Son atelier est logé dans une ancienne usine de jouets du canal Lachine, dans un ancien quartier industriel en reconversion. Au milieu des vieilles poutres et de la brique, entourées de vastes volumes lumineux, les dernières créations prennent forme comme par magie. Un tissu noir drapé et noué avec simplicité autour d’un mannequin promet une robe de soirée qui accompagnera les élégantes dans un cocktail, sous les feux de la rampe ou sur une plage des Caraïbes. Car Marie Saint Pierre veut ses vêtements ainsi : caméléons, s’adaptant aux besoins changeants de la femme actuelle.
Née dans le secteur Cartierville, à Montréal, d’un père médecin qui affectionnait les arts, Marie Saint Pierre aurait pu être architecte, sa deuxième passion avec la mode. Sa façon de jouer avec les volumes s’apparente d’ailleurs au travail d’un bâtisseur. « Je combine les figures géométriques. Je pars de formes simples, rondes ou carrées et je les manipule. Je prends un mannequin, du tissu, et je sculpte en 3D. J’aime travailler dans ce contexte linéaire. Cela donne un cadre à ma créativité », déclare-t-elle.
Au delà des modes
Après 20 ans à forger sa griffe, la créatrice s’applique à pousser toujours un cran plus loin une allégorie textile qui a fait son succès sur les passerelles, de New York à Paris. Ses matières fétiches, la laine bouillie, la résille, la dentelle et le taffetas froissé, font des clins d’œil au passé tout en se voulant avant-gardistes dans leur traitement. « Je n’accroche pas aux modes. J’ai des points d’ancrage dans le passé, le présent et l’avenir », indique la designer.
Inspirée par le côté organique de la nature, Marie Saint Pierre reproduit des effets de pétales avec des froissés stratégiques, des cols alambiqués et des appliques géantes ton sur ton. Son sens de la ligne et de la déstructure rappelle celui des créateurs japonais.
Elle se définit avant tout comme une créatrice de bien-être. « J’aime procurer cet état presque instantané en lui ajoutant une durée de vie. J’adore les choses légères, un vêtement que l’on peut porter longtemps, qui s’entretient facilement : il voyage, il bouge. Je réfléchis beaucoup sur les notions d’entretien et de confort ».
La designer crée pour une femme qu’elle qualifie de « nomade intelligente ». Une cosmopolite toujours dans ses valises, que ce soit pour le travail ou les loisirs. Pour elle, Marie Saint Pierre invente des vêtements confortables, multifonctions, métamorphosables et, surtout, d’entretien minimal.
« Mes clientes ne sont pas des victimes de la mode. Ce sont des femmes engagées. On les retrouve dans les salles de concert, comme dans les soirées bénéfices. Elles ont à la fois les pieds dans les arts et une conscience sociale ».
Style et personnalité
Au-delà du vêtement, le style, selon Marie Saint Pierre, reste une question de personnalité. « C’est la touche d’excentricité qu’apporte la personne pour déborder du contexte dans lequel le vêtement a été conçu et de sa fonction en l’ajustant à sa personnalité ». Une robe de soirée portée avec des « gougounes » au bord d’une piscine, une redingote par-dessus des leggings. L’idée : exprimer son style à travers le vêtement.
Et celui de Marie Saint Pierre ne laisse pas indifférent. Il crée la surprise, fait réagir et suscite les échanges. « Les femmes qui portent mes robes dégagent un sentiment de fierté. On à tendance à penser que la mode est quelque chose de superficiel et d’éphémère, mais c’est faux. Ce que l’on porte influe sur la façon dont on communique avec les gens ».
En vraie Mary Poppins, un personnage qu’elle affectionne, la créatrice possède ce petit côté touche-à-tout qui lui permet de jongler avec plusieurs dimensions à la fois et de se tenir en équilibre sur la mince frontière qui sépare l’art du design. « Je chevauche ces deux pôles : j’ai une démarche artistique en raison de mes choix de matières et de structures, mais je suis les deux pieds dans le design, car la fonction du vêtement demeure essentielle à mes yeux ».
Source: Les Affaires