Mais en privé, celui qui est aujourd’hui accusé
du meurtre de Natasha Cournoyer était violent, volubile, et se montrait
capable de préparer un plan et de structurer un alibi.
C’est ce
qu’avait révélé l’écoute électronique au sujet de Larouche à l’époque.
À cause de son numéro de plaque d’immatriculation et du chapelet jaune qui pendait au
rétroviseur de la voiture (que la fillette avait remarqué), Larouche
était le suspect numéro un dans la tentative d’enlèvement de l’enfant,
survenue tôt le matin du 10 octobre 2003, dans l’est de Montréal. Au cours de l’enquête, qui allait durer plus de sept mois, des micros
avaient été placés pendant deux mois dans le logement de Larouche, rue
Péloquin, à Ahuntsic. La police avait alors découvert que leur suspect
était violent verbalement avec les deux fils de sa conjointe et
contrôlant avec celle-ci. Une querelle particulière avait retenu
l’attention. La femme était en colère, car elle avait découvert une
facture de téléphone de 800 $, en raison d’appels répétés de Larouche à
une ligne érotique. En retour, celui-ci lui reprochait de ne plus
l’exciter sexuellement. Les fameux appels ont été faits le 6 octobre
2003 (un appel), le 10 octobre (six appels, soit cinq dans la nuit
avant la tentative d’enlèvement de la petite et un moins de deux
heures après) et le 25 octobre (quatre appels). On avait aussi
découvert que Larouche incitait sa conjointe à mentir pour le couvrir.
Devant les preuves écrasantes présentées lors de l’enquête
préliminaire, Larouche a fini par admettre qu’il avait tenté d’enlever
l’enfant. Mais il n’a jamais dit ce qu’il comptait faire d’elle s’il
avait réussi. La seule explication qu’il a donnée lors des évaluations
en vue de l’imposition de sa peine se résume à ceci : en entendant le
prénom Émilie dans une chanson à la radio, ce matin-là, il s’est mis à
penser à sa propre fille, qu’il ne voyait plus depuis des années. Pour
le reste, Larouche s’était commodément retranché derrière ses problèmes
de consommation de drogue et d’alcool, qui ont largement été mis en
évidence par la défense, lors des plaidoiries.
Et cela avait fonctionné jusqu’à un certain point. Comme le crime
d’enlèvement n’avait pas été consommé, la Cour ne pouvait présumer des
intentions de l’accusé. « On ne peut pas lui donner une sentence de
prédateur sexuel », avait plaidé son avocate, Gisèle Tremblay.
D’ailleurs, les trois évaluations n’avaient pas déterminé de
problématique sexuelle et Larouche niait en avoir.
« On ne peut prononcer une sentence contre personne sur des suppositions », avait reconnu le juge Robert Sansfaçon.
La défense avait fait ressortir les aspects pathétiques de la vie de
Larouche. Son père, un alcoolique, est mort dans un institut
psychiatrique après y avoir passé plusieurs années. Sa mère serait
morte d’une surdose de médicaments. En raison d’un accident qui a
réduit sa vue en première année du primaire, Larouche est peu
scolarisé. Originaire de la région du Saguenay, il a deux enfants, un
garçon et une fille, issus de deux unions précédentes. En 2003, il ne
voyait plus sa fille âgée d’une dizaine d’années depuis longtemps et
voyait rarement son fils. Il avait été un bon père, plaidait l’avocate,
mais ses relations avec les mères de ses enfants n’avaient pas fonctionné en raison de
sa toxicomanie. Sa consommation lui avait fait perdre beaucoup
d’emplois et avait gâché sa vie, avait résumé Me Tremblay. Mais il était maintenant prêt à se prendre en main et à suivre une thérapie
de désintoxication. Et il avait toujours le soutien de sa conjointe,
avec qui il était depuis environ cinq ans. Cette femme est restée aux
côtés de Larouche depuis.
Une poupée avec une déchirure à l’entrejambe
La procureure de la Couronne, Cinthia Gyenizse, soutenait pour sa part
que le risque de récidive était très grand. Lors d’un test
phallométrique, pour vérifier s’il y avait déviance sexuelle, il
n’avait eu aucune réaction. Ni avec les enfants ni avec les adultes. Ce
qui était étrange. D’ailleurs, il y avait cette étrange poupée
retrouvée chez Larouche, lors d’une perquisition. Une poupée de feutre
outrageusement maquillée, avec une déchirure à l’entrejambe. La
conjointe de Larouche ayant deux fils; à qui cette poupée pouvait-elle
servir? Par ailleurs, l’explication de la toxicomanie ne tenait pas la
route, à son avis. Larouche consomme depuis l’âge de 18 ans, avait-elle
rétorqué. L’alcool et la drogue peuvent, au pire, être un
« facilitateur » du crime, mais certainement pas le « déclencheur ». Et
puis, en 1993, au moment de recevoir sa peine pour une agression
sexuelle commise en mai 1991 dans la région de Jonquière, Larouche
avait aussi fait valoir qu’il voulait arrêter de consommer.
Cette agression de 1991, Larouche l’a toujours niée. Il soutenait qu’il
s’agissait d’une relation consentante. La jeune femme avait 19 ans et
il la connaissait. Un soir, dans un bar, il lui a offert d’aller la
reconduire chez elle et elle a accepté. En chemin, il a bifurqué à un
certain endroit en lui disant qu’il voulait lui montrer où il pêchait.
Sur place, elle ne pouvait s’échapper. Il l’a déshabillée et l’a
violée. Il est ensuite allé la reconduire chez elle. Il a été déclaré
coupable au terme de son procès et a écopé de 12 mois de prison.
Un dossier criminel moins lourd qu’on le dit
Depuis quelques jours, on répète que le présumé meurtrier de Natasha
Cournoyer a un « lourd » dossier criminel, mais il n’est pas si lourd.
Ses pires condamnations ont été de 12 mois de prison pour l’agression
sexuelle de 1991 et de 40 mois pour la tentative d’enlèvement de
l’enfant survenue en 2003. Ces 40 mois ont été purgés ainsi : 13 mois et
demi de détention préventive pendant le processus judiciaire,
comptabilisés en double, et une peine de 13 mois « à partir de ce jour »,
que le juge Sansfaçon lui a imposée lors du prononcé de la peine, en
juin 2005. C’est donc dire que Larouche ne serait jamais allé dans un
pénitencier fédéral, réservé aux peines de plus de deux ans. L’accusé
compte aussi trois ou quatre condamnations légères (probation, amende,
sentence suspendue) pour des délits mineurs. Il a aussi une cause
pendante à Québec, pour la tentative de vol d’une roulotte, survenue à
Charlesbourg, en mai dernier. Larouche, 48 ans, reviendra devant le
tribunal le 8 décembre pour la communication de la preuve, dans le
dossier du meurtre de Natasha Cournoyer.
Source : PC