Le charme indiscret de l’île de Hvar, côte dalmate, Croatie

Une urne en pierre se trouve sur un charmant mur de pierre près de l'océan en Croatie. Une urne en pierre se trouve sur un charmant mur de pierre près de l'océan en Croatie.

Aline Apostolska, LaMetropole.Com

Depuis quarante ans que ma mère y vit et que je m’y promène, m’y attarde, la quitte et y revient, inlassablement, je peux l’affirmer, de l’intérieur : le charme de la Dalmatie est captivant, envoûtant, torride et doux à la fois, mais jamais il n’est discret. Surtout pas. C’est un charme ostentatoire qui, même si vous le redécouvrez pour la centième fois, quand bien même vous y vivriez au quotidien, ne vous laisse pas tranquille, jamais indifférent ni rassasié de lui. On se plaît à penser que si toutes nos amours étaient ainsi, jamais on ne s’en lasserait…

Comment être discret lorsqu’on possède plus de 3000 ans d’histoire connue et répertoriée, sans compter toute celle qui a précédée et que l’on n’a pas encore déchiffrée ? Lorsque tant de peuples grandioses, sauvages et puissants, ou civilisés et infiniment raffinés, se sont succédés, ajoutant autant de magnificences à chaque étape ? Des Illyriens cannibales et protohistoriques des origines aux Grecs qui finirent par les conquérir au 4ème s. avant JC, des empereurs Romains, dont le dernier d’entre eux, Dioclétien, a laissé un palais intact sur la côte à Split, aux slaves Croates qui débarquèrent à partir du 9ème s., des Vénitiens qui en firent leur golfe de passage vers leur commerce du Proche-Orient et y installèrent leur République sérénissime du 12ème au 19ème siècle, jusqu’à Napoléon en partance pour l’Égypte, et l’empire austro-hongrois jusque dans les années 1920 … comment ne pas être riche de tant de splendeurs toutes restées sur place, et ne pas s’en enorgueillir ? Qui dit tant d’histoire dit forcément autant d’art, des œuvres de toutes ces époques et de toutes ces civilisations, à faire tourner les esprits et se gaver de beauté. Bien sûr… Mixages et métissages sont la loi de l’évolution de l’humanité, sa beauté et sa richesse, et certains coins du monde le rappellent encore plus que d’autres. La Dalmatie – côte adriatique de la Croatie – compte incontestablement parmi ceux-ci.

Pourtant les habitants vivent tout cela avec une infinie tranquillité. Une philosophie, une évidence, voire une nonchalance toute méditerranéenne. C’est qu’il y a les splendeurs des hommes, la culture, les arts religieux et profanes, tous ces trésors historiques utilisés au quotidien, certes, mais il y a surtout la nature. Vibrante. Resplendissante, au gré d’un ensoleillement de 320 jours par an, minimum. Qu’est-ce qui n’y pousserait pas ? Spécialités d’agrumes, oliveraies, champs de lavande, vignes à perte de vue, tomates, poivrons, pastèques, romarin et câpres sauvages, figuiers locaux et figuiers de barbarie… ajoutés aux poissons et aux crustacés à portée de filet, qui mourrait de faim ? C’est impossible. De cette certitude acquise, sous ce soleil, dans cette clémence de climat et d’art de vivre tranquille et lent, même la vie la plus simple devient très riche. Jamais luxueuse. Mais riche, oui, toujours, de l’intérieur surtout.

Jamais discrète, non, mais bonne à partager, avec ses proches, ses voisins, aussi bien qu’avec des voyageurs de passage. Tellement de touristes, mais qui passent. Ils emportent toujours avec eux au moins une parcelle de ce charme bien singulier. Et puis ils reviennent, comme moi, et parfois, comme moi, ils rêvent d’y rester. Navigare necesse est, dit la devise. Bien sûr, il faut toujours se tenir prêt à prendre la mer si l’on ne veut pas crever dans une île… Marins, flibustiers et pirates, autant que poètes, écrivains et peintres, par milliers, ont vécu , sont passés par là et y vivent encore. Mais à bien y regarder de près, ce charme-là, on y succombe facilement. On se prend alors à désirer jeter l’ancre.

Le charme indiscret de l’île de Hvar, côte dalmate, Croatie

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