Et c’est tout à l’honneur de Louis Morissette, qui nous offre cette
fois-ci une dernière saison qui témoigne que l’auteur est lui aussi
passé à autre chose, soit à quelque chose de plus profond, de plus
dramatique et où l’on est bien loin de la comédie légère, froide et
anecdotique de la première mouture. Pour une dernière saison de 13
épisodes, C.A. sera en ondes dès le lundi 4 janvier, à 21 h 30, sur les ondes de Radio-Canada.
Avec l’arrivée d’Alexia, la petite de Sarah (Isabelle Blais), un des
membres du fameux conseil manque à l’appel plus souvent qu’à son tour.
Tangente logique au personnage, Sarah, la petite Germaine de nature,
l’est devenue encore plus depuis qu’elle est mère, ne laissant aucune
marge de manœuvre au pauvre Martin (Alexandre Goyette), qui a décidé de
rester auprès d’elle malgré le fait qu’il ne soit pas le père de
l’enfant.
Lors de l’anniversaire d’un an de la petite Alexia, même mettre du
crémage à gâteau sur le visage du poupon pourrait être un danger pour
la petite. D’ailleurs, dans le premier épisode, nous avons droit à
quelques succulentes scènes qui nous exposent la réalité des
nouveaux parents, dont celle où la fade Sarah se questionne à savoir si
l’enfant prend trop de place au sein du couple. On découvre alors, par
un plan de caméra révélateur, que le bébé est allongé dans le lit entre
les deux parents… Notons aussi la participation de Fréderick
DeGrandpré, – le phantasme de Sarah – qui apparaîtra à quelques
reprises au cours du premier épisode. Martin, de son côté, aura un
entretien direct avec Joël Bouchard, qui commentera, dans un langage
sportif et approprié, une houleuse discussion du couple portant sur
l’importance de la routine!
Et les amis ne se gêneront pas pour dire à la jeune mère
qu’elle se néglige et que ça fait un an qu’elle a les cheveux gras et
toujours un peu de vomi sur ses chandails. Et à propos du bikini de
Sarah -pour le moins négligé- Maude se fera surprendre par l’aspect
touffu de celui-ci et ira d’une réplique qu’on doit absolument retenir : « T’as les Jackson Five dans tes culottes »… Pour la séduction, on
repassera. On devine que l’auteur, père de trois jeunes enfants, avait
assez de matière pour trouver la vie parentale, un sujet inspirant!
AUSSI BON, MALGRÉ L’ABSENCE DE PODZ
Grâce au bon boulot de Nicolas Monette, qui avait la difficile
tâche de se mouler au style de la série imposé par Louis Morissette et
Podz, la réalisation n’a pas souffert de l’absence de celui-ci. Monette
a par contre l’habitude de poursuivre le travail de Podz, ayant déjà
pris le flambeau sur la série 3 x rien et ayant réalisé la deuxième partie de la deuxième saison de C.A..
On ne sera donc pas surpris de revoir le nom de Nicolas Monette à la
réalisation sur le générique des prochains projets de Morissette en
tant qu’auteur.
Malgré qu’on sente une légère différence, un aspect peut-être plus
léché, nous nous retrouvons dans l’univers des quatre amis, où l’on
navigue entre les endroits branchés et la maison cossue de banlieue de
Sarah et où les personnages peuvent se retrouver directement plongés
comme observateurs dans les quelques histoires qui restent racontées.
Car c’est une autre différence à souligner, nous suivons davantage les
personnages dans l’action et non dans l’anecdote racontée lors de leurs
fameux C.A., ce qui change de façon radicale la façon de voir les
intrigues. Pour la première fois, nous avons l’impression de savoir qui
sont les quatre amis et ce qu’ils font vraiment de leurs journées.
LES BAS-FONDS DE JEAN-MICHEL
Penchons-nous sur le cas de Jean-Michel, qui n’est pas loin de l’abîme.
Nous le retrouvons, alors qu’il n’est plus agent de joueurs de hockey,
qu’il quitte un job de vendeur à la station de radio où travaille
Maude, « sniffe » de la coke, boit du champagne (ou du mousseux?) et se
tape une jolie blonde sans trop de saveur, et tout ça semble bien
désolant pour celui qui l’a fait trop souvent. À 35 ans, pas de blonde,
pas d’attaches, pas d’engagement, il pense encore avoir la vie rêvée.
Au cours de la série, il sera confronté à un fantôme du passé; son
père, joué par Yves Corbeil, dont il est devenu la parfaite réplique.
Pour sa part, Yannick (Antoine Bertrand) tentera d’aider du mieux qu’il
le peut son meilleur ami en le confrontant sur sa dérive. Après avoir
connu le désert émotif pendant plusieurs années, il forme maintenant un
couple avec Valérie, une femme bien. Ne sachant pas quoi faire de toute
cette réciprocité et ayant la pornographie comme référence sexuelle, il
connaîtra des problèmes érectiles. Manque d’estime personnelle?
Incapacité d’aimer et de se faire aimer? Yannick devra réapprendre…
Quant à Maude, elle cherche toujours et encore le mâle idéal.
Lasse des manipulateurs (enfin!), elle lorgnera du côté d’un gentil
sportif qui fait du bénévolat. Trop sage pour elle? Sûrement. Elle
sera plus ébranlée par le perte de sa camisole Dolce&Gabbana que
par des adolescents qui fréquentent les maisons de jeunes. Nous pouvons
garder espoir pour elle, elle trouvera chaussure à son pied. Et pas
trop loin des Manolo Blahnik.
Je me souviens qu’une de mes déceptions, lorsque j’avais vu le film tiré de la série à succès Sex and the City, était que j’avais la pénible impression que les
héroïnes n’avaient pas bougé d’un iota. Toujours à prôner les fringues
et les futilités. Je me disais en voyant ma trentaine, qui tire à sa fin, qu’il
était bien dommage que l’auteure n’ait pas tenu compte des nouvelles
préoccupations de ses fidèles téléspectatrices.
Dans le cas de C.A., Morissette a eu l’intelligence
de faire grandir ses personnages, qu’on a découvert encore bien « green », à la
fin de leur vingtaine. Si l’on se fie à ce dernier tome de C.A., je suis bien curieuse de savoir où en sera rendu Morissette pour sa prochaine série, dont le titre provisoire est Plan B.
C.A. 4, les lundis, à 21 h 30, sur les ondes de Radio-Canada, dès le 4 janvier.