Femme égyptienne au maquillage égyptien sur le visage, s'exprimant à travers RÉCITS GOURMANDS.

RÉCITS GOURMANDS POUR LA QUARANTAINE DE 2020

Dans ces temps troublés et maussades, j’ai envie de vous rappeler Boccace qui, à l’occasion de la peste qui sévissait à Florence en 1348, s’était réuni avec 3 jeunes hommes et 7 jeunes femmes. Ils prirent la décision de s’isoler dans une villa lointaine pendant 14 jours, pour échapper à la peste.

Pour pallier l’ennui, ils se racontaient des histoires, tous les jours sauf les vendredis et les samedis. Chaque jour, un modérateur ou une modératrice décidait du thème de la journée. Ils ont assemblé ainsi 100 nouvelles que l’on connait comme le Décaméron et qui connaitront un grand succès littéraire, qui se prolonge jusqu’à aujourd’hui.

Pour vous désennuyer pendant notre isolement de quinze jours, je vous propose un récit quotidien que je pigerai dans la littérature gourmande, de l’antiquité jusqu’à aujourd’hui, à la manière du Décaméron. Le pari de Cléopâtre d’après Pline l’ancien.

Pline l’ancien est né à Rome en 23 et mort en 79 après Jésus Christ. Dans son Histoire naturelle, il raconte le banquet le plus célèbre de l’Antiquité. La divine Cléopâtre, dernière reine d’Égypte, pour gagner un pari, avala, d’un seul trait, l’équivalent de dix millions de sesterces, un bon million de dollars d’aujourd’hui. Au temps où Antoine se gavait quotidiennement de mets choisis, Cléopâtre, avec le dédain à la fois hautain et provocant d’une courtisane couronnée, montrait son mépris pour la somptuosité de ces apprêts.  Il lui demanda ce qui pouvait être ajouté à la magnificence de sa table. Elle répondit qu’en un seul dîner elle pouvait engloutir dix millions de sesterces.

Antoine était désireux d’apprendre comment, sans croire la chose possible. Ils firent donc un pari. Le lendemain, jour de la décision, elle fit servir à Antoine un dîner somptueux, car il ne fallait pas que ce jour fût perdu. Au dessert, Antoine se montra incrédule sur le prix de ce banquet et demanda à vérifier le compte des dépenses.

—  Ce n’était, assura Cléopâtre, qu’un à-côté. Le dîner coûterait le prix fixé, et elle seule mangerait les dix millions de sesterces. Elle ordonna d’apporter le second service. Suivant ses instructions, les serviteurs ne placèrent devant elle qu’un vase, rempli d’un vinaigre dont la violente acidité dissout les perles. Elle portait à ses oreilles deux perles d’une taille extraordinaire, un chef-d’œuvre de la nature.

Alors qu’Antoine se demandait ce qu’elle allait faire, elle détacha l’une des perles, la plongea dans le liquide, et, lorsqu’elle fut dissoute, l’avala. Elle se disposait à engloutir l’autre de la même façon, mais Plancus, arbitre de ce pari, mit le holà et prononça qu’Antoine était vaincu. Ce présage s’est accompli plus tard, lorsqu’Antoine fut battu par Auguste dans la bataille navale d’Alexandrie. La célébrité ne fit pas défaut à la perle jumelle ; après la capture de cette reine, elle fut sciée, pour que chaque moitié devînt un pendant d’oreille pour la Vénus du Panthéon, à Rome. Marc Antoine s’était montré bien téméraire en pariant contre Cléopâtre ; l’histoire nous prouve qu’il est toujours risqué de parier contre une femme.

Roger Huet, chroniqueur

Président du Club des Joyeux

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