Le prince Kourakine et le service à table «à la russe»

Une peinture représentant un groupe de personnes assises autour d’une table. Une peinture représentant un groupe de personnes assises autour d’une table.

Jour 3 d’isolement.

Je connais un texte très coloré sur un Russe qui a changé les habitudes à table des Français et probablement d’une grande partie des habitants du globe.

«Au temps de Napoléon, l’ambassadeur du Tzar de Russie à Paris, était le prince Alexandre-Borisovitch Kourakine, petit-fils de Boris-Ivanovitch Kourakine qui fut un siècle plus tôt le chef de la diplomatie tzariste. Il va modifier lordonnance des repas et on appellera cela le «service à la russe»

L’affaire se passe en 1810. Jusque-là, on avait l’habitude en France, de tout apporter en même temps sur la table : entrées, volailles, rôts et légumes. Chacun se servait à sa faim et selon sa fantaisie, dans la mesure où il pouvait atteindre les plats sans quitter sa place.

Le prince Kourakine décida que chez lui, tout au moins dans sa gentilhommière de Clichy, il en serait désormais autrement. Seuls figureraient en permanence pendant les repas: les fleurs et les desserts. Quant aux plats, un ou plusieurs serviteurs les présenteraient à chaque convive, puis les remporteront à l’office.

C’était légalité à table parce que tous les invités étaient traités sur le même pied! Cette révolution dans le service défraya la chronique. On appela cela manger à la russe.

Le service «à la russe» permettait aux convives de manger chaud. En moins de deux ans tout Paris fut conquis, en cinq ans, toute la France. Jamais dans l’histoire de la cuisine française, une nouvelle mode ne se sera propagée aussi vite.

Après cinq ans d’ambassade, le prince Kourakine quitta Paris en 1812, à la veille de la campagne de Russie qui va coûter à la France,cinquante cuisiniers, qui y perdirent la vie.

Le prince revint à Paris deux ans plus tard, après l’abdication de Napoléon. Il accompagnait le Tzar venu sabler le champagne avec ses alliés. Il était un des convives du fameux dîner donné le 31 mars par Talleyrand dans son hôtel de la rue Saint-Florentin.

Au cours de ce banquet fut préparée la montée sur le trône du comte de Provence. Au dessert, celui-ci qui n’y assistait pas, n’en fut pas moins couronné comme Louis XVIII.

C’est Antonin Carême qui géra ce repas mémorable. Il n’était encore que le Cuisinier des Grands de Paris. Talleyrand continua à s’occuper de sa carrière et fit de lui le cuisinier des Rois et le Roi des Cuisiniers.»

Ce charmant récit de Christian Guy, auteur d’«Une histoire de la cuisine française» nous démontre combien la gastronomie française s’est enrichie de l’apport des étrangers.

Roger Huet

Chroniqueur

Président du Club des Joyeux

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Poésie Trois-RivièreLe Pois Penché

Ce Québécois d’origine sud-américaine, apporte au monde du vin, sa grande curiosité, et son esprit de fête. Ancien avocat, diplômé en sciences politiques et en sociologie, amoureux d’histoire, auteur de nombreux ouvrages, diplomate, éditeur. Dans ses chroniques Roger Huet parle du vin comme un ami, comme un poète, et vous fait vivre l’esprit de fête.