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Le triomphe du sans-papier

C’est du moins la vision présentée par les spécialistes de l’industrie et de la recherche réunis récemment à l’UQAM lors d’un colloque intitulé Les lecteurs électroniques mobiles, les jeux vidéo et les médias interactifs, dans le cadre des Assises internationales de l’imprimé et du livre électronique de Montréal. « On peut commencer la lecture d’un livre électronique au café, la poursuivre sur son téléphone portable dans l’autobus et la reprendre sur son baladeur à disque dur, le soir. »

Pour Jean-Pierre Faucher, consultant en jeux vidéo et médias interactifs, il faut maintenant associer au concept de mobilité celui de l’ubiquité. Du contenu présent sur toutes les plateformes à la fois. Pour concevoir tout ce contenu, l’industrie a donc besoin d’une armée de concepteurs, de designers graphiques d’autres artisans spécialisés, soutient Jérôme Dumont, de l’École nationale en divertissement interactif. « La demande est exponentielle avec 48 millions de clients potentiels »

Si les clients sont au rendez-vous, l’offre l’est tout autant. On n’a qu’à penser aux applications compatibles avec le iPod touch ou le iPhone d’Apple. Des produits géniaux, poursuit René Godbout, président de ZenData Marketing, dont l’effervescence est comparable à celle des années 1990. « Aujourd’hui comme à cette époque, deux amis peuvent concevoir un petit programme dans leur sous-sol en deux jours, explique-t-il.

Et trois mois plus tard, l’application aura fait le tour de la terre grâce au logiciel iTunes. » Interactivité, ubiquité, mobilité, des possibilités exploitées par toutes les plateformes sauf le livre électronique, qui peine à combler les attentes à ce stade-ci. La lecture sur support numérique est contre-intuitive, contrairement au support-papier, soutient Pierre-Alexandre Lapointe, directeur de Yu Centrik, une entreprise spécialisée en ergonomie. Selon lui, la luminosité des écrans LCD diminue de 30 % la vitesse de lecture et diminue la faculté d’assimiler efficacement l’information.

Des contraintes compensées par une capacité de stockage importante et l’interaction sur l’écran, fait-il remarquer. « Avec l’habitude, les utilisateurs développent des stratégies de lecture plus efficaces, surtout les jeunes. L’interface permet de balayer rapidement les informations, la comparaison des documents entre eux et enfin, de faciliter la lecture non linéaire ». Des éléments très importants à respecter par les éditeurs et distributeurs de livres en ligne signale Guillaume Monteux, fondateur de la maison d’édition française en ligne Milibris. Le prix et l’ergonomie de lecture sont au centre de ses préoccupations.

Et de celles des clients également, qui selon les chiffres avancés par M. Monteux, se disent prêts à seulement 19 % à acheter des livres numériques. Tous les panélistes s’entendent sur le potentiel commercial de cette mutation numérique. Mais une question brûle toutes les lèvres. Si les éditeurs accaparent le marché – et les dollars – du livre électronique, comment l’industrie a-t-elle prévu inclure la production et la diffusion des auteurs indépendants? Silence radio.

Avant de consacrer le triomphe du sans-papier, il faut d’abord espérer que les leçons du piratage en ligne et l’affrontement entre les producteurs de contenu et les artistes puissent bien servir à quelque chose…