Un tableau représentant une scène hivernale avec une serre et une calèche empreinte de Gastronomie.

Un Noël d’autrefois au Canada

Jour 12 d’isolement.

Je vous présente un texte plein de fraîcheur sur la fête de Noël telle qu’on la célébrait à la campagne il y a bien longtemps. L’auteur est Bertha Dishaw King de l’Alberta. Elle me l’avait envoyée à l’époque où j’étais éditeur de livres. Ce texte m’avait tellement plu que j’en avais fait un livre miniature, aujourd’hui totalement introuvable.  

« Comment était-ce la fête de Noël autrefois, grand-maman?

– Si je regarde en arrière, c’était le bon vieux temps!

La préparation de Noël dans le comté de Conquest en Alberta, n’était pas aussi sophistiquée qu’elle est aujourd’hui.  Le grand événement était le Concert de Noël de l’école du village, dans lequel tous les enfants participaient. De longues heures de pratique se terminaient par un merveilleux spectacle et des parents fiers!

Le clou de la soirée était l’arrivée du Père Noël. Quelqu’un se postait à l’extérieur pour guetter son arrivée et nous prévenir. Le Père Noël pénétrait dans la salle avec beaucoup de HO! HO! HO! En remuant son petit ventre. Il bavardait quelques minutes et appelait chaque enfant par son nom pour lui remettre un jouet. Notre unique salle de classe était bien trop petite pour contenir tout ce monde. Certains venaient de très loin avec leurs traineaux tirés par des chevaux et par un froid hivernal et parfois dans la tempête de neige!

Nous habitions à deux milles de Roworth et nous aussi nous avions de beaux chevaux pour nous y conduire. Chaque cheval portait une poignée de grelots et lorsqu’ils trottaient nous pouvions chanter au son de leur musique. Cela sonnait si beau dans la nuit glacée.

Lorsque j’avais six ans, la veillée de Noël était très mystérieuse. Maman nous lisait l’histoire de la crèche. Lorsque nous regardions par la fenêtre, dans la nuit claire et froide l’étoile d’Orient brillait si fort que nous imaginions les chameaux qui transportaient les Rois mages.

Quelquefois les fenêtres étaient recouvertes d’une épaisse couche de glace. Nous appliquions sur la glace un fer-a-repasser chaud pour la faire fondre. Nous n’avons jamais cassé de vitre, mais nous gagnions un morceau de vue précieuse.

Notre vieille maison était assez petite pour notre famille et nous n’avions pas d’électricité. Nous nous chauffions au charbon et au bois et nous nous éclairions avec des lampes à pétrole. Le grand poêle qui se trouvait au salon avait seize fenêtres carrés de mica, derrière lesquelles brûlaient et mourraient les charbons rouges.  Au petit matin la maison était froide jusqu’à ce qu’on remplace les charbons.

À Noël nous accrochions nos longs bas noirs aux bras du fauteuil. Lorsque nous partions nous coucher, papa et maman décoraient la façade avec des guirlandes et des cloches en papier rouge et vert, qu’on déployait et que plus tard on serrait jusqu’à l’année suivante.

Le matin de Noël nous étions debout de bonne heure pour voir ce que le Père Noël nous avait apporté. Nos bas étaient remplis d’orangettes confites, de pommes, de noix, de sucre à la crème et des bonbons avec des images en couleurs. Il y avait aussi un petit cadeau. Une année j’ai reçu un joli collier avec un petit cœur. Mais la grande année fut celle où mon cadeau c’était une poupée de 16 pouces avec des vrais cheveux et des yeux qui s’ouvraient et se fermaient !

Le matin de Noël nous apportions toujours un panier d’orages à Monsieur et Madame Badger qui habitaient à un demi-mille, sur la route de l’Est. Dans l’après-midi la famille de Bob Sibbald venaient nous rendre visite. C’était des amis proches et des voisins depuis les premiers temps. Nous échangions nos vœux et nous nous assoyons pour un souper de Noël presque entièrement produit à la ferme : crème glacée maison, gâteau foncé aux fruits, des tartes garnies de viandes et de fruits dont la garniture était préparée des semaines à l’avance!

Les Sibbalds étaient dix et nous les Dishaws nous étions onze. Lorsque le temps le permettait nous nous amusions dehors, autrement  nous restions à l’intérieur et nous chantions ensemble et jouions aux chaises musicales. Papa et monsieur Sibbald étaient supposément nos chevaux.  Nous, les plus petits nous montions sur leurs épaules et c’était de notre responsabilité de choisir une place molle, lorsqu’ils voulaient se débarrasser de nous.

Toute cette nourriture, tout ce bruit et personne ne se plaignit d’ulcères. Notre sœur Grâce confectionnait un sirop et lorsqu’il était versé sur la neige il nous faisait une excellente tire.  Les sapins de Noël sont apparus au milieu des années vingt.

En 1917 nous avons déménagé dans une belle maison neuve où nous avions un générateur Delco qui nous permettait de mettre des lumières à notre sapin. Parfois le générateur s’arrêtait et nous restions dans le noir.

Plus tard certains de mes frères et sœurs se sont mariés et sont partis. D’autres se sont éloignés pour travailler mais c’était si bon d’être réunis tous ensemble à la Noël.

Je me dis souvent que j’aimerais m’asseoir encore une fois autour de la table avec toute la famille pour fêter la Noël à l’ancienne, car c’étaient les bons vieux jours!»

Roger Huet

Chroniqueur

Président du Club des Joyeux

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Las OlasPoésie Trois-Rivière

Ce Québécois d’origine sud-américaine, apporte au monde du vin, sa grande curiosité, et son esprit de fête. Ancien avocat, diplômé en sciences politiques et en sociologie, amoureux d’histoire, auteur de nombreux ouvrages, diplomate, éditeur. Dans ses chroniques Roger Huet parle du vin comme un ami, comme un poète, et vous fait vivre l’esprit de fête.