctions de rédacteur en chef pendant plus de 10 ans. Chroniqueur touristique à ses heures, il publie un compte-rendu de ses voyages sur le site La Métropole. Bernard Gauthier a parcouru l’Europe, les États-Unis, le Canada, les Caraïbes et quelques pays en Amérique du Sud, au Moyen-Orient, en Afrique du Nord, en Scandinavie, en Russie et en Asie du Sud-Est dont l’Indonésie (Bali), Singapour et le Vietnam. En 2020, il a parcouru les Territoires du Nord-Ouest canadien jusqu'à Tuktoyaktuk, dernier village accessible par la route face à l'Océan Arctique.