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L’art d’être un Français à Montréal

Florian Vidal, collaboration spéciale, LaMetropole.Com.

Mon départ approche et mon excitation surpassait toutes les contraintes climatiques, les doutes et inquiétudes de mes proches concernant mon choix de destination : le Canada. De ce pays, je n’avais en tête que les images des livres et tout ce que pouvait me montrer Google : des paysages, des lacs, les chiens de traîneaux, le sirop d’érable, la neige, l’été indien, des buildings et le grand froid.

D’ailleurs, j’ai entendu parler d’hiver très rude. C’est ma plus grande crainte étant frileux. Quand le monde extérieur devient un congélateur. Tellement froid que les particules d’air gèlent le nez de l’intérieur. Je suis déjà chauve, alors si mon anatomie vient à se raccourcir encore davantage qu’en sortant de la piscine, je redeviendrai un nouveau-né. Mais le pays est grand et la météo diffère selon les régions, heureusement pour ma virilité. Je m’informe depuis quelque temps déjà sur le pays et ne voulant pas tout découvrir virtuellement, je stoppe toutes recherches. Je préfère me laisser surprendre par ce qui pourra me surprendre naturellement. Par précaution, je laisse passer l’hiver et le 9 avril, je prends ma valise et quelques pulls en direction de la feuille d’érable.

J’avais le choix entre Vancouver, Toronto et Montréal. Pour la première, mes recherches m’avaient conduit à penser qu’il fallait de bonnes ressources financières pour y vivre. Choses que je n’avais pas. Je suis un jeune actif finissant tout juste sa scolarité et remboursant un crédit étudiant. Pour la seconde, Toronto me paraissait être une ville un peu trop américaine par ses buildings et mon anglais n’est pas encore suffisamment bon. J’opte donc pour Montréal. Une ville québécoise, mixte parfait entre anglais et français. Je sors déjà de ma zone de confort en quittant Paris, alors si je peux au moins me faire comprendre, ça sera un bon point de départ. J’ai également quelques connaissances sur place, ce qui facilitera mon acclimatation.

M’y voilà. Après quelques jours en ville, je suis étonné de l’architecture Montréalaise. J’observe qu’elle est très disparate et ne semble pas suivre un plan d’urbanisation ou de code esthétique défini. Des maisons de quartier de briques grises ou rouges ou rappelant la façade de châteaux médiévaux, voisins de grands buildings modernes et vitreux, notamment en centre-ville et au Vieux-Port. Cette diversité architecturale me surprend de plus en plus. Cette urbanisation change vraiment du style parisien haussmannien avec des façades plus similaires et créant un ensemble plus assorti. Cependant, je me découvre une fascination pour les escaliers, leurs compositions, leurs formes et leurs couleurs. Il y a toujours quelque chose de nouveaux à découvrir à chaque coin de rue. Je me demande tout de même comment font les habitants vivant sous le rez-de-chaussée, lorsque la neige bloque leurs paliers en plein hiver. Réponse lors des premières neiges.

Dans la rue, je constate que les habitants arborent des looks très particuliers : chaussettes associées aux slippers, cheveux multicolores, les piercings et tatouages ornent tout ou partie de la peau. Chose à laquelle je ne m’attendais pas, moi, arrivant de Paris, où le rôle de l’apparence prédomine pour renvoyer une bonne image de soi. Mais au fil du temps, mon appréciation change : ce que j’estimais être un manque de goût, je le reconsidère comme une absence totale de jugement d’autrui. Bien que moins esthétique selon moi, ça laisse libre court à un sens plus confortable et plus personnel dans le choix de sa tenue. En somme, une certaine liberté d’expression et de l’apparence vestimentaire où le code de l’image est nettement moins important. Je vois ça comme une évolution, dans le sens où la priorité n’est pas mise sur le « ce que tu renvoies », ce qui nécessite de s’intéresser davantage à« qui tu es intérieurement ». Montréalais 1 – 0 Parisiens. Ce « sans-souci d’autrui » permet de laisser place à un monde artistique très large qui s’exprime sur les murs des bâtiments. Je vois sans cesse de nouvelle fresques, affiches qui donnent un caractère et une identité plus distincts à chaque quartier. Quand le terme péjoratif de « tags » devient un dessin murale respectueux de la bâtisse.

Le climat est lui aussi très changeant. La température peut varier de 10 degrés d’un jour à l’autre, passant de neige au soleil de la veille au lendemain. Je ne pense pas que ce soit un comportement météorologique habituel, mais plutôt la cause du réchauffement climatique avec des records de température même caniculaire. La chaleur, ce n’est pourtant pas ce qu’on pense en venant au Canada. Au moins, ça contraste avec les hivers très longs et fait taire les bougonneries québécoises pour laisser apparaitre sourire plus estival. Je suis ravi de voir que l’été annonce l’éclosion de Montréal qui sort de sa traditionnelle hibernation. La ville prend enfin vie aux travers de ses nombreux festivals, ses écureuils dans les parcs et ses terrasses temporaires avec pignon sur rue. J’ai même entendu dire que Montréal était la ville des festivals : le grand Prix, les tams-tams, piknic electronik, festival du rire, du jazz, Francofolies, Coupe Rogers et autres évènements faisant battre le cœur du quotidien montréalais.

Je remarque également une prise de conscience plus importante sur le thème du « mieux consommer et mieux vivre ensemble », à laquelle je ne suis pas habituée. La communauté de végétariens et végans compte de plus en plus d’adeptes prônant une meilleure alimentation au profit de la sauvegarde animale. Cette tendance va de pair avec une politique de la ville plus verte et plus propre développant le recyclage des déchets. Chaque habitant semble soucieux de faire un geste pour la planète dans son quotidien. Même dans les chaînes de restauration, certaines proposent des pailles et sacs en cartonnés et non plus en plastiques. Alors que nous, français, nous commençons à peine à avoir des poubelles « vertes ». Je ressens également une éducation plus aboutie ici. Bien que je cherche souvent une poubelle de rue, cela n’empêche pas de voir une ville assez propre et respectant les règles de bonne conduite. Ne voulant pas faire mauvaise impression, je garderai donc ma peau de banane dans ma poche, je ne traverserai plus au feu rouge et n’urinerai plus contre un mur en sortie de bar et. La preuve d’une population plus soucieuse de sa qualité de vie et son environnement : l’esprit communautaire canadien est plus avancé que l’esprit individualiste parisien. Montréal 2 – 0 Paris.

Petit bémol, mes rapports aux Québécois sont plus compliqués que prévus. Mis à part l’accent tranché à couper du bois et une prononciation qui, selon moi, se rapproche de celle des Ch’tis (région du Nord de la France). En plus des expressions locales, mon cerveau n’est pas tout-à-fait configuré pour suivre une conversation quand l’interlocuteur « switch » du français à l’anglais si aisément en cours de phrase. Je vais devoir travailler sur ma gymnastique neuronale. Je ressens des interactions différentes aussi. Bien que la première approche semble assez naturelle et sans retenue, il en est tout autre pour entretenir des relations plus durables. Il semble plus compliqué d’entrer dans une sphère plus intime passant du statut de « connaissance » à « copain-copine ». De même, est-ce que cette fille est simplement gentille et s’intéresse à moi naturellement ou a-t-elle une idée derrière la tête ? SI je rentre seul, j’aurai sûrement ma réponse. De plus, l’ironie, le second degré, n’est pas quelque chose qui semble évident. Et je ne me vois pas expliquer une blague pour faire sourire une fille. Caen serait presque humiliant. Je perçois que les locaux ont le même comportement que leur climat. Chaleureux et souriant d’un premier abord avec des premiers échanges joyeux et festifs comme l’été. Mais beaucoup plus distant et compliqué pour développer des relations durables et longues, comme l’est l’hiver. À l’inverse du Parisien où la glace est difficile à briser mais la franche camaraderie prend vite le pas une fois les premiers échanges établis.

Mon voyage ne sera pas une simple visite de quelques jours, mais plutôt de quelques mois, ou même de quelques années. Mon visa PVT m’autorise deux ans sur le territoire canadien. Deux années à pouvoir voyager ou travailler selon mes désirs, et mes besoins. Ce n’est que les prémices de mon arrivée à Montréal depuis trois mois. Il me reste encore beaucoup de choses à découvrir. Sûrement que d’autres villes et d’autres régions me réservent un accueil bien diffèrent. Je reste toujours à la découverte de l’inconnu et accessoirement aussi de l’inconnue.

L’art d’être un Français à Montréal

JGAPoésie Trois-Rivière