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LabontÉ et graff-x sous enquÊte

Rue Frontenac a tenté de retracer l’Association Graff-X pour faire le bilan de ses activités un an après sa création. À l’adresse censée abriter l’organisme, sa galerie d’art et son atelier de création de la rue de Bleury, nous avons trouvé un simple appartement habité par des étudiants qui n’avaient rien à voir avec l’organisme. La seule trace du passage de Graff-X est une murale sans envergure sur le côté de l’édifice.

« J’ai fermé les bureaux car on manquait de fonds », nous a expliqué l’ex-directeur général de l’organisme, David Proulx. Il dit avoir mis un temps fou l’an dernier avant de trouver un local. Il affirme que l’expérience a été un échec sur toute la ligne, à un tel point qu’il a cessé en janvier de se verser un salaire et a décidé de se trouver un autre emploi.

MONDE DE REQUIN

« Moi, je voulais aider les jeunes talentueux à embellir les rues et ç’a toujours été mon but, souligne M. Proulx. Après un an, je peux dire que les jeunes qui font du vandalisme ne sont pas intéressés par le côté commercial de la chose. Ils ne voient pas l’intérêt à se faire payer pour faire une murale. Et il y a aussi des requins qui font du graffiti commercial. Ces gens-là veulent se faire une grosse paie et ils n’étaient pas intéressés à partager la tarte. Ils voulaient toute la tarte et ils nous ont planté des couteaux dans le dos ».

Graff-X a été lancée en grande pompe par l’ancien maire de Ville-Marie, Benoît Labonté, en août 2008. On parlait alors d’un « exemple concret de cohésion sociale entre gens de différents milieux ».

« La démarche de l’Association comporte un enjeu majeur : celui de faire le lien avec les entreprises et propriétaires d’immeubles et de les convaincre d’encourager cette forme d’art. Les murales artistiques doivent venir remplacer les graffitis et autres tags qui polluent visuellement le paysage urbain de Ville-Marie », avait à l’époque déclaré Michel Petit, président du conseil d’administration de l’organisme. Michel Petit précise qu’il reste encore 10 000 $ dans les coffres de l’organisme et que cette somme est gelée depuis le début de 2009.

PETIT S’EXPLIQUE

En entrevue avec Rue Frontenac lundi après-midi, M. Petit a affirmé avoir démissionné de ses fonctions au conseil d’administration le printemps dernier. Il dit avoir été remplacé depuis, mais il ne veut pas révéler le nom de cette personne, qui serait issue du milieu artistique.

« On a fermé l’atelier, mais on va le rouvrir. L’organisme existe encore. La nouvelle présidente va présenter un plan de relance et trouver une autre adresse, affirme Michel Petit. David a pris la décision personnelle de quitter Graff-X l’hiver dernier pour aller travailler pour M. Labonté. […] Je ne vous cache pas que ç’a été difficile pour lui. C’est un bon projet, mais ce n’est pas un milieu qu’on approche facilement. Il y a eu beaucoup d’activité. C’est un projet audacieux, car le défi est de convaincre des entreprises de prêter des murs aux tagueurs ».

Nous avons tenté de savoir si la quinzaine de membres de Graff-X étaient des graffiteurs connus dans le milieu. Sterling Downing, patron du magazine et du festival Under Pressure qui fraie dans le milieu depuis une quinzaine d’années, a indiqué qu’il avait entendu parler de l’organisme, mais qu’il ne pouvait confirmer s’il avait ou non vu le fruit de leur travail. « J’ai entendu le nom, mais je ne les connais pas. Si vous voyez une murale, dites-le-moi. J’irai la voir », a-t-il mentionné à Rue Frontenac. Graff-X a été lancée en grande pompe par l’ancien maire de Ville-Marie, Benoît Labonté, en août 2008.

COMPTE DE BANQUE GELÉ

Autre fait à noter, la convention de services professionnels signée par l’arrondissement Ville-Marie – dont Rue Frontenac a obtenu copie – mentionne l’immeuble Le Dauphin, situé au 3535, avenue Papineau, comme adresse d’affaires de Graff Fix – nom qui diffère d’ailleurs de celui qui est utilisé dans les communications publiques de l’organisme. Or, cette adresse est celle de Consultation Management International, entreprise appartenant à Michel Petit. Ce dernier affirme que l’adresse a été corrigée depuis pour celle rue de Bleury.

Le contrat avec l’arrondissement stipule noir sur blanc que l’arrondissement versera 30 000 $ à Graff Fix sur deux ans. L’arrondissement Ville-Marie nous a confirmé que le montant avait été entièrement versé à l’organisme. En échange, Graff Fix s’engageait à « réaliser un atelier de création », à fournir une « série d’esquisses pour des murales extérieures » et à « réaliser des murales extérieures ». Vérifications faites auprès du Registraire des entreprises du Québec, ni Graff Fix ni Graff-X n’y figurent; l’organisme n’aurait donc jamais procédé à son enregistrement légal, procédure généralement exigée par les pouvoirs publics avant d’accorder une subvention.

David Proulx admet que son organisme n’a pas livré la marchandise. « On a fait plus de toiles qu’autre chose. Mais on a fait une murale près de notre local ». Michel Petit précise qu’il reste encore 10 000 $ dans les coffres de l’organisme et que cette somme est gelée depuis le début de 2009.

PEU DE CONCRET

Pour le moment cependant, Graff-X a dépensé les deux tiers de sa subvention, elle a produit une seule murale et des toiles qui n’ont pu être localisées et elle n’a plus ni atelier, ni galerie d’art, ni directeur général. Par ailleurs, M. Petit a éclairé Rue Frontenac à propos d’un contrat de 6000 $ versé en vertu du Programme Ville-Art-Marie (graffiti sur espaces publics) confié à sa firme par l’arrondissement Ville-Marie, le 8 décembre 2006. « On m’a demandé d’engager David pour faire des graffitis au skatepark situé angle de Lorimier et de Maisonneuve », explique-t-il.

La direction des communications nous a indiqué lundi que le « rapport d’étape » sur l’organisme était difficile à localiser, car le responsable du dossier était en congé de maladie jusqu’au début du mois de novembre. C’est Rue Frontenac qui lui a appris que Graff-X n’avait plus pignon sur rue. À la Ville de Montréal, on a précisé qu’il n’existait aucun lien entre le projet Opération Montréal.net et Graff-X, car le financement public de ce dernier a été octroyé par l’arrondissement Ville-Marie.

Via le programme de la ville centre, des artistes ont réalisé 12 murales entre 2006 et 2008. L’an dernier seulement, Montréal a dépensé 3,3 M$ pour nettoyer des graffitis sur des édifices privés et publics.

Source : Rue Frontenac