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Sergei kostitsyn est- il rÉcupÉrable?

Il est celui qui reste le plus marqué dans l’opinion publique, par toutes les rumeurs et les vérités qui ont circulé, autant dans les médias qu’en
coulisses, au cœur de la tempête qui a fini par coûter le poste de Guy
Carbonneau l’an passé. Il est d’ailleurs le seul des joyeux lurons à avoir
officiellement été réprimandé en étant cédé pour un mois à la filiale du club à
Hamilton. Comme si ce n’était pas suffisant, il a raté l’occasion de repartir
en neuf sous les ordres d’un nouvel entraîneur en ratant l’autobus de l’équipe
pour Québec et en subissant les foudres de Jacques Martin lors d’une séance
d’entraînement.

Ainsi, quand le Canadien a annoncé que Kostitsyn était renvoyé à Hamilton au
lendemain du dernier match préparatoire contre Buffalo, personne à Montréal
n’est tombé en bas de sa chaise en apprenant la nouvelle. En prenant
pas moins de dix jours pour se rapporter à Guy Boucher avec les Bulldogs
d’Hamilton et en désertant pendant quelques heures l’équipe de la ligue
américaine mercredi, il n’aura que renforcé l’image qui est maintenant sienne
du gars avec qui il n’y a plus rien à faire. En réclamant une transaction et en
menaçant d’aller jouer en Russie, il est devenu rien de moins que la brebis galeuse,
le genre de joueur dont on a surtout pas besoin au sein d’une équipe qui tente
d’établir une bonne chimie et de meilleures habitudes de travail.

De plus, il n’est pas indispensable, n’étant pas du calibre des Ovechkin,
Malkin et Crosby. Tout au plus et dans le meilleur des mondes peut-il encore
rêver à s’approcher d’un statut semblable à celui d’un Mike Ribeiro à Dallas,
et encore.

RIBEIRO CATAPULTÉ

Dans ce qui s’est sans doute avéré la pire transaction du règne de Bob
Gainey et une des pires de l’histoire du Canadien, Ribeiro a été catapulté hors
de Montréal pour beaucoup moins que ça. Meilleur marqueur du Canadien l’année
précédant l’échange qui a amené l’illustre Janne Niniima à Montréal, Ribeiro ne
cadrait pas avec l’image standard du joueur de hockey professionnel, selon Bob
Gainey. Attitude nonchalante, casquette de travers, rumeurs d’une vie un peu
trop trépidante à l’extérieur de la glace, membre en règle des désormais
célèbres «trois amigos», Gainey n’a fait ni une ni deux et s’est carrément
débarassé du meilleur attaquant canadien français à avoir été repêché et à
avoir évolué pour le Canadien depuis Stéphane Richer.

Le Montréalais d’origine
portugaise n’était sûrement pas parfait et avait lui aussi encore beaucoup à
apprendre sur la vie et son statut d’athlète professionnel. Mais au diable la
psychologie, le directeur général a tranché. Ce même Ribeiro, qui porte
maintenant un «A» sur son chandail à Dallas, a encaissé le choc très durement
mais s’est ressaisi au point de faire très mal paraître la décision de Gainey.
Ses performances étaient inégales pour un individu aussi talentueux, mais
personne ne pouvait accuser Ribeiro de jouer comme une «fillette» face aux
coups souvent vicieux qu’il encaissait de la part de ses adversaires.
Contrairement à ce qui a fait si cruellement défaut au Canadien en séries,
Ribeiro était différent des autres, mais il ne manquait pas de caractère. Il
l’a démontré en menant les Stars en finale de conférence il y a deux ans.

Historiquement, la Canadien a toujours eu un peu de mal à composer avec des
joueurs ayant une personnalité et un caractère particulier. Chris Chelios, Guy
Carbonneau, Patrick Roy et Claude Lemieux, pour ne nommer que ceux là, ont tous
été contraints de poursuivre leur carrière sous d’autres cieux, pour soit avoir
défié l’ordre établi, ou parce qu’ils devenaient difficiles à gérer dans une
organisation si soucieuse de son image. Tout le monde n’est pas Sydney Crosby
dans la vie. Des
athlètes de cette nature viennent d’un seul bloc avec leurs bons et mauvais
côtés. Ils sont parfois désagréables, incontrôlables même, mais la dernière
conquête de la Coupe
Stanley
par le Canadien remonterait à 1979, n’eût été de la
présence de ce type de joueurs. Autant ils pouvaient causer des maux de têtes à
tous ceux qui les ont dirigés, autant les Serge Savard, Jean Perron, Pat Burns
et Jacques Demers étaient bien contents de les avoir dans leur équipe quand
venait le temps d’aller à la guerre.

Peut-être ne saurons-nous jamais ce que Sergei Kostitsyn pourrait connaître
comme carrière dans la LNH et je vous concède qu’il est périlleux d’associer
son nom à ceux que j’ai mentionnés jusqu’ici. Il est d’ailleurs beaucoup plus
facile pour le Canadien de régler le cas de Kostitsyn que ça ne l’a été avec
ces joueurs qui avaient tant fait pour le Canadien, avant d’être échangés.
Avant même d’avoir pu s’établir concrètement, il s’est déjà peinturé dans le
coin. Malgré tout, et même si j’adhère à l’idée qu’il fallait faire quelque chose
pour encadrer ce jeune coq, je suis encore loin d’être sûr que le Canadien s’y
est pris de la bonne façon pour dompter Sergei. Quand, le 27 septembre, Jacques
Martin et Bob Gainey ont décidé de l’exclure du reste du groupe qu’ils avaient
décidé d’emmener en retraite fermée au «Teen Ranch» situé à Caledon en Ontario,
je me suis questionné.

Pourquoi donc y avait-il une place dans ce groupe pour Ben Maxwell, Tom
Pyatt, Yannick Weber et Curtis Sanford, mais pas pour Sergei? N’était-il pas un
joueur capable lui aussi d’aider le Canadien au moins quelque part dans la
saison, et tout autant que ces joueurs retranchés à la toute fin du camp?Considérant en plus le risque de le perdre bêtement au profit de la KHL
comme ce fut le cas des Valentenko, Yemelin et Perezhogin de ce monde, Gainey
et Martin devaient avoir une fichue de bonne raison d’agir ainsi. Il s’était
tout de même écoulé neuf jours depuis le fameux autobus raté vers Québec. Il
est donc forcément survenu quelque chose que nous ne savons pas, ou ne savions
pas…

 Effectivement. Ce n’est peut-être pas la seule explication, mais c’est dans
la nuit du 26 au 27 septembre que se serait joué l’avenir immédiat de Sergei
Kostitsyn avec le Canadien. Bien que laissé de côté contre les Sabres le samedi
soir lors du dernier match préparatoire, il n’allait pas manquer de se payer
une dernière bonne soirée à Montréal avec quelques amis et coéquipiers, avant
de quitter la ville avec l’équipe pour les trois semaines suivantes. Rien de
plus normal. Le Canadien terminait son calendrier préparatoire sur une bonne
note après être revenu de l’arrière pour battre Buffalo. Les joueurs avaient
bien le droit de s’amuser un peu avant la retraite fermée et le début des
choses sérieuses contre les Leafs le 1er octobre.

Il était passé minuit depuis longtemps quand certains joueurs n’ayant pas le
goût d’aller dormir tout de suite ont accepté l’invitation d’aller terminer la
soirée en privé au domicile d’un des leurs en compagnie de quelques amis. C’est
là qu’un peu plus tard, ça s’est gâté. Pour des raisons nébuleuses, Sergei
Kostitsyn et son hôte se seraient colletaillés assez sérieusement pour forcer
l’intervention de quelques autres équipiers, qui ont dû séparer les deux
amigos, une bien mauvaise façon de terminer une soirée très agréable avant
d’aller «tisser des liens» en Ontario.
Informés de l’incident tôt le lendemain, Martin et Bob Gainey ne l’ont
évidemment pas trouvé drôle. Pas question pour le nouveau coach de commencer
son règne avec un cas problème dans les pattes, et surtout, pas question pour
Gainey de revivre une autre saison marquée par des distractions hors glace.
N’ayant pas à le soumettre au ballottage et profitant d’un contrat à double
sens, les deux hommes ont décidé que le moment était venu de régler le cas de
Sergei une fois pour toutes: ça va passer ou ça va casser! Direction Hamilton!
Pour les dirigeants, c’était la goutte qui faisait déborder le vase.

Il y a mis du temps, mais il s’est finalement rapporté à Hamilton où, selon
Marc-André Bergeron, qui disputait mardi son premier match avec le Canadien
après un court séjour là bas, Kostitsyn était le meilleur joueur des Bulldogs,
et ce même s’il n’a récolté aucun point à ses deux derniers matchs avant de
refaire ses valises. Il avait auparavant inscrit deux buts et deux passes en
quatre rencontres. J’ignore s’il s’attendait à ce que Bob Gainey, qui a assisté au match des
Bulldogs lundi, le ramène avec lui, mais visiblement, Kostitsyn ne le digère
toujours pas. Selon lui, il n’a pas d’affaire dans la Ligue américaine. Sa
place est dans la Ligue nationale, que ce soit ici, à Montréal, ou ailleurs.

Après tout, il n’avait que 20 ans quand, dès son rappel au tiers de la
saison 2007-08, il a mérité un poste régulier au sein d’une équipe qui allait
remporter le championnat de sa Conférence, quelques mois plus tard. Son talent
ne fait donc aucun doute. Pour le reste, est-il irrécupérable? Je ne le crois
pas, mais je ne possède pas toutes les données. C’est Theoren Fleury qui disait cette semaine qu’«aussi bas que l’on tombe,
il est toujours possible de se relever». Certaines histoires faisant maintenant
partie de la petite histoire, ils sont nombreux, tous ceux qui, dans l’histoire
du Canadien et de la Ligue, auraient besoin d’un papier pour noter tout ce
qu’ils auraient eu à se faire pardonner à l’occasion d’une visite au
confessionnal.

Le Canadien a-t-il démissionné dans son cas? Je ne sais pas, mais Bob Gainey
avait beau dire mercredi que son départ donnerait la chance à d’autres jeunes –
résigné qu’il paraissait à l’idée de voir Sergei partir pour la KHL – il serait
bien dommage de lancer la serviette aussi vite. Prenez l’histoire plus récente de Ryan O’Byrne, que certains voulaient
sortir de Montréal à coups de pieds au derrière. Il semble s’être bien relevé
de l’histoire de la sacoche, des huées et de ses déboires sur la glace. Même Sean
Avery a repris sa place dans le circuit Bettman. Patrick Kane, la jeune
sensation des Hawks, a lui aussi commis un faux pas l’été dernier. Alors,
pourquoi donc Kostitsyn représenterait-il un cas désespéré?

Beaucoup de bonne volonté de sa part, un brin de psychologie 101 de la part
des dirigeants, et tout pourrait redevenir possible dans son cas. Ce jeune
homme qui tient tête aux dirigeants du Canadien est le même qui ne recule
devant personne sur la
patinoire. Quoiqu’on
en pense, et en autant qu’il parvienne à
comprendre et respecter les directives de l’organisation, Sergei Kostitsyn a du
chien dans le nez. C’est à Gainey d’agir. C’est à lui de regarder le kid
droit dans les yeux et de lui dire comment ça va fonctionner dorénavant, de lui
faire comprendre que tant qu’à se défoncer, aussi bien le faire là où ça lui
rapportera le plus, sur la
patinoire. Cela
a peut-être déjà été fait mais la situation
se complique. Comment le Canadien peut-il ramener cet individu récalcitrant
dans le droit chemin et au sein de l’équipe sans perdre la face, sans avoir
l’air de céder aux caprices de Kostitsyn?

Une chose est certaine. Plusieurs attaquants de l’équipe, sûrement plus
dociles que lui, ne se montrent pas à la hauteur depuis le début de la saison. Et personne
n’ignore que le 74 est bien meilleur que plusieurs d’entre eux. Bob Gainey n’a plus la marge de manœuvre qu’il avait il y a cinq ans, et même
si la victoire difficilement acquise contre les Trashers mardi a calmé le jeu,
je trouverais bien triste de le voir échapper un autre athlète, pas facile à
diriger, certes, mais qui n’a pas peur de se mettre le nez dans le trafic quand
d’autres deviennent frileux. On n’en est pas là dans son cas, mais il n’y a pas
que des noms d’enfants de chœur gravés sur la Coupe Stanley.

Source: MSN