Qu’est-ce qui vous a motivé à vous lancer en politique
municipale?
Il faut que Montréal retrouve un maire qui ait du
leadership, comme l’était Jean Drapeau avant 1974. Il faut une nouvelle
politique municipale qui se doit de réparer les erreurs des années 70. On a
trahi la ville, il faut faire une Ville pour les gens qui y habitent. Nous
avons connu l’approche de Le Corbusier, celle de la mécanique de la ville,
d’une ville de béton.
Elle a été transformée, ses voies ont été adaptées à
l’automobile. Il faut pourtant retrouver une politique municipale destinée à
ses habitants. La Ville est un organisme vivant, un lieu de vie. Je souhaite
ouvrir les portes au développement en gouvernant mieux l’espace public. En
fixant des priorités. Comme l’a fait le maire de Québec, Régis Labaume. Je suis
un gars d’Alma, peut-être est-ce pour cela que j’apprécie Régis Labeaume, qui
est de Roberval, à 30 km de l’endroit où je suis né. Je veux développer comme
lui la créativité de Montréal. Il a réussi, par exemple, à trouver une
utilisation magnifique pour son silo dans le port, grâce aux Moulins aux
Images.
Quels sont les grands objectifs que vous visez?
Il faut retrouver la ville. Que Montréal cesse d’appliquer
des politiques d’aménagement qui datent d’il y a trente ans. Nous sommes les
seuls, parmi les habitants d’une grande métropole mondiale, à vouloir investir
dans une autoroute urbaine, comme le projet de
transformation de la rue Notre-Dame. À Montréal, on fait le contraire
des autres grandes villes. On dépense un budget de 5 G$ en travaux autoroutiers
(Turcot, Notre-Dame, Bonaventure, etc.)
et 25 000 places de stationnement en ville. Personne ne fait plus cela.
En transformant la rue Notre-Dame en autoroute, l’accès au fleuve serait
définitivement condamné. Lorsque je deviendrai maire de Montréal, une telle
horreur ne se produira jamais, car pour moi, Montréal n’est pas seulement un
corridor routier pour les banlieusards.
Projet Montréal a une approche différente du développement
du centre-ville, avec d’autres priorités, comme le développement des transports
en commun. Dans la première partie du XXe siècle, le boulevard Saint-Joseph était par exemple
une artère résidentielle traditionnelle, regroupant les médecins, les avocats.
L’avenue du Parc avait vocation à devenir l’équivalent de la 5e avenue de New
York, à occuper un rang élevé dans la hiérarchie de prestige urbaine. Depuis, le
vocabulaire hiérarchique des voies de circulation a lui-même changé. Ainsi, un
boulevard était traditionnellement une artère de prestige avec deux voies de
circulation dans chaque sens, a
en son centre une allée plantée et non quelque chose qui ressemble à une
autoroute, avec trois voies de circulation à 70 km/h dans chaque sens.
La reconquête des rives est aussi une grande thématique de
l’aménagement des métropoles, que ce soit des rives maritimes, de lacs ou de
cours d’eau. Comme à Bilbao en Espagne, à Portland dans l’Oregon ou à
Barcelone, au bord de la Méditerranée. Pourquoi ne pas créer une plage de 2 km
sur le fleuve à Verdun? À proximité du métro Verdun? Comme cela a été réalisé à
Barcelone, en réaménageant un port d’une autre époque.
Vous estimez que le fleuve n’est pas suffisamment mis en
valeur à Montréal? Que proposez-vous?
On oublie, en roulant sur la rue Notre-Dame Est, qu’on longe
l’un des plus beaux fleuves d’Amérique du Nord. Vu du fleuve, l’état des
rives est désolant. Mais le potentiel inutilisé des quais du port, le long du
fleuve et de l’extrémité est de l’Ile Sainte-Hélène, est sans contredit le
plus somptueux de Montréal. Ces kilomètres de rouille, de laisser-aller,
de saleté et de décrépitude sont une occasion de rendre à Montréal son panache
d’autrefois.
Ce site est interdit au public et tellement défiguré, qu’on a
presque oublié à quel point il est majestueux. Les Montréalais veulent profiter
de leur fleuve. Il faut se réapproprier cet espace. Le port n’en a plus besoin,
avec le développement de la technique des containers. Les navires ne restent
plus que quelques heures à quai. Une longueur de 2,5 kilomètres est
désormais libre pour une nouvelle utilisation. Pour créer la nouvelle entrée
maritime de Montréal. Je prévois une magnifique promenade riveraine, un
belvédère, des habitations, un marché public, des bureaux, des restaurants, une
ou même plusieurs salles de spectacles.
Pour le même budget de 1,5 G$, déjà prévu pour la
transformation de la rue Notre-Dame en autoroute urbaine, il vaut mieux créer
un boulevard urbain traditionnel, qui ne sépare pas la ville de ses berges et
comporte une offre forte de transports en commun avec un tramway central et une
voie réservée aux autobus. Il faut remplacer le concept actuel d’aménagement de
la rue Notre-Dame en autoroute à grande capacité de 150 000 personnes/jour,
dont 25 000 en transports collectifs par autobus. En répartissant autrement la
capacité de transport : 150 000 personnes
oui, mais seulement 50 000 par automobile et les 100 000 autres répartis
entre le tramway installé sur le terre-plein central du boulevard et un corridor réservé aux autobus.
Voilà comment on produit une ville de qualité. En équipant
également les berges du fleuve. Pour un coût marginal de 0 dollar, puisqu’il
s’agit d’une meilleure utilisation du budget alloué. En créant un lien entre la
ville et le fleuve et en couvrant les voies ferrées d’assemblage des trains par
une dalle permettant l’accès des piétons à la rive. Une même démarche pourrait
aboutir à une meilleure utilisation du stationnement de la partie est de l’Ile
Sainte-Hélène. Et servir à accueillir un bâtiment d’envergure, destiné à être
un musée ou une salle de spectacles.
En créant une perspective avec le pont
Jacques Cartier. Comme Sydney a pu en créer une avec son célèbre opéra. Ou
Hambourg, avec la transformation d’un entrepôt portuaire, qui a été recouvert
d’une coque de béton pour accueillir la philharmonique de l’Elbe. Ce bâtiment
est devenu une icône architecturale de cette ville du nord de l’Allemagne. Au
Québec, le Cirque du Soleil ou Loto-Québec, par exemple, pourraient être des
investisseurs tout désignés pour un projet d’envergure de 2 à 3 G$. Mais
faut-il encore qu’il y ait une politique publique ambitieuse qui le permette.
Je profite de l’occasion pour vous rappeler le projet de
téléphérique dont je suis à l’origine. Le projet présenté était mal réfléchi.
Il ne comportait pas de terminus automobile. Pour que ce magnifique projet
puisse réussir, il faut qu’il puisse être connecté au système de transports de
Montréal. Qu’il puisse traverser le fleuve à la hauteur de l’Ile Sainte-Hélène
et rejoindre Longueuil.
J’avais lancé ce projet sur la place publique en 2007.
Quelle esthétique que de traverser le fleuve en télécabine! Un apport
touristique majeur, mais aussi un moyen de transport intégré pour les
Montréalais.
Malgré tous ces projets concrets, vous êtes encore le
troisième homme dans les sondages. Comment expliquez-vous ces résultats?
Je n’ai pas encore la notoriété de mes deux concurrents. Le
troisième concurrent dérange les médias et les électeurs. On aime le duel
politique. Mais je considère que le véritable duel n’est pas celui que
vous croyez. Il existe entre le groupe des politiciens à l’ancienne mode que
sont Tremblay et Harel d’une part, et Projet Montréal d’autre part, qui représente une nouvelle conception
de la politique municipale.
Je vais vous faire une prédiction : nous allons gagner!