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LM : Quel est le bilan que vous dégagez de votre dernier mandat à la mairie de Montréal? Vos adversaires vous accusent d’immobilisme. Que répondez-vous à vos détracteurs?

GT : En huit ans, depuis ma première élection de 2001, je suis fier d’avoir pu relever trois défis majeurs pour Montréal.

Le premier a été celui de redresser les finances de la Ville. Lorsque je suis arrivé, la Ville n’était pas considérée comme un véritable partenaire financier par les gouvernements fédéral et provincial, ce qu’elle est devenue aujourd’hui, y compris sur le plan fiscal pour Québec. La tâche n’est cependant pas terminée, puisque la situation économique n’a pas permis de régler complètement le déficit structurel des finances publiques. Mais il est maitrisé et tout le monde fait désormais confiance à la métropole du Québec. Le meilleur exemple est celui des négociations des conventions collectives de la STM, des policiers, des pompiers et des cols blancs. Chacun sait que la Ville doit être prudente et que les ententes doivent tenir compte d’un équilibre financier encore précaire.

Le second défi était de nous attaquer au vieillissement des infrastructures routières, des aqueducs et de celles des transports en commun.

En nous autorisant à prélever cinq sous pour chaque litre d’essence vendu, nos partenaires gouvernementaux nous ont permis d’investir dans les transports en commun. Nous avons ainsi investi 400 M$ au cours des quatre dernières années, soit environ 100 M$ par an. Cela fait presque dix fois plus, en comparaison de la moyenne annuelle de 12 M$ de la période précédente.

Par ailleurs, nous avons entrepris des travaux de grande envergure sur les aqueducs et les rues, puisque nous avions des problèmes d’inondation et d’affaissement de chaussées à cause de structures d’égouts centenaires. Le tiers du réseau était désuet  et de nombreuses fuites étaient signalées! Il fallait agir d’urgence. L’essentiel du problème est aujourd’hui réglé et ce, pour les dix prochaines années.

Le troisième défi était le logement. Lorsque je suis arrivé aux affaires en 2001, il y avait, pour de nombreuses familles, de réelles difficultés pour se loger à Montréal. Mon but a alors été de rechercher un meilleur équilibre entre l’offre et la demande. Au cours de mon deuxième mandat, 5 000 nouveaux logements sociaux ont été livrés, ainsi que 10 000 logements à prix abordable. Avec un taux d’inoccupation actuel de 3 %, il y a de meilleures perspectives dans la location de logements et il n’est plus possible de parler de crise. Mais je souhaite continuer l’effort en matière de logements sociaux, dont le nombre s’avère encore insuffisant.

Enfin, la meilleure situation de la Ville lui permet désormais de bénéficier dans tout le Canada du prestige attaché à la métropole du Québec. Montréal est aussi la grande ville canadienne qui a diversifié le plus son économie du savoir grâce à ses grappes industrielles, technologiques, en sciences de la vie, en aérospatiale et en sciences de l’information. Mon bilan démontre qu’il n’y a pas eu d’immobilisme.

 

LM : Quels sont les grands enjeux d’Union Montréal pour les quatre prochaines années?

GT : Nous avons deux grands objectifs : le mieux être de la population et sa prospérité.

Les deux objectifs doivent être menés de front. Les investissements doivent à la fois favoriser la création de richesses mais aussi privilégier la qualité de vie de la population. On peut investir davantage dans la qualité de vie des citoyens. Le mieux-être est une valeur ajoutée qui offre aux gens l’opportunité de s’approprier la ville davantage. De la réinventer également et de favoriser ainsi son potentiel de développement. Il faut des objectifs ambitieux, audacieux. Comme le risque calculé que nous avons pris pour la réalisation de la Place des Spectacles. Celle-ci constitue un environnement favorable pour créer de la richesse et de la qualité de vie. L’investissement public de 120 M$ a été divisé à égalité entre les trois paliers de gouvernements (Ville, Québec, Ottawa) et suscite 1,5 milliards d’investissements du secteur privé. Il favorise la prise de valeur des terrains et rapporte à la Ville des revenus fiscaux récurrents.

D’autres projets peuvent être cités, comme la phase 2 du projet de l’orchestre symphonique de Montréal, la promenade des festivals, l’adresse symphonique, la maison du développement durable, le 222, le métro Saint-Laurent, la revitalisation du faubourg du Recollet, du secteur de la Cité Multimédias, le projet de quartier vert à Saint-Paul, celui du tramway ou encore de réhabilitation de la rue Sainte-Catherine.

Ces chantiers d’avenir sont attractifs et expliquent en partie que Montréal est la grande ville canadienne dont la valeur des propriétés augmente encore. C’est aussi vrai pour les bureaux, pour lesquels on construit toujours de nouveaux immeubles, puisque le taux d’inoccupation de l’espace bureau n’est que de 7 %.

L’autre volet de nos projets concerne le développement durable, qui fait partie de la qualité de vie. Les gens y croient et ils y sont prêts. Pour cela il faut faire un constat : l’automobile n’aura plus toute la place qu’elle a eue à partir des années 50. À l’époque, il y avait encore 358 km de rails de tramways dans les rues de Montréal. Mais dans toute l’Amérique du Nord, tout a été fait à l’époque pour favoriser l’automobile et construire des routes. On a donc supprimé le tramway.

Nous avons fait  un constat différent en préparant notre plan de transport. Il faut réduire le nombre d’automobiles en ville, en favorisant le covoiturage et une augmentation de l’utilisation des transports en commun. Le respect de l’environnement, de la sécurité des piétons et des cyclistes va conduire à réduire la vitesse des automobiles à 40 km/h dans les quartiers résidentiels. Nous allons aussi développer les pistes cyclables comme sur le boulevard de Maisonneuve.

Pour éloigner le trafic, la construction de l’autoroute 30 complétera une véritable voie de contournement de Montréal. Pour accroitre les possibilités d’accès par les transports en commun, il sera possible d’utiliser la future navette ferroviaire à destination de l’aéroport Pierre-Elliot-Trudeau, qui desservira également l’ouest de l’Ile. Nous allons enfin profiter de l’occasion unique de la suppression des structures routières en béton des années 60 (autoroute Bonaventure et échangeur Turcot) pour favoriser un Plan de renouveau urbain intégré des quartiers, que ces réalisations séparaient de la Ville. Tous nos gestes sont posés avec la vision globale que l’on devrait réduire le nombre d’automobiles. Dans ces deux derniers projets d’aménagement, des couloirs réservés aux autobus sont ainsi envisagés.

Les travaux du quartier des spectacles seront terminés en 2012 et ceux de l’autoroute Bonaventure en 2013. Ils prouvent notre vision, qui croit en l’avenir de la métropole.

 

LM : Selon vous, quels seront les impacts à court, moyen et long terme de ces travaux d’infrastructures majeurs sur la population montréalaise?

GT : Nous avons l’habitude de ces grands chantiers. Nous allons les effectuer par tranches, comme nous l’avions fait sur l’avenue du Parc  pour l’échangeur des Pins. Il y aura  certains inconvénients, mais ils seront bien planifiés. Une particularité commune à l’échangeur Turcot et à l’autoroute Bonaventure : les nouvelles infrastructures seront réalisées sous celles qui seront détruites. On va donc commencer par travailler en dessous, puis ensuite on détruira les anciennes structures élevées.


LM : Comment voyez-vous la venue de Louise Harel comme adversaire dans la course à la mairie? Déjà, les questions de la centralisation des pouvoirs, des arrondissements et de la gouvernance meublent les discours partisans des forces en présence. Quelle est votre position officielle sur ces problématiques?

GT : Que propose madame Harel? Elle a lancé le débat des structures de Montréal, mais je n’ai encore rien entendu à propos d’éventuelles solutions. Si elle avait eu une bonne connaissance de Montréal, alors qu’elle était ministre des Affaires municipales, peut être aurait-elle posé des gestes différents!

Il est vrai que pour certains dossiers, il faut améliorer la coordination entre la mairie, les arrondissements et les autres villes de la communauté métropolitaine. Et surtout prioriser les investissements et les adapter à chaque arrondissement. Enfin, il est nécessaire d’investir dans les équipements qui sont à la limite de l’usure, comme par exemple ceux consacrés au déneigement. Mais dans un contexte économique difficile, je dis non à un débat sur les structures. Je fais plutôt le choix de la prospérité. S’il y en a qui veulent faire un débat de structures, il faudra qu’ils m’expliquent, à moi qui en ai déjà vécu deux, comment consacrer de l’énergie à des débats de ce type sans être déstabilisé par rapport au développement économique.

Ce débat de structures est en outre aujourd’hui en partie dépassé, puisque la nouvelle loi 22 qui les réforme vient d’être adoptée, en juin dernier. La loi 22 reconnait, par exemple, une autonomie administrative et fiscale additionnelle à la ville de Montréal. Elle constitue une reconnaissance de la métropole par le gouvernement provincial. Elle est le produit de sept ans d’efforts et de consultation de nos partenaires. Elle illustre aussi la préoccupation québécoise pour diversifier les sources de revenus de toutes les villes du Québec.

Le maire, appuyé par son conseil municipal, se voit aussi reconnaitre les pouvoirs d’intervention dans tous les dossiers stratégiques qui constituent un grand enjeu pour Montréal. Enfin la loi consacre aussi la reconnaissance du principe selon lequel le maire de Montréal sera dorénavant le maire de Ville-Marie, l’arrondissement central de Montréal le plus peuplé (500 000 habitants), celui qui accueille beaucoup d’entreprises et le plus de touristes.

Avant de parler d’un débat de structures, il faut donc réaliser tous les gestes qui ont été posés. Il y a des améliorations. La loi 22 a permis de rapatrier plusieurs compétences à la Ville de Montréal. Le maire pouvait néanmoins déjà suivre les grands enjeux correspondant aux attentes légitimes de la population et je l’ai fait dans les dossiers du CHUM, de l’ancienne gare Viger, du quartier des spectacles, etc.

Par ailleurs, la gouvernance de la communauté métropolitaine permet au maire de Montréal  d’avoir connaissance de tous les grands projets et de prendre ses responsabilités. Je ne dis pas que j’ai assez de pouvoirs, mais il s’agit plutôt de la nécessité d’une amélioration sous forme d’évolution, sans déstabiliser pour la troisième fois la métropole du Québec. Là, il peut y avoir un choix. Mais il ne faut pas oublier qu’il existe différents moyens de travailler davantage ensemble.

La décentralisation a l’avantage de rapprocher les élus des citoyens. Et nous parvenons à trouver des solutions pour les grands projets qui transcendent les arrondissements. Toutes les fois que l’on voit un irritant majeur, le gouvernement du Québec est désormais prêt à nous aider.

Alors oui, si je dois poser d’autres gestes, parlons-en. Mais ne focalisons par les débats sur les relations avec les arrondissements et les questions de centralisation et de décentralisation. Il ne faut pas limiter la question aux rapports entre les arrondissements et la ville centre. La Communauté métropolitaine de Montréal est encore en train de se définir depuis l’an 2000. Il est aussi nécessaire d’examiner le rôle de l’Agence Métropolitaine des Transports, qui a une mission de planification tout en étant le bras du gouvernement, ainsi que celui de la Conférence Régionale des élus. La priorité, en tous cas, reste aujourd’hui à un véritable débat serein sur les mesures à prendre pour faire face au ralentissement économique.

 

LM : Advenant une victoire en novembre prochain d’Union Montréal, est-ce que votre équipe demeurera la même? La composition de votre Comité exécutif est-elle déjà arrêtée?

GT : Il faut commencer par être élu avant de composer un comité exécutif. Je pense d’abord à la prochaine élection, au 1er novembre. Il faut d’abord la gagner et ensuite nous aurons deux semaines pour mettre en place la nouvelle équipe.

Mais je tiens à dire que mon équipe sortante est excellente. Cela fait huit ans que je suis chanceux. La politique municipale n’est pas facile. J’ai des gens d’expérience qui gèrent les arrondissements ,mais surtout des personnes qui sont d’allégeances politiques différentes et qui parviennent à travailler ensemble. Je veux que nous continuions à être rassembleurs, à mobiliser.

À Montréal, il faut travailler ensemble pour bâtir la métropole, quelles que soient les allégeances politiques. Durant la campagne, nous aurons l’occasion de démontrer le bilan de notre équipe. Même si on n’est pas élu sur un bilan, j’en conviens, je pense que le passé est garant de l’avenir. Notre équipe a des priorités qu’elle va dévoiler pendant la campagne, qui vont mobiliser. L’équipe renouvelée devra rassembler pour la prospérité économique et l’amélioration de la qualité de la vie. De nouveaux visages vont la rejoindre.


LM : À la suite des événements des dernières semaines (compteurs d’eau, construction à l’Hôtel de Ville), quel message désirez-vous adresser aux électeurs?

GT : Je tiens d’abord à dire que mon équipe et moi-même sommes victimes de notre intégrité, de notre transparence. Nous avons pris les bonnes décisions dans le meilleur intérêt des contribuables. Cela fait des décennies que des rumeurs au sujet de l’industrie de la construction courent dans l’ensemble du monde municipal québécois et pas seulement à Montréal. Toutes les fois que j’ai été informé de soupçons d’irrégularités ou de gestes malhonnêtes, j’ai posé des gestes concrets et transmis les éléments à la police.

Si l’information est disponible aujourd’hui, c’est parce que j’ai fait le nécessaire, les tribunaux sont saisis et décideront. À titre d’exemple, les malversations des services informatiques ont entrainé, à mon initiative, des enquêtes des forces policières qui ont utilisé des écoutes électroniques et des vidéos. Les coupables ont été identifiés, le processus judiciaire suit son cours. Nous avons récupéré 8 M$ pour la Ville de Montréal et trois personnes ont démissionné. Je tiens à rappeler que j’ai réactivé le code d’éthique des employés et des élus. Je n’ai plus besoin d’attendre des décisions qui viennent d’ailleurs.

Mais lorsqu’il y a des doutes, il faut des preuves que des personnes ont posé des gestes illégaux. Je souhaite rappeler qu’une personne est innocente jusqu’à la preuve du contraire. Ainsi, lors d’une accusation publique de chantage entre un promoteur et deux élus de l’hôtel de ville, nous nous devions de transmettre le dossier à la police. Mais il était nécessaire d’avoir des preuves. Nous espérions que les journalistes ne rendraient pas l’information publique immédiatement, afin que la police puisse trouver ces preuves indispensables. Mais cela n’a pas été le cas. C’est la raison pour laquelle j’ai été en colère contre les journalistes de la presse.

Les deux élus concernés m’ont dit être innocents. C’est la raison pour laquelle j’ai fait sortir ces deux élus municipaux de la conférence de presse organisée sur cette affaire. Même si nous luttons contre la corruption, la perception de ces affaires est en effet mauvaise. Je tiens à souligner que les attentes de la population sont plus élevées au niveau municipal que provincial. La rétroaction est plus importante, Montréal est visible.

En outre, l’industrie de la construction et les médias sont à Montréal. Il y a beaucoup de contrats et beaucoup d’enquêtes dans lesquelles Montréal peut-être visée, puisqu’elle distribue pour 10 G$ de contrats.

En passant, ces rumeurs au sujet du milieu de la construction ne datent pas d’hier. Quel geste concret madame Harel a-t-elle accompli sur ce sujet, lorsqu’elle était ministre des affaires municipales?


LM : Qu’est-ce qui fait courir Gérald Tremblay?

GT : J’essaie de pratiquer la politique de façon différente. Je suis fasciné par les propos sur la nature du pouvoir de l’ancien premier ministre britannique Winston Churchill. Il préférait le pouvoir de faire plutôt que celui d’en avoir seulement les attributs. Mais obtenir des résultats prend du temps. Je suis néanmoins ambitieux de faire! Mon idéal politique est de contribuer à la recherche de la justice sociale, en obtenant un meilleur partage des ressources. Ce sont des valeurs que mon père m’a transmises.

En tant que maire de Montréal, l’un de mes objectifs est de faciliter l’intégration des personnes les plus fragiles dans la société. Pour cela, mes priorités sont de combattre les logements insalubres, de favoriser le logement social, de lutter contre la prostitution et la toxicomanie, enfin, de redonner de l’espoir aux itinérants en les accueillant dans des refuges. Mon idéal est de pouvoir me dire que, par mon action, j’ai fait une différence.

J’aime  la fonction de maire de Montréal, malgré ses exigences. C’est un grand privilège d’administrer une ville peuplée par 1,8 millions d’habitants et la communauté métropolitaine, qui en compte 3,5 millions, soit la moitié du Québec.