Un camion-benne Nemaska circulant sur une route enneigée.

Nemaska, lettre au PM François Legault

Monsieur le Premier ministre,
Je vous écris aujourd’hui à titre de président du Regroupement des actionnaires de Nemaska qui représente 2 800 actionnaires, détenant 140 millions d’actions NMX sur la bourse de Toronto et donc 17 % de l’actionnariat de l’entreprise.

Le conseil des ministres sera bientôt appelé à autoriser un investissement initial de 95 M$ par Investissement Québec dans une compagnie privée détenue à parts égales par The Pallinghurst Group et Investissement Québec, pour le rachat des actifs de Nemaska Lithium inc. (NMX) Si le montant à investir par Pallinghurst est inconnu, il est évident que les sommes discutées sont dérisoires par rapport aux réels besoins financiers de la relance de Nemaska. Le conseil des ministres sera donc appelé à autoriser un investissement incomplet et insuffisant pour la relance de ce projet, dont les besoins et l’échéancier sont pour l’instant inconnus. Rien ne garantit aujourd’hui la capacité financière de The Pallinghurst Group de respecter son engagement de mettre, dans le temps, l’argent requis. Si on veut parler de financement mal ficelé, dans le futur c’est de celui-ci qu’on entendra parler.

Nous vous demandons de faire en sorte que les actionnaires actuels soient parties prenantes de la solution de refinancement et, pour ce faire, nous vous demandons de pousser le conseil des ministres à refuser l’autorisation de cet investissement dans sa forme actuelle, pour plutôt supporter pour le même montant toute proposition de refinancement qui tienne compte des actionnaires actuels. Si le gouvernement du Québec décidait d’injecter directement dans NMX la même somme qu’il propose avec Pallinghurst, il y a fort à parier qu’une portion importante des actionnaires actuels répondraient présents à un appel de capital. Nous sommes également d’avis que la décision que s’apprête à prendre le conseil des ministres du Québec aura un effet dévastateur à long terme pour la crédibilité du Québec si jamais les actionnaires de NMX sont, injustement et sans raison valable, floués. Dans ce contexte, la question que vous devez vous poser est la suivante : comment attirer dans le futur des capitaux étrangers dans nos compagnies québécoises publiques si le gouvernement floue ceux-ci sans retenue et sans motif ? Comment attirer des capitaux de risque au Québec si à la première occasion, alors que le risque de l’investissement est moindre, son propre gouvernement peut sans vergogne flouer les gens mêmes qui ont permis la naissance d’un projet ? Poser la question c’est y répondre. Regroupement des actionnaires de Nemaska Téléphone : 905 367-8419 Adresse de messagerie : [email protected] Site Web : http://www.nmx.zone 2 Historiquement, les règles pour obtenir un investissement de la part du Fonds mines et hydrocarbures (passé plus tard dans Ressources Québec) ont toujours été clairement communiquées : l’apport du gouvernement du Québec devrait être le dernier argent requis pour ficeler un financement, l’objectif étant d’attirer des capitaux étrangers.

À titre d’exemple, depuis 2016, Ressources Québec a investi 90 M$ en équité dans Nemaska Lithium et Investissement Québec a souscrit 50 M$ en obligations garanties, lesquelles ont été entièrement remboursées et ont rapporté 11,5 % d’intérêt. Le 90 M$ d’équité investi par ressources Québec a permis à Nemaska Lithium de lever entre mars 2016 et mai 2018, environ 1,23 milliard $, dont 506 M$ en équité. Le gouvernement du Québec a donc participé à hauteur d’environ 11,4 % du financement global durant cette période et de 17,8 % en tenant compte strictement de l’équité. Ce pourcentage est important, car une des règles imposées par Ressources Québec (pour présenter au conseil des ministres) est que la part du Québec n’excède pas 20 %. Dans le dossier qui vous sera présenté incessamment, on parle de détenir 50 %, minimalement. Rappelons que Ressources Québec est maintenant le principal actionnaire de NMX, depuis son investissement initial de 10 M$ en mars 2016 (lequel lui a rapporté un profit d’environ 9,7 M$ à la suite de l’exercice de bons de souscription en décembre 2017). Lors de l’élaboration du montage financier totalisant plus de 1,11 milliard $ clôturé en mai 2018, Investissement Québec s’est imposé et a dicté les modalités de ce montage, demandant entre autres d’augmenter sa participation à plus de 10 % et imposant pour ce faire, des règles additionnelles de gouvernance, dont la nomination de représentants au conseil d’administration de NMX.

À compter de février 2019, date de l’annonce de besoin de 375 M$ supplémentaires, les représentants d’Investissement Québec ont été impliqués dans l’analyse de solutions au refinancement. Au lieu de jouer son rôle d’actionnaire principal et assurer la pérennité de son investissement dans le cadre de sa restructuration, Investissement Québec a décidé de s’associer avec un soumissionnaire en particulier. Il aurait été beaucoup plus judicieux de confirmer à toute partie intéressée au dossier son ouverture à participer financièrement, à même hauteur, pourvu que les activités de Nemaska Lithium Inc se poursuivent à titre de compagnie publique. Au contraire, Investissement Québec a clairement mentionné avant décembre 2019, qu’il ne pouvait se commettre à aller chercher l’approbation du conseil des ministres sans un financement complet et commis, rebutant ainsi divers investisseurs potentiels qui voulaient savoir quelle était la position du principal actionnaire, de surcroît le gouvernement de la province dans lequel le projet est situé. Le ministre Pierre Fitzgibbon a mentionné à plusieurs reprises que Nemaska n’aurait jamais dû être une compagnie publique, c’est-à-dire à la bourse. Cette affirmation nous semble erronée. En effet, la quasi-totalité des projets miniers développés au Québec l’est par des compagnies inscrites en bourse et dont la grande majorité n’a pas de revenu et requiert des investissements étrangers. C’est grâce au fait que Nemaska était une compagnie publique depuis janvier 2010, qu’elle a réussi à se développer au fil des ans. En effet, une compagnie publique (inscrite à la bourse) peut apporter des modes de financement supplémentaires, sans négliger l’intérêt et la capacité des actionnaires de participer aux financements futurs. Pour preuve, NMX a réussi à intéresser près de 50 investisseurs institutionnels à travers le monde (Japon, Singapour, Hong Kong, Australie, Suède, Finlande, Royaume-Uni, États-Unis et Canada pour mentionner les principaux) et a levé la somme de 119 M$ lors des financements de juillet 2016 et juin 2017. Ceux-ci ont, pour la plupart, aussi participé au financement de 2018 alors que de nouveaux investisseurs se sont aussi ajoutés. L’investissement de Ressources Québec a donc permis d’atteindre un objectif très important, soit d’attirer de l’argent étranger.

Si Investissement Québec/Ressources Québec avait soutenu NMX en février 2019 avec les mêmes sommes qu’il s’apprête à injecter initialement dans le partenariat avec The Pallinghurst Group, NMX aurait complété sa construction et la mine Whabouchi serait en production, la totalité du financement requis étant acquise à ce moment-là et tous les intervenants auraient été respectés. Aujourd’hui, près de 18 mois plus tard et des dizaines de millions de dollars gaspillés en honoraires juridiques et autres, on ne peut permettre l’abandon des actionnaires, dont plus de 25 000 familles québécoises qui ont, par leurs épargnes, permis le développement de ce projet unique. Monsieur le Premier ministre, je vous en conjure, pour le bien du Québec et de ses citoyens, ne supportez pas la demande d’autorisation au conseil des ministres dans sa forme actuelle. Le gouvernement du Québec ne doit pas se jeter les yeux fermés dans un projet mal ficelé, insuffisamment financé, sans échéancier précis et avec un partenaire dont la capacité financière demeure à être démontrée. Il y a d’autres façons d’assurer le financement de ce projet unique. Si le gouvernement décide néanmoins de supporter une offre de rachat qui laisse les actionnaires de NMX en plan, ce sera perçu comme un abandon des 25 000 familles québécoises qui ont contribué de leurs épargnes au cours des dix dernières années.

Dans l’espoir d’obtenir un retour de votre part, je vous prie de croire, monsieur le Premier ministre, à l’expression de mes sentiments les plus distingués.

Alain Clavet, président du conseil d’administration Regroupement des actionnaires de Nemaska (RAN)

[email protected]. (905) 367-8419     Site Web :  http://www.nmx.zone

JGAMains Libres

Carrière à Patrimoine canadien, au Commissariat aux langues officielles et aux Archives et Bibliothèque Canada. Conférencier à l'UNESCO-Paris, à l'Internet Society à Washington, à l'Université de la Sorbonne à Paris et à l'Internet Society au Japon. Maîtrise de l'École nationale d'administration publique et M.A en histoire canadienne de l'Université de Sherbrooke.