fonctions, à cause des lacunes relevées par le vérificateur général
Jacques Bergeron dans la gestion de ce contrat et dans la reddition de
comptes. Les élus ont semble-t-il été mal informés de l’évolution du
contrat. Le maire n’a pas mâché ses mots, parlant d’accrocs « inacceptables » et « indéfendables ». Il a donc enclenché le processus
d’annulation du contrat.
« Si nous avions eu toute l’information qui est
contenue dans le rapport du vérificateur général, la décision ou le
processus aurait été définitivement différent de celui que nous avons
voté en toute transparence, avec l’information que nous avions », a
soutenu le maire Tremblay. Reste à savoir combien cette annulation coûtera aux contribuables montréalais. Le maire affirme l’ignorer lui-même.
Une
clause d’annulation prévue au contrat prévoit une pénalité d’un pour
cent, en plus des frais qui ont déjà été engagés. Mais on ignore sur
quelle somme sera calculée ce 1 % et on ignore quels frais ont
été engagés jusqu’ici. Le maire a évoqué des discussions avec le
consortium GENieau.
Dans un communiqué de presse émis en fin
d’après-midi, mardi, les responsables de GENieau ont dit prendre acte « de l’intention exprimée par la Ville de Montréal de procéder à la
terminaison du contrat octroyé en novembre 2007 ». « Au cours des
prochaines semaines, peut-on également lire dans le communiqué, les
experts du consortium, appuyés par des conseillers juridiques,
évalueront les conséquences financières qui résulteront de la
terminaison du contrat ».
Selon les dirigeants de GENieau, « le
consortium a répondu de bonne foi à l’appel de propositions et a
mobilisé d’importantes ressources humaines, technologiques et
financières pour formuler et donner suite à une proposition qui
répondait adéquatement aux spécifications et aux termes de l’appel de
propositions, tels que décidés par la Ville de Montréal ».
Des cris lancés
Plus
tôt dans la journée, le vérificateur Bergeron avait précisé que des
cris d’alarme avaient bel et bien été lancés relativement aux risques
dans le contrat des compteurs d’eau, mais que ces cris ne s’étaient
jamais rendus au maire Tremblay. Pourtant, il s’agissait du plus gros
contrat de l’histoire de la Ville de Montréal.
Ce contrat
d’installation de compteurs d’eau en milieux industriel, commercial et
institutionnel devait au départ coûter 150 M$. On évoquait
depuis des mois un coût de 356 M$, mais, selon le vérificateur
général, il pourrait plutôt coûter 618 M$. « Trop vite, trop gros, trop cher », a-t-il tranché.
Ce
contrat a carrément été « dénaturé », a conclu le vérificateur général,
qui a rencontré la presse, mardi, à la suite du dépôt de son rapport
lundi soir au conseil municipal de Montréal. Le rapport du
vérificateur dénote de nombreuses aberrations et parle d’apparence de « promiscuité » entre des représentants de la Ville et des partenaires
externes du projet – parce que des rencontres étaient prévues à
l’agenda entre eux, mais il ne sait pas si elles ont bel et bien eu
lieu.
Il émet aussi plusieurs réserves, mais dit n’avoir trouvé « aucun conflit d’intérêts ». « Notre enquête n’a permis de découvrir
aucune collusion », a-t-il affirmé. D’autre part, ces rencontres
prévues à l’agenda entre des représentants de la Ville et des
partenaires externes font l’objet d’un dossier qui a été remis à la
Sûreté du Québec, a souligné M. Bergeron. En conséquence, il n’a pas
voulu en dire davantage.
Le maire Tremblay, affirme le
vérificateur, n’avait pas été informé des cris d’alarme qui avaient été
lancés dans un rapport et dans des lettres concernant certains aspects
du contrat des compteurs d’eau. On y parlait pourtant de risques, vu
l’importance du contrat.
« Je pense que le maire n’avait pas toute
l’information qu’il aurait dû avoir. Certaines informations n’ont pas
été transmises correctement au comité exécutif. Je crois que ça fait
partie des problèmes qu’on a identifiés dans le rapport. C’est comme un
manque de communication entre la Ville et le comité exécutif », a conclu
M. Bergeron en anglais.
« Le processus continue, malgré des mises
en garde répétées de plusieurs intervenants directs au dossier. Il y a
eu des cris d’alarme, des « wake up calls » qui n’ont pas donné suite,
c’est-à-dire que ces lettres, ces documents sont restés lettre morte »,
a résumé M. Bergeron. Il ne blâme pas non plus le service du
contentieux de la Ville, lequel n’avait pas les ressources pour
s’occuper d’un contrat d’une telle envergure.
En fait, le
vérificateur général ne recommande pas directement d’annuler le
contrat, mais d’étudier divers scénarios pouvant aller jusqu’à
l’annulation du contrat accordé à GENIeau. Il affirme clairement,
cependant, que cet énorme contrat aurait dû être scindé, ce qui aurait
permis à davantage d’entreprises d’y participer et ce qui aurait permis
d’obtenir de meilleurs prix pour chaque sous-projet.
Entre autres
vices importants, il relève le fait que la responsabilité de trouver du
financement pour le projet, qui devait au départ revenir au consortium
privé, a subitement été transférée à la Ville de Montréal. « Les
changements apportés au processus d’appel de propositions, entre autres
sur la question du financement, auraient dû entraîner l’annulation du
processus et la mise en place d’un nouveau processus », critique le
vérificateur général de la Ville.
Autre aspect troublant : il
devait y avoir un rapport du vérificateur interne de la Ville sur la
conformité du processus, en 2006. « Or, cet avis n’a pas été émis et
nous n’avons pas actuellement toutes les explications relatives à la
non-production de cet avis », écrit le vérificateur général. Il
ajoute que « ce point est toujours sous enquête », ce qui fait que M.
Bergeron n’a pu dire s’il y avait eu pression sur le vérificateur
interne ou autre.
De son côté, la chef de Vision Montréal, Louise
Harel, s’en est prise au maire Tremblay, estimant qu’il s’en lave trop
facilement les mains. « Il y a là une renonciation à ses responsabilités
et à celle, légale, que lui attribue la Loi des cités et villes, qui
est une obligation de vérification et de contrôle », a dit Mme Harel.