Le processus d’attribution des contrats serait confié à un
mandataire ou à un comité pour une période déterminée, probablement un
an. Même si le premier ministre Charest a soutenu qu’il n’avait
même jamais songé à mettre la métropole sous tutelle, des sources
fiables expliquent que ce recours ultime a été envisagé sérieusement à
Québec, devant la longue liste de scandales liés à l’adjudication des
contrats municipaux.
Mais la tourmente a atteint son paroxysme avec les déclarations de
Benoit Labonté il y a tout juste deux semaines. À ce moment, il était
trop tard pour intervenir : on était à la toute veille du vote par
anticipation, à une semaine du scrutin. Mis en demeure de déclencher une enquête publique dont il ne veut pas,
le gouvernement Charest a, depuis un mois, plutôt fait des gestes pour
revoir la loi sur le financement électoral et donné plus de muscle aux
escouades policières qui doivent épingler les fraudeurs dans
l’industrie de la construction. Mais rien n’avait été fait expressément pour Montréal.
« On ne peut pas rester à ne rien faire », a lancé candidement le
ministre des Affaires municipales, Laurent Lessard, dans une récente
entrevue. Il devrait annoncer des mesures dès cette semaine. La
Fédération québécoise des municipalités, l’Union des municipalités et
la Ville de Montréal, savent déjà qu’elles seront convoquées à Québec
dans les prochains jours pour une discussion sur l’éthique, le
traitement des plaintes (les villes ne collaborent pas suffisamment au
goût de Québec) et, enfin, l’adjudication des contrats.
« Il faut que le gouvernement du Québec mette son nez dans les affaires
municipales » résume un apparatchik libéral. « La ville n’a pas besoin
d’être mise sous tutelle, au lendemain d’une élection municipale. C’est
le processus d’attribution des contrats qui doit être revu »,
explique-t-on au gouvernement, tout en promettant que « cela ne prendra
pas deux mois ».
Dans bien des villes, l’équité dans la distribution des contrats de
construction parait problématique mais à Montréal, on est devant un
monstre. Les contrats de construction (ceux de la SHDM, par exemple)
posent problème. Mais le cancer s’étend aux fournisseurs (les compteurs
d’eau), à l’informatique (un cadre a été congédié et poursuivi au
criminel) et même à la téléphonie (un contrat de 87 M$
est sous la loupe du vérificateur général de Montréal, Jacques
Bergeron).
Hier soir, le ministre Lessard prévenait déjà qu’« il faut revoir les
règles sur l’éthique, la transparence et l’adjudication des contrats », promettant des changements dans les relations d’affaires de
l’ensemble des municipalités.
Selon les informations obtenues par La Presse, dans le cas de Montréal,
Québec envisage de récupérer la responsabilité de l’adjudication des
contrats municipaux pour une période de six mois à deux ans, selon les
discussions amorcées depuis deux semaines entre les ministères. La
mécanique est à définir : est-ce que ce sera un comité de
fonctionnaires, des commissaires de la Commission municipale ou, plus
probablement, un mandataire ad hoc, une grosse pointure comme Guy
Coulombe ou Louis Roquet, qui ont tous deux occupé le poste de
directeur général de la Ville de Montréal dans le passé?
M. Roquet vient d’obtenir un mandat pour assister la directrice par
intérim, Rachel Laperrière, dans le dossier des compteurs d’eau – le
contrat accordé à GÉNIeau par Montréal a été suspendu dès la
publication d’un rapport accablant par le vérificateur de la Ville,
Jacques Bergeron. Les deux hommes n’ont pas rappelé La Presse. Pour sa
part, joint en soirée, Guy Coulombe a indiqué qu’il n’avait jamais
entendu parler d’une telle solution.
Cette « procédure particulière » pour l’attribution des contrats a été
préparée à Québec, avec l’impression très claire que Gérald Tremblay
obtiendrait un troisième mandat. Cette approche demeure valide avec un autre maire. Le gouvernement
Charest doit d’abord indiquer qu’il est déterminé à régler le problème
de Montréal. Déjà, son attentisme lui a coûté quelques points dans le
dernier sondage CROP publié par La Presse la semaine dernière.
Dans la mécanique des contrats, deux aspects sont à contrôler en
particulier : la détermination du « juste prix » pour un contrat de
construction, et les « avenants », des ajouts que la firme retenue est en
droit de réclamer pour achever le projet. Au gouvernement, on avait songé à solliciter l’Agence des PPP – qui
s’appellera bientôt Infrastructure Québec – pour contrôler ces
contrats. Après quelques échanges, il est bien vite apparu que cette
société d’État, avec 36 employés, n’a pas les ressources nécessaires
pour scruter tous les contrats de la ville.
Chez les spécialistes des questions municipales, on explique qu’une
tutelle peut être « totale ou partielle ». Mécaniquement, la tutelle
municipale vient d’un décret du gouvernement, qui confie un mandat à la
Commission des affaires municipales. Ironiquement, cet organisme avait
été créé il y a près d’un siècle pour, précisément, faire face à des
problèmes à Montréal. La dernière tutelle a été instaurée cet automne à Petite-Rivière-Saint-François, dans Charlevoix.
Source : PC