Au pays de la toundra

Le soleil se couche sur un champ de toundra couvert de neige. Le soleil se couche sur un champ de toundra couvert de neige.

S’il y a un endroit où je ne pensais jamais mettre les pieds, c’est bien dans la toundra des Territoires du Nord-Ouest (TNO), plus précisément au nord de Yellowknife et en direction de l’océan Arctique.

Sauvages, hostiles, territoires vierges, les TNO s’étendent sur une superficie approchant les 1 400 000 km2. Selon le plus récent recensement de Statistique Canada, la population est de 45 000 habitants répartie à l’intérieur d’une trentaine de communautés. La moitié des habitants demeure à Yellowknife, au sud.

crédit: Bernard Gauthier

Dans cette région du nord des TNO, le climat est polaire. Et en hiver, comme au mois de mars où j’y suis allé avec un groupe de journalistes,  les températures sont extrêmement froides, rigoureuses. Il n’est pas rare, voire au quotidien, d’atteindre les -40c.

Jour 3

L’aventure démarre à l’aéroport de Yellowknife pour un vol vers Inuvik. Cela représente 1 100 kilomètres. En voiture, c’est 3 000 kilomètres par la route la plus rapide en passant par le Yukon. D’Inuvik, nous prenons la route en direction d’Aklavik en empruntant l’autoroute glacée du delta de Mackenzie. Il s’agit d’une route large d’environ huit voies dans les deux sens, mais nous croisons rarement des véhicules.

crédit: Bernard Gauthier

crédit: Bernard Gauthier

Après quelques heures, nous arrivons dans ce petit village d’environ 400 habitants. La motoneige sert de véhicule de déplacement pour tous, incluant de jeunes enfants d’une dizaine d’années tout au plus. Autrefois poste de traite pour la Baie d’Hudson, Aklavik est aux premières loges du réchauffement climatique. Le dégel du pergélisol s’accélère chaque année au point où plusieurs habitants doivent déplacer leur habitation.

Danny Gordon, originaire de l’Alaska, et sa conjointe Annie, native du village, ont des voisins qui devront passer à l’action dès que les conditions climatiques le permettront. C’est un drame ici que vivent plusieurs autochtones. Jamais ont-ils cru que le pergélisol allait être fragilisé un jour.

crédit: Bernard Gauthier

Nous accueillant dans son salon avec une bonne tasse de thé, Annie Gordon raconte que la confection de produits autochtones artisanaux est l’un de ses passe-temps favoris. Les mocassins en sont un exemple et leur prix de détail est d’environ 600 $. Il lui a fallu une semaine de travail pour les confectionner. J’ai personnellement acheté un os de caribou sur lequel Annie a inscrit son prénom et le nom de son village. Coût : 5 $ C’est un souvenir que je conserve précieusement parce qu’il me rappelle un moment unique de partage avec cette famille autochtone.

crédit: Bernard Gauthier

Après quelques heures de discussions animées, nous reprenons la route pour vivre l’expérience d’une nuitée dans un igloo le long du delta Mackenzie. On aperçoit le soleil qui commence à se coucher à l’horizon. Sur le delta gelé, ni pancarte, ni limite de vitesse, ce n’est qu’un désert blanc à perte de vue. Et soudainement, notre guide s’arrête au milieu de nulle part en nous indiquant que c’est ici que nous passerons notre nuit dans un igloo (ou un tipi).

Il ne faut pas perdre de vue qu’il fait extrêmement froid à l’extérieur et que les conditions ne sont pas celles de l’Hôtel de Glace de Québec. C’est du tourisme extrême qui ne s’adresse pas nécessairement à tout le monde. Il fallait être prêt à accepter des conditions sanitaires autres que celles retrouvées dans un hôtel.

Sauf exception, les igloos sont aménagés pour accueillir une personne. Il n’y a qu’un sac de couchage chauffé à l’intérieur. Les valises et autres effets personnels doivent être rangés ailleurs ou à l’extérieur. L’espace intérieur est très étroit. Impossible de se tenir debout. L’aménagement de l’igloo ne le permet pas. C’est une génératrice qui assure le bon fonctionnement de l’électricité. À -40c et -45c, les touristes ne peuvent pas se permettre de manquer de courant. Si vous souffrez de claustrophobie, ce n’est peut-être pas une bonne idée de vivre cette expérience.

crédit: Bernard Gauthier

crédit: Bernard Gauthier

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L’igloo en soi est composé de blocs de neige durcis et non de glace. Pour les touristes en quête d’aventure extrême dans un environnement hostile, je vous le recommande, car l’expérience est unique en soi, mais je ne le suggère pas aux autres touristes.

Jour 4

Peu de temps après le lever du soleil, nous empruntons le delta glacé du Mackenzie depuis Inuvik, puis une route sinueuse en direction de Tuktoyaktuk. Long de 130 kilomètres, ce chemin récemment aménagé nous conduit directement au bord de l’océan Arctique. Nous sommes au cœur de la toundra. Pas ou très peu de végétation. Des plaines recouvertes de neige à perte de vue. Un désert vêtu d’un manteau blanc lisse. Un froid mordant qui ne laisse personne longtemps à l’extérieur.

crédit: Bernard Gauthier

crédit: Bernard Gauthier

« Il y a des régions où l’homme n’a jamais posé le pied, » raconte François Afane, directeur général du Conseil de développement économique des Territoires du Nord-Ouest.

C’est ici qu’on retrouve des pingos, c’est-à-dire de petites collines au noyau de glace, perdues dans un environnement sans vie apparente, laissant comprendre que l’eau et le pergélisol sont à l’origine de ces formations. Environ à cinq kilomètres de Tuktoyaktuk, on retrouve plusieurs pingos à l’intérieur du « Site canadien historique » qui leur est consacré. C’est une zone naturelle protégée comptant huit pingos sur les 1 350 de la région. En été, les touristes peuvent louer un canot et ramer jusqu’au flanc d’un pingo. Prévoyez de 30 à 40 minutes sur l’eau depuis le rivage avant d’atteindre un premier pingo.

crédit: Bernard Gauthier

Après un arrêt devant le Site pour la prise de photos, nous arrivons finalement au terme de notre périple : Tuktoyaktuk. C’est le dernier village accessible par route, face à l’océan Arctique. Une population isolée de quelque 800 habitants. C’est un sentiment de fierté que nous avons tous ressentis lorsque nous sommes arrivés à destination. Voir la première fois l’océan Arctique et des vagues immobilisées par le gel intense au loin du rivage est un privilège.

crédit: Bernard Gauthier

crédit: Bernard Gauthier

Contrairement à Yellowknife où le tourisme bat son plein en hiver pour les touristes en quête de vivre une expérience de froid intense, ce n’est pas le cas ici à Tuktoyaktuk ou plus familièrement Tuk comme les habitants l’appellent ici. Tout semble figé. Pas de circulation. Pas de piétons. Un seul magasin général ouvert incluant son poste d’essence.

Toutefois en été, le portrait n’est pas le même. Plusieurs touristes s’y aventurent  et peuvent camper à Point Area (camping sauvage seulement). Il n’y a pas d’hébergement. Six guides touristiques proposent des visites guidées, des croisières, des excursions et des expéditions pour pêcher et chasser.

Jour 5

Avant de regagner l’aéroport d’Inuvik, notre guide, Gerry Kisoun, nous fait découvrir sa ville natale de 3 200 habitants. Fier de ses racines autochtones, il raconte qu’Inuvik a pris naissance dans les années 50. Et depuis, elle n’a cessé de grandir au point où trois églises catholiques et même une mosquée ont pignon sur rue. Musulmans, résidents non-autochtones, Inuvialuits et Gwic’ins cohabitent et font bon ménage. L’activité économique se développe, des hôtels et restaurants accueillent les visiteurs, et les jeunes ont même un aréna pour pratiquer des sports comme le hockey fort populaire en hiver.

crédit: Bernard Gauthier

crédit: Bernard Gauthier

crédit: Bernard Gauthier

Je n’oublierai jamais cette belle aventure dans les TNO. Ce fut l’un de mes plus beaux voyages tant par sa beauté sauvage naturelle, son accueil chaleureux des autochtones et ses vastes étendues vierges plutôt difficiles à retrouver ailleurs sur la planète.

CDÉTNO (Conseil de développement économique des Territoires du Nord-Ouest)

Ce voyage en Arctique et dans les Territoires du Nord-Ouest (TNO) s’est déroulé en mars 2020. Une semaine après le retour, ce fut le confinement général. Bien que nous ayons retardé la publication en raison de la pandémie et de l’impossibilité de se rendre dans cette magnifique partie du pays dans des conditions normales, nous publions la première partie de deux articles dès aujourd’hui. Voici également notre deuxième article publié le 11 octobre 2020.  

https://lametropole.com/voyages/et-pourquoi-pas-yellowknife-en-hiver/


À notre avis, le cours des activités touristiques ne reviendra pas avant 2021.

 

 

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