Un homme en veste jaune debout devant un quai, entouré des Homards de la Gaspésie.

Entrevue avec Jean Côté, le père scientifique de 1,300,000 homards

Je me suis entretenue avec Jean Côté, biologiste et directeur scientifique du Regroupement des pêcheurs professionnels du Sud de la Gaspésie, papa de 1,3 million de bébés homards déjà mis à l’eau pour assurer un certain remplacement de la ressource pêchée
RH – Bonjour Jean Côté, comment se porte le homard gaspésien en 2022?

JEAN CÔTÉ. – La ressource se porte toujours très bien, l’année 2021 ayant été une année de capture record pour les homardiers de la Gaspésie. L’évaluation des stocks effectuée à l’automne, après la pêche, montrait d’ailleurs qu’il y avait encore beaucoup de homards de toutes tailles sur les fonds marins.

RH – L’année dernière, vous constatiez que le changement climatique avait bénéficié au homard gaspésien. De grandes colonies de homard remontaient du sud à la recherche d’un peu de fraîcheur dans les eaux gaspésiennes. Est-ce qu’on peut encore parler d’abondance en 2022?

JEAN CÔTÉ. – Les changements climatiques et le réchauffement de l’eau qui en découle sont encore bénéfiques pour le homard dans la partie nordique de sa zone de distribution comme le Québec. C’est pourquoi le homard est de plus en plus abondant en Gaspésie, mais aussi sur la rive nord de la péninsule gaspésienne, Anticosti et la Côte-Nord du Québec. Les captures de la première semaine de pêche 2022 ont cependant été généralement moindres que ces trois dernières années, possiblement à cause de la mauvaise météo et d’une eau très froide, et non pas parce qu’il y aurait moins de homards.

Bien que le homard adulte puisse migrer sur d’assez longues distances, il faut cependant comprendre que ce ne sont pas des « colonies de homards adultes » qui migrent du sud au nord en marchant sur le fond. Ce sont plutôt les larves de homard dont la survie est favorisée par les conditions environnementales plus clémentes qui dérivent au gré des courants jusque dans nos eaux où elles se déposent sur nos fonds marins et grandissent. Leur survie est d’autant plus favorisée qu’on observe aussi une diminution des stocks de poissons qui sont leurs grands prédateurs.

RH – Est-ce que le prix du homard sera raisonnable cette année, à la différence de ce qu’on a connu avec le crabe des neiges?

JEAN CÔTÉ. –  Contrairement au crabe des neiges, 75 % du homard de la Gaspésie est vendu au Canada, presque essentiellement au Québec et en grande partie dans le produit frais. Le prix n’est donc pas aussi influencé par la demande extérieure et les exportations.

Maintenant que la saison de pêche au homard 2022 a commencé et que l’offre d’un homard frais pêché en Gaspésie ne va aller qu’en grandissant, le prix au consommateur sera tout à fait abordable. Ça ne veut pas dire qu’il n’y aura pas une augmentation du prix, puisque la pêche comme tous les autres secteurs économiques est frappée par l’inflation et que les pêcheurs subissent des augmentations du prix de l’appât, du carburant, de la main-d’œuvre. Cela étant dit, à la lecture des circulaires de la fête des Mères, force est de constater que le consommateur ne verra pratiquement aucune augmentation en 2022, du moins pas en ce début de saison.

RH– De quand à quand est prévue la saison de la pêche au homard gaspésien cette année?

JEAN CÔTÉ. –  La saison de pêche, 2022 devait débuter le samedi 23 avril, mais la date d’ouverture a été reportée au mardi 26 avril à cause de conditions météorologiques défavorables, surtout de grands vents. Bien que les pêcheurs soient toujours impatients de prendre la mer pour une nouvelle saison de pêche, c’est la sécurité qui prime en cette première journée où ils font beaucoup d’allers-retours avec leurs bateaux chargés de casiers. Elle va se continuer 68 jours consécutifs et se terminer le samedi 2 juillet

RH– En Gaspésie les pêcheurs de homard se sont décidément alignés vers une pêche écologique et durable. Racontez-nous comment cela se passe.

JEAN CÔTÉ. – Ça fait déjà plusieurs années que les pêcheurs de homard de la Gaspésie se sont alignés vers une pêche écologique et durable. Au fil des années 1990 et 2000, ils ont volontairement adopté de nombreuses mesures de protections, comme l’augmentation de la taille minimale de capture et l’imposition d’une taille maximale de capture, une diminution du nombre de casiers par permis et une durée de la saison de pêche plus courte. Les pêcheurs ont en plus rationalisé la flotte par le rachat de 49 permis qui ont été éliminés. Toutes ces mesures ont permis de réduire l’effort de pêche de plus de 30 %.

Pour garantir au consommateur que son activité de pêche était durable, la pêcherie au homard en Gaspésie a aussi obtenu l’écocertification MSC en 2015, certification reconnue mondialement qui a été renouvelée en 2021. Enfin le RPPSG a aussi entrepris différents projets de support de la ressource, comme celui d’aménager les fonds marins avec des récifs artificiels pour offrir des refuges aux homards là où il y en avait peu ou pas, ou encore en démarrant une écloserie de homards dont l’objectif est de produire en laboratoire des petits homards qui sont ensuite ensemencés sur les fonds marins gaspésiens

RH – Combien de petits homards votre écloserie prévoit produire en 2022?

JEAN CÔTÉ. – Les pêcheurs veulent compenser 3 à 5 % de leurs captures annuelles de homard. Comme on estime que la quantité de homards capturés en Gaspésie est aujourd’hui d’environ 5,6 millions de homards, on vise donc produire et ensemencer environ 230 000 à 250 000 petits homards par année.

RH – Une des fiertés des pêcheurs gaspésiens est que leurs homards exhibent à leur patte un médaillon de traçabilité.

JEAN CÔTÉ. – Oui, les pêcheurs gaspésiens sont très fiers d’avoir été visionnaires et mettant sur pied cette initiative il y a déjà 12 ans! Depuis tout ce temps, ils répondent à l’importante préoccupation des consommateurs qui veulent acheter des produits de pêche durable. La traçabilité est possible grâce à un médaillon rond posé par le pêcheur lui-même à bord du bateau à l’une des pinces des homards qu’il capture. Le consommateur qui achète un homard pêché en Gaspésie peut alors retracer l’origine de son homard en entrant un code unique à chaque pêcheur sur le site www.monhomard.ca. Il peut y voir une vidéo du pêcheur qui a capturé son homard et savoir exactement dans quelle région il a été pêché. Les homardiers de la Gaspésie sont les seuls à offrir cette traçabilité de leurs captures, du bateau jusqu’à l’assiette du consommateur, avec près de 5,7 millions de médaillons en circulation pour la saison 2022.

RH – Est-ce qu’il y a de nouvelles technologies qui ont été adoptées cette année pour la reproduction et la pêche du homard gaspésien?

JEAN CÔTÉ. – Il y a toujours place à l’amélioration, mais en gros la technologie pour reproduire le homard en écloserie est maintenant bien maîtrisée.

La pêche au homard en Gaspésie est une pêche côtière, en eau peu profonde, où aucun incident de mortalité ou d’enchevêtrement d’une baleine noire de l’Atlantique Nord n’a été signalé au cours de la dernière décennie. Les pêcheurs de homard de la Gaspésie font de grands efforts pour cohabiter avec les baleines. Le RPPSG se penche depuis trois ans sur la mise au point de modifications à leurs engins de pêche qui réduira encore le risque d’enchevêtrement d’une baleine noire de l’Atlantique Nord ou de tout autre grand cétacé, et permettra à une baleine de se libérer facilement le cas échéantRH.

RH – Quelles sont les meilleures façons pour faire cuire le homard?

JEAN CÔTÉ. –  Personnellement, je préfère encore la cuisson conventionnelle du homard, c’est-à-dire bouilli dans de l’eau de mer, ou avec beaucoup de sel quand on n’a pas accès à la mer. Un homard doit cuire environ 15 à 18 minutes par livre dans de l’eau salée (30 g sel / 1 litre d’eau). Le refroidissement après la cuisson est cependant l’autre facteur de réussite très important, le homard doit être immédiatement immergé dans de l’eau glacée et salée durant cinq minutes, sinon il continue à cuire et devient plus caoutchouteux et sec que tendre et goûteux. Trop souvent oubliée, cette étape du refroidissement est essentielle pour bien réussir la cuisson de son homard.

RH – Vous avez sans doute essayé de nombreuses façons d’apprêter le homard, quelles sont vos recettes préférées?

JEAN CÔTÉ. – Je ne suis pas un grand chef diplômé d’une école de cuisine, mais pour moi la façon la plus simple reste encore la meilleure ! Donc un homard bouilli, servi avec du beurre non pas à l’ail, comme c’était l’habitude autrefois, mais plutôt un beurre aromatisé aux herbes, avec du jus de citron, ou pourquoi pas, légèrement pimenté et sucré!

Je vous recommande fortement d’aller consulter le site web des Producteurs de lait du Québec, LE partenaire de notre initiative de traçabilité depuis déjà dix ans avec son slogan « J’aime le beurre » imprimé au verso du médaillon. Que vous préfériez des recettes simples ou plus sophistiquées, vous trouverez sur leur site internet www.recettesdici.com plusieurs façons de rehausser le goût du homard avec du beurre fondu assaisonné, mais également de nombreuses recettes qui vous permettront de le cuisiner autrement.

RH – Merci de m’avoir accordé cette entrevue très savoureuse, Jean Côté. Je rappelle à nos lecteurs que le homard de la Gaspésie est déjà disponible dans les poissonneries et les épiceries du Québec et que la saison se prolongera jusqu’à la mi-septembre, où avant si le consommateur québécois en achète beaucoup !

Roger Huet

Chroniqueur vins et spiritueux

Président du Club des Joyeux

www.lametropole.com/category/gastronomie/vins

Las OlasPoésie Trois-Rivière

Ce Québécois d’origine sud-américaine, apporte au monde du vin, sa grande curiosité, et son esprit de fête. Ancien avocat, diplômé en sciences politiques et en sociologie, amoureux d’histoire, auteur de nombreux ouvrages, diplomate, éditeur. Dans ses chroniques Roger Huet parle du vin comme un ami, comme un poète, et vous fait vivre l’esprit de fête.