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Jon lajoie : les limites de la provocation

Il poursuit maintenant sa carrière à Los Angeles et
présente des spectacles d’humour. Il y offre un méli-mélo de chansons comiques, d’anti stand-up et de vidéos qui s’abreuvent aux Trailer Park Boys, Kids in the Hall, South Park, Weird Al Yankovic et même un peu à Jackass. En interview cet été, Lajoie parlait d’expériences bizarres en
spectacle dans des villes américaines très religieuses, où ses fans se
réjouissaient à la seule mention du mot « fuck ». Peut être que son
humour est subversif dans ces contrées. Mais chez nous, il l’est
beaucoup moins.

La transposition de son univers comique sur scène n’est pas toujours
concluante. Ce n’est pas mauvais. C’est seulement que ce qui est drôle
et provocant dans une vidéo de trois minutes devient répétitif après
une heure. L’effet surprise finit par disparaître et on rit moins. C’est le danger de trop miser sur la provocation. Après un certain
temps, plus rien ne provoque. Pendant 80 minutes, Lajoie enchaîne les
gags – surtout de cul – les plus grinçants possibles. Pour être plus
précis, il est question de douche brune, de godemiché et de la position
préférée de pôpa et môman, sans oublier quelques lignes sur un gars
violé dans un parc, un touriste japonais poignardé pour sa caméra, un
aveugle tabassé pour le plaisir et autres plaisanteries. Comme
celle-ci : « J’ai acheté une auto… Par acheté, je veux dire
empoisonné. Et par auto, je veux dire chien du voisin… » On rit
jaune, on rit noir et on rit de fatigue devant tant de conneries et
d’absurdités.

Oui, c’est caustique, mais il aurait fallu un petit quelque chose de
plus dans la forme ou dans le fond. Côté forme, Lajoie mise un peu trop
sur ses chansons. Il les interprète avec deux anciens collègues
musiciens de L’Auberge du chien noir (Renaud Paradis et Stéphane Côté). La plupart figurent sur son disque. Les meilleures en concert sont Everyday Normal Guy et Show Me Your Genitals,
les deux seules jouées avec costume et mise en scène. Mention honorable
aussi à une chanson qui utilise le folk à la Simon & Garfunkel pour
reprendre les textes de Snoop Dogg, Gillette et autres poètes. La
satire est efficace et l’interprétation également. Dans ses inflexions
vocales, Lajoie rappelle même Rufus Wainwright. Sans blague.

On entendra aussi plusieurs pièces de son disque, comme Too Fast, Alone in the Universe et High As Fuck. Celles-la sont jouées sans costume ou mise en scène. Et en plus, on connaît déjà les punchs.
Bref, c’est pas mal moins drôle que lors du premier visionnement sur
YouTube. Et ni la musique ni l’interprétation ne les rendent mémorables
sur scène, contrairement à d’autres ritournelles comiques comme celles
d’un Weird Al ou d’un Jack Black. Outre les
chansons, il y a aussi des sketchs vidéo qui servent d’interlude, mais
ils sont trop peu nombreux. Un inédit montre Lajoie s’infligeant une
sévère cuite, avec vomi et éructations en boni. Un autre plus drôle –
et déjà disponible sur son site – est la fausse pub sur le thème de « Not giving a fuck ». On en aurait pris plus comme cela, idéalement nouvelles.

Et le stand-up? Lajoie se dit maladroit dans le genre, alors il s’en moque. Ce méta stand-up le sert bien, surtout avec sa voix paresseuse. Ses top 5 – une autre idée déjà sur son site – font aussi rire. Des humoristes beaucoup moins talentueux réussissent à s’en tirer pas
trop mal avec un spectacle très préparé et rodé. Dans le cas de Lajoie,
c’est plutôt le contraire. Il est talentueux et original, mais on
aurait pris un spectacle mieux fignolé, avec plus de vidéos et de sketchs originaux pour casser le rythme des chansons et surprendre un peu. Oui, le style slacker fait partie de son charme, mais il a aussi ses limites.

 

Source : PC