Les deux plus importants contrats à long terme, sur 10 et 7 ans,
dépassaient les 80 millions. À la surprise générale, devant Bell qui
assurait ces services depuis des années, Telus avait emporté la mise en
déposant des soumissions presque deux fois moins élevées que son
compétiteur qui était déjà en place.
C’est ce constat qui a allumé un clignotant rouge sur le tableau de
bord du vérificateur, qui a « un intérêt certain » à clarifier ce qui
s’est passé dans l’attribution de ce mégacontrat, a appris La Presse.
« Quand le vérificateur dit qu’il est « intéressé », cela se transforme
généralement en vérification en bonne et due forme », a-t-on expliqué à
l’hôtel de ville.
Plusieurs sources dans l’administration montréalaise constatent que la
« migration » promise d’un système à l’autre a plusieurs mois de retard,
parce que le fournisseur éprouve des problèmes importants. La situation
est si problématique qu’on a dû lancer un appel au secours à Bell pour
qu’il vienne appuyer son compétiteur – un coup de pouce qui coûte une
fortune. La Ville et Telus ne s’entendent pas, semble-t-il, sur qui
épongera ces factures imprévues.
En janvier 2008, Telus Québec avait obtenu le mandat de fournir des
services de téléphonie IP à plus de 300 bureaux administratifs de la
Ville de Montréal répartis dans toute l’Ile, comptant en tout près de
17 000 postes téléphoniques. Montréal voulait officiellement uniformiser et simplifier des
structures disparates. En 2003, la Ville avait décidé de renouveler le
contrat avec Bell, afin d’assurer plus de fiabilité durant la phase des
fusions municipales.
DU « SIMPLE AU DOUBLE »
Le vérificateur Bergeron a déjà, a-t-on indiqué, fait colliger des
informations sur les dérapages prévisibles de cette opération. L’hôtel
de ville bourdonne de rumeurs sur l’attribution de ce mandat important.
On se demande si Telus avait en main tout l’inventaire des services à
assurer quand il a déposé sa soumission.
Car l’intérêt du vérificateur a été suscité, a-t-on indiqué, quand son
bureau a observé que Telus avait déposé des soumissions bien moins
élevées que son compétiteur, « du simple au double », a confié un élu
d’Union Montréal. Telus avait puissamment appuyé un projet du maire Tremblay, en
finançant pour 1 million la Société de verdissement de Montréal, de
2007 à 2009.
Dans les dossiers des compteurs d’eau et de la Société d’habitation et
de développement de Montréal, c’est l’administration Tremblay qui
avait, après de longues semaines de révélations dans les médias,
demandé des enquêtes à son vérificateur. Le contrat de 356 millions
pour les compteurs d’eau a été stoppé par l’administration durant la
campagne électorale. Les constats du vérificateur sur l’administration
de la SHDM ont été remis directement à la Sûreté du Québec.
Dans le dossier de la téléphonie, l’administration est restée muette.
À l’ouverture des appels d’offres pour la téléphonie filaire, Telus
avait fait une proposition de 35 millions; Bell n’avait pu faire mieux
que 47 millions, alors qu’il était sur place depuis des années et qu’il
était, par conséquent, le plus à même d’évaluer précisément les coûts
du projet.
En ce qui a trait aux échanges de données, Telus a proposé une
soumission à 47 millions, Bell n’a pu rivaliser, avec 83 millions.
Encore une fois, une marge étonnante séparait les deux firmes, confient
des gens proches du dossier. Dans la téléphonie cellulaire, c’est cette fois Bell qui l’a emporté,
avec une soumission de 7 millions, plus que deux fois moins élevée que
les 15 millions réclamés par Telus.
Tous ces prix pouvaient être revus à la hausse, de 20 %, pour des
contingences. Avec ces suppléments, le contrat de Telus frôle désormais
les 100 millions.
Source : PC